Renouant avec son traditionnel rôle de catalyseur, le président de la Chambre, Nabih Berry, a parrainé hier une rencontre à Aïn el-Tiné (résidence de M. Berry) entre une délégation du Hezbollah et une autre du Parti socialiste progressiste. Il s’agit de la première tentative de calmer les esprits entre les deux formations après la récente escalade déclenchée notamment par des déclarations du leader du PSP, Walid Joumblatt, à la chaîne Russia Today, dans lesquelles il avait notamment estimé que les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises.
À cela, s’ajoute la polémique suscitée récemment par l’arrêt du Conseil d’État cassant une décision du ministre de l’Industrie Waël Bou Faour (joumblattiste) d’interdire l’édification d’une mégacimenterie à Aïn Dara (Aley). Il s’agit d’un projet entrepris par la société al-Arz, qui appartient à Pierre Fattouche, frère de Nicolas Fattouche, ancien député de Zahlé et actuellement considéré comme proche du Hezbollah. Dans un tweet assassin, M. Joumblatt avait alors établi implicitement un lien entre cet arrêt et l’influence du parti chiite. Étaient présents à la réunion d’hier, outre M. Berry, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, bras droit du chef du législatif, et Ahmad Baalbaki, cadre du mouvement Amal. Quant au Hezbollah, il a dépêché Hussein Khalil, conseiller du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, et Wafic Safa, responsable de l’appareil sécuritaire de la formation. Côté PSP, on notait la présence de M. Bou Faour et de Ghazi Aridi, ancien député de Beyrouth.
S’exprimant à l’issue de la réunion, Ali Hassan Khalil l’a qualifiée de « rencontre franche ». « La discussion a porté sur tous les dossiers communs », a-t-il souligné, faisant savoir que les participants se sont entendus à poursuivre leurs contacts « dans une atmosphère positive afin de réaliser leurs ambitions ».
À une question portant sur les fermes de Chebaa, le ministre des Finances a répondu d’un ton catégorique : « En ce qui nous concerne, cette question est tranchée. Les fermes sont libanaises. Et cela a fait l’unanimité des participants à la table de dialogue national de 2006. » « Cette question ne se pose pas », a encore ajouté le ministre berryste.
Consolider l’accalmie
Le chef du législatif a donc réussi assez rapidement à réunir les représentants des deux partis, dont les rapports sont en dents de scie depuis le jeudi 25 avril dernier, date de l’entretien accordé par M. Joumblatt à la chaîne Russia Today. Mais cela ne signifie aucunement que les relations entre les deux formations sont normalisées. La rencontre d’hier concrétise simplement les propos de Walid Joumblatt dans un entretien accordé la semaine dernière à la chaîne al-Arabiya. Il avait alors déclaré que son parti et celui de Hassan Nasrallah s’étaient entendus pour « gérer le désaccord entre eux ».
La réunion de Aïn el-Tiné intervient aussi quelques jours après le dernier discours de Hassan Nasrallah. Le numéro un du Hezbollah y avait répondu aux propos de M. Joumblatt concernant les hameaux de Chebaa, tout en prenant soin de ne pas s’en prendre à lui nommément. Il s’est contenté de rappeler que les autorités libanaises, elles, reconnaissent que les hameaux en question sont libanais.
Une source proche du PSP indique à L’Orient-Le Jour que les deux partis ont profité de la réunion d’hier pour discuter « franchement des dossiers de l’actualité ». Les mêmes milieux font cependant valoir que la question des fermes de Chebaa n’a été évoquée que rapidement. Les deux formations se sont accordées pour poursuivre leur dialogue dans une atmosphère positive. Commentant les propos de Ali Hassan Khalil concernant les fermes de Chebaa, des milieux proches de Moukhtara expliquent à L’OLJ qu’il ne s’agit pas d’une tentative de mettre le PSP au pied du mur. Bien au contraire. M. Khalil, à l’instar de Walid Joumblatt, a appelé à respecter les décisions de la table de dialogue de 2006. Les participants avaient alors insisté sur la nécessité de procéder à la délimitation des frontières entre le Liban et la Syrie. Cela peut être accompli par le biais du ministère des Affaires étrangères, ajoute-t-on de même source.
Des observateurs politiques rappellent que ce ministère a longtemps été entre les mains du tandem chiite et était défaillant sur ce dossier, ne réussissant pas à obtenir du régime syrien qu’il souscrive à cette demande libanaise. Or cette demande était d’autant plus pressante qu’aux yeux du droit international, les fermes de Chebaa ne seront effectivement pas considérées comme libanaises tant que Damas s’abstiendra de produire des documents prouvant le contraire. Quoi qu’il en soit, le Hezbollah semble soucieux de se montrer optimiste quant à un retour à l’accalmie avec le leader de Moukhtara. Contacté par L’OLJ, un proche du parti chiite souligne que dans son dernier discours, Hassan Nasrallah a défini les grandes lignes (de l’action de la formation) dans la prochaine phase. Celle-ci « sera celle du travail », précise-t-il, insistant sur le fait que son parti converge avec M. Joumblatt sur l’importance de préserver l’accalmie. Et ce proche du Hezbollah de faire valoir que le voies de communication ne sont jamais coupées avec qui que ce soit.
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commentaires (7)
Brrrrr....
Tina Chamoun
17 h 33, le 06 mai 2019