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Liban - Fermes de Chebaa

Joumblatt plus que jamais dans le collimateur de la « Moumanaa »

L’affaire Aïn Dara a gelé les rapports avec le Hezbollah sans pour autant les rompre, affirment des proches de Moukhtara.

Walid Joumblatt. Photo Marwan Assaf

Le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt est plus que jamais dans le collimateur du camp de la « Moumanaa ». Telle est l’impression qui se dégage de la campagne menée contre lui par plusieurs protagonistes gravitant dans l’orbite syro-iranienne.

Tout a commencé jeudi soir, lorsque M. Joumblatt a déclaré sans détour que les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises. S’exprimant dans une interview accordée à la chaîne Russia Today, il a même accusé des officiers libanais et syriens de « déformer les cartes de la frontière libano-syrienne.

Faisant valoir que « le gouvernement syrien a refusé de remettre au Liban les documents qui confirment que les fermes sont libanaises, ce qui explique le flou entourant encore l’identité de la partie qui exerce la souveraineté sur ces terres », M. Joumblatt s’en est pris au régime Assad. Damas « veut conserver la carte des fermes de Chebaa, dans la mesure où tant qu’elles sont libanaises, il faut les libérer à tout prix », a-t-il lancé, critiquant ainsi une volonté de la Syrie et de ses alliés de continuer à faire pression en faveur du maintien des armes du Hezbollah, sous prétexte de poursuivre la lutte contre Israël.

Toujours dans le cadre de sa diatribe contre le régime syrien, Walid Joumblatt a confié : « J’ai appris d’un diplomate russe que Bachar el-Assad a envoyé un télégramme au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dans lequel il lui a assuré qu’en cas de partage de la Syrie, le mini-État alaouite ne représentera aucun danger pour l’État hébreu. » « Des propos auxquels les Israéliens auraient répondu en demandant de récupérer la dépouille mortelle de l’espion Élie Cohen », a poursuivi le chef du PSP. Mais l’ambassadeur de Russie Alexander Zasypkine devait démentir hier les propos du leader de Moukhtara. « Depuis le début de la crise syrienne, la Russie considère que Bachar el-Assad est le leader du peuple syrien, toutes catégories confondues », a-t-il souligné dans une déclaration, assurant que c’est cette position qui est exprimée aussi bien dans les médias que dans les contacts de Moscou avec d’autres pays. M. Zasypkine a également démenti dans la foulée être au courant d’informations que M. Joumblatt aurait obtenues d’un diplomate russe.

Quoi qu’il en soit, les propos du leader du PSP ont provoqué la colère des ténors du camp de la résistance, qui n’ont pas tardé à réagir en s’en prenant violemment au chef druze. C’est naturellement Talal Arslane, chef du Parti démocrate libanais et principal rival de M. Joumblatt sur la scène druze, qui a été l’un des premiers à lui répondre. « Les fermes de Chebaa et les hauteurs de Kfarchouba sont libanaises. Et celui qui songe à les abandonner ou à adresser un camouflet à la résistance est une personne qui a perdu son sentiment national et nationaliste », a-t-il écrit sur son compte Twitter.

À son tour, le ministre d’État pour le Commerce extérieur, Hassan Mrad, relevant de la Rencontre consultative, le sous-groupe allié au Hezbollah et rassemblant les députés sunnites hostiles au Premier ministre Saad Hariri, a assuré via Twitter que « les fermes de Chebaa sont libanaises et que cela est prouvé par des documents, l’histoire et la géographie ». « Elles sont ancrées en cette terre beaucoup plus que certains hommes politiques (…) », a-t-il enchaîné dans une allusion à peine voilée à Walid Joumblatt.

Nombreuses sont les figures du 8 Mars qui ont emboîté le pas à MM. Arslane et Mrad pour stigmatiser les déclarations de Walid Joumblatt, dans la mesure où, selon les détracteurs de ce dernier, elles vont à l’encontre de l’attachement du Liban à la libération de ces territoires occupés par Israël depuis des décennies.



(Lire aussi : Fermes de Chebaa : Joumblatt persiste et signe et accuse ses détracteurs de légitimer son meurtre)



« Le rappel » de Joumblatt
Sauf que le chef du PSP n’a pas tardé à s’inviter personnellement dans la partie pour mettre les points sur les i une fois pour toutes. Sur son compte Twitter, Walid Joumblatt a rappelé qu’en 2000, il avait pris les mêmes positions, en appelant au redéploiement des troupes syriennes. « J’étais alors face à des campagnes d’accusation de trahison, comme c’est le cas actuellement », a-t-il souligné, avant de poursuivre : « Il y aurait probablement des terres appartenant à des Libanais dans les fermes de Chebaa et les hauteurs de Kfarchouba. Mais cela est une chose, et la souveraineté en est une autre, surtout après la déformation des cartes. » « Lors du dialogue national de 2006, nous nous sommes entendus unanimement sur le Tribunal spécial pour le Liban d’abord, suivi de la délimitation des frontières et le règlement de la question des armes dans les camps palestiniens et les relations diplomatiques avec la Syrie », a ajouté le chef du PSP. Et d’enchaîner : « Concernant les fermes de Chebaa, nous nous sommes entendus pour que soient prises toutes les mesures à même de prouver leur identité libanaise, conformément aux mécanismes en vigueur sous les auspices de l’ONU. Mais cela n’est pas arrivé. »

M. Joumblatt s’est enfin adressé à ses détracteurs en ces termes : « Ce rappel est-il suffisant, ou est-il interdit de rappeler et de penser ? En tout cas, soyez libres d’analyser et de lancer des accusations de trahison, nous poursuivrons sur notre voie. » Le leader druze s’est vu bénéficier de l’appui de plusieurs personnalités relevant du 14 Mars, parmi lesquels Farès Souhaid, ancien député, Achraf Rifi, ancien ministre de la Justice, ou encore May Chidiac, ministre d’État pour le Développement administratif (Forces libanaises), et Mohammad Hajjar, député du Chouf (courant du Futur). Ce dernier a ouvertement exhorté la Syrie à signer les cartes prouvant que les fermes en question sont libanaises.


Le « souverainisme » de Moukhtara en ligne de mire
Si la posture de Walid Joumblatt vis-à-vis des fermes de Chebaa a soulevé les passions, c’est qu’elle relance le débat sur la légitimité et la fonction de l’arsenal du Hezbollah. Le chef du PSP dénonce un échafaudage géographico-théorique mis en place par Damas en 2001 pour justifier la poursuite de la lutte armée du Hezbollah après le retrait israélien de 2000. En 2006, M. Joumblatt exhibait déjà comme preuve de la véracité de ses propos une carte géographique de l’armée libanaise datant de 1962, qui n’incluait pas à l’époque les fermes de Chebaa en territoire libanais, pour montrer que ces quarante ans de vérité typographique avaient été effacés d’un coup en 2001 par le régime syrien, qui a décidé de qualifier cette région de « libanaise », pour permettre au Hezbollah de conserver ses armes.En ce sens, les propos du chef du PSP ont donné un nouveau souffle au camp souverainiste, qui défend le principe du monopole de la violence légitime. Sauf que l’importance de ces déclarations ne saurait être cernée à cette seule dimension. Et pour cause : la campagne menée par la « Moumanaa » contre le leader de Moukhtara ne saurait être dissociée des efforts déployés par ce camp pour « assiéger Walid Joumblatt politiquement », comme le soulignent à L’OLJ certains proches du leader druze. Ils en veulent pour preuve les événements de Jahiliyé (décembre 2018) et les tentatives de réduire sa représentation gouvernementale, après l’avoir défié sur ses terres lors des législatives de mai 2018.

La campagne intervient aussi quelques jours après une décision du Conseil d’État de casser une décision du ministre de l’Industrie Waël Bou Faour d’interdire l’édification d’une cimenterie à Aïn Dara (caza de Aley, fief joumblattiste). Celle-ci aurait brisé la trêve observée entre le PSP et le Hezbollah depuis des mois, sans pour autant rompre les rapports entre les deux partis. C’est d’ailleurs sous cet angle qu’un proche de Moukhtara explique à L’OLJ la nouvelle phase de la polémique. « La décision du Conseil d’État constitue un défi lancé à Walid Joumblatt dans son fief par le Hezbollah et ses alliés », explique-t-il, soulignant que « les dernières déclarations du chef druze sont une réaction aux agissements du régime syrien et du Hezbollah sur la scène locale ».En d’autres termes, c’est parce qu’il affiche ses couleurs souverainistes que le leader de Moukhtara est en proie à une nouvelle attaque de la part du régime Assad. Pour un autre proche de M. Joumblatt, les propos du chef du PSP constituent aussi une réponse aux « déclarations inconsidérées » du ministre de la Défense Élias Bou Saab, qui avait jugé caduque le 25 mars dernier l’idée d’une stratégie de défense « tant que les visées israéliennes sur le Liban persistent ». « Nous pressons pour que cette stratégie soit établie parce que nous ne voulons pas laisser libre cours à la milice du Hezbollah de nous entraîner dans ses aventures, tout comme nous ne voulons pas perdre l’assistance internationale », souligne ce cadre.


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commentaires (8)

Dans d'autres pays civilisés, avec des responsables civilisés, on s'adresserait tout simplement au dirigeants du pays avec lequel on a un problème de tracé des frontières. On prendrait les documents et cartes nécessaires, on se mettrait à table avec eux et on travaillerait à règler ce problème, tout simplement ! Mais il est de plus en plus évident que ni la Syrie plus le parti iranien nommé Hezbollah n'ont intérêt à régler ce problème. Sinon...bye bye le prétexte de conserver les armes dites "de la résistance" du parti pro-Iran sur notre territoire libanais. Israël...observe...et doit bien s'amuser de ses cousins-voisins ! Irène Saïd

Irene Said

15 h 16, le 30 avril 2019

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Commentaires (8)

  • Dans d'autres pays civilisés, avec des responsables civilisés, on s'adresserait tout simplement au dirigeants du pays avec lequel on a un problème de tracé des frontières. On prendrait les documents et cartes nécessaires, on se mettrait à table avec eux et on travaillerait à règler ce problème, tout simplement ! Mais il est de plus en plus évident que ni la Syrie plus le parti iranien nommé Hezbollah n'ont intérêt à régler ce problème. Sinon...bye bye le prétexte de conserver les armes dites "de la résistance" du parti pro-Iran sur notre territoire libanais. Israël...observe...et doit bien s'amuser de ses cousins-voisins ! Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 16, le 30 avril 2019

  • Pour la énième fois, Israël occupe les fermes de Chebaa (20 km2) depuis 1967 et les a annexées depuis 1981 tout comme les 1210 km2 occupés du Golan car selon les autorités syriennes elles font partie de l'Etat de Damas. C'est un sujet à traiter entre la Syrie et Israël exclusivement. Débat clos.

    Un Libanais

    13 h 14, le 30 avril 2019

  • Quand les attaques contre Walid Joumblat s'associent au "rapt" de la Souveraineté Nationale, n'est-il pas légitime que le peuple libanais dans sa très grande majorité, accourt pour défendre simultanément, et la Souveraineté Nationale et Walid Joumblat??? Ces attaques contre le leader druze se sont ainsi transformés en accusations plus qu'évidentes contre l'axe de la Moumanaa, et les politiques libanais de ce bord, devraient avoir la décence d'éviter la confrontation sur ce terrain...!

    Salim Dahdah

    11 h 56, le 30 avril 2019

  • Pour des personnes qui considerent que le Hezb est un occupant dans son propre pays, il est naturel de considerer les fermes de Chebba comme etant quelques Km2 insignifiants qui ne vaillent pas la peine d'un tel raffut. A chacun(e) son Liban. Lakoum loubnanakoum hein? ...

    Tina Chamoun

    11 h 27, le 30 avril 2019

  • WEZZ B3AYNON !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 37, le 30 avril 2019

  • Bien ! attendez-vous a un violent coup de bambou des americains dans pas longtemps. Une tempete a toujours des nuages annonciateurs.

    Lebinlon

    09 h 51, le 30 avril 2019

  • Les enjeux sont importants. Mais en démocratie nous devons apprendre et s'habituer à écouter les avis de tout le monde.

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 13, le 30 avril 2019

  • Nous simples citoyens, aimerions comprendre le pourquoi de ces bagarres autour des quelques Km2 des fermes de Chebaa etc., alors que personne, en premier le brillant héros de Damas, ne mentionne jamais les 1210 Km2 du Golan qu'il a donnés à Israël ? Ensuite, le "parti divin résistant", sa mission consiste-t-elle aussi à s'immiscer dans les problèmes de la cimenterie à Aïn Dara...y-a-t-il aussi des Israéliens qui occupent ce terrain ? La Communauté internationale...y-compris les fameux Occidentaux-comploteurs...qu'est ce qu'elle doit se marrer en voyant nos problèmes typiquement...libanais et éternellement insolubles ! Et comprendre pourquoi notre pauvre pays ne pourra jamais être une vraie nation...étant composée de ce genre de politiciens... Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 40, le 30 avril 2019

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