« Les droits de l’armée sont une ligne rouge », peut-on lire sur cette banderole tendue hier à l’entrée de la Banque centrale, à Beyrouth, lors d’un sit-in des militaires à la retraite contre d’éventuelles mesures d’austérité les touchants. REUTERS/Mohamed Azakir
Face à la perspective d’un budget d’austérité pour 2019, dont l’examen de l’avant-projet a enfin commencé hier en Conseil des ministres, l’effervescence a gagné la rue et les mouvements de protestation s’enchaînent les uns après les autres pour mettre en garde le gouvernement contre toute tentation de puiser aux « mauvaises sources » pour réduire le déficit budgétaire.
Hier les militaires retraités ont investi, en masse cette fois-ci, des secteurs névralgiques du pays, paralysant leur fonctionnement et occasionnant plusieurs millions de dollars en pertes à gagner à l’État, après avoir interdit l’accès des fonctionnaires au port de Beyrouth, à la Banque centrale et au ministère des Finances. D’autres corps professionnels protestaient également en différents points du pays contre d’éventuelles spoliations. Au même moment, la Confédération des syndicats ouvriers du secteur public et des offices autonomes décrétait trois jours de grève générale, les 2, 3 et 4 mai, pour exprimer leur « refus catégorique de toute mesure qui porterait atteinte aux salaires ou compensations octroyées aux fonctionnaires du secteur public ».
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La grogne s’amplifie et la contestation risque de s’élargir, les mouvements étant appelés à fusionner si les revendications ne sont pas entendues, comme le fait remarquer le président de la Confédération générale des travailleurs (CGTL), Béchara Asmar, qui a clairement exprimé son soutien hier au mouvement des militaires retraités. Ces derniers sont passés à l’acte pour exprimer leur colère après avoir eu vent de certaines mesures prévues susceptibles d’affecter leurs pensions et autres compensations auxquelles ils ont eu droit jusqu’ici.
Rassemblés dès l’aube place Riad el-Solh et au jardin de Sanayeh, les protestataires, plusieurs milliers selon un ancien officier ayant pris part au mouvement, se sont ensuite répartis pour se diriger, par petits comités, vers le port, la Banque centrale et le ministère des Finances, trois secteurs symboliques.
Le port de Beyrouth, qui a été fermé pendant plusieurs heures face aux fonctionnaires, représente, comme le relève un ancien général de l’armée, « l’un des viviers de la corruption, des irrégularités et des fraudes douanières, des dysfonctionnements que l’avant-projet du budget a magistralement ignoré ». À la Banque centrale, également paralysée pendant plusieurs heures, le message portait sur le fait que les banques, qui font à leurs yeux d’énormes profits, devraient davantage être mises à contribution au lieu de faire payer la facture du déficit aux seules classes défavorisées. Un dernier message enfin a été adressé au ministère des Finances, à l’origine d’un projet de budget déjà contesté.
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« Ils (les responsables politiques) ont choisi le maillon le plus faible, les retraités de l’armée, qu’ils considèrent comme étant désormais inutiles. Ils se trompent lourdement, car ils ne sont pas encore conscients de ce dont nous sommes capables », confie à L’OLJ un officier à la retraite. Pour son collègue Khalil Hélou, « dire que les retraites et compensations octroyées aux anciens militaires sont en train de grever le trésor de l’État est une véritable supercherie ». Selon lui, les soldats ont non seulement investi le double de temps en heures de travail consenties par rapport aux civils, pris des risques énormes pour assurer la sécurité dans le pays mais ils ont en plus cotisé leurs pensions de leurs propres salaires « que l’on cherche aujourd’hui à leur arracher ».
Selon les informations obtenues par la Ligue des anciens militaires sur l’avant-projet du budget présenté au gouvernement, les retraités risquent notamment de voir leur pension diminuée de 3 %, en plus de certains aménagements portant sur l’annulation de compensations sur leurs équipements, autant de mesures « qui affecteraient sérieusement le total de la somme de la pension composée » dont ils bénéficient. Des coupes que les anciens militaires affirment qu’ils n’accepteront en aucun cas et quelle que soit la mise en scène adoptée. Dès aujourd’hui, la Ligue des retraités tiendra une réunion d’évaluation de la journée d’hier en vue de décider de la prochaine étape. « Si le gouvernement ne renonce pas à ces mesures, le Parlement ne pourra pas tenir ses réunions », a menacé Georges Nader, un ancien officier.
Entretenant l’énigme, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a démenti, quelques minutes avant le début du Conseil des ministres, l’existence de telles mesures, affirmant que les informations ayant circulé dans la presse et sur les réseaux sociaux au sujet des mesures d’austérité contenues dans le projet de budget étaient « infondées ». Dans ce contexte, il a souligné que personne n’avait évoqué la question des réductions ou suppressions des salaires des militaires, des militaires retraités ou des fonctionnaires. Il a regretté que les militaires à la retraite « aient recours au populisme que certains responsables cherchent à attiser ». M. Khalil faisait probablement allusion au ministre de la Défense, Élias Bou Saab, qui, dans une initiative symbolique, s’est rendu hier matin à Ersal – une bourgade défendue par l’armée qui a combattu les radicaux islamistes – d’où il a exprimé son soutien à la troupe et aux droits acquis des soldats.
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AVANT DERNIERE LIGNE DE MA REACTION PRIERE LIRE : ET SOCIAUX ETC... MERCI.
09 h 06, le 01 mai 2019