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Liban - Social

Les militaires retraités dans la rue : une nouvelle mise en garde avant l’escalade

« Nous ne servirons pas de boucs émissaires pour couvrir l’échec de la classe politique », assurent les protestataires.

Photo d’archives Wissam Moussa

C’est un second ultimatum qu’entendent adresser aujourd’hui les militaires retraités qui ont appelé à un mouvement de protestation pour mettre en garde contre toute éventuelle réduction de leurs compensations et indemnités ou atteinte à leurs droits et acquis.

Annoncée depuis plusieurs jours, la manifestation, qui risque de toucher les principaux axes routiers de Beyrouth mais aussi de plusieurs régions libanaises, va coïncider avec la réunion du Conseil des ministres qui doit plancher sur un premier examen du projet de loi du budget de 2019.

Deux grands rassemblements sont prévus dès l’aube, à Riad el-Solh et au jardin des Arts et métiers (Sanayeh), dès 5h30. Réunis hier dans le cadre d’une cellule de crise, les militaires retraités ont estimé que le mouvement « est une mise en garde adressée aux autorités » qu’ils invitent à renoncer aux réductions annoncées dans le projet du budget « avant même sa discussion en Conseil des ministres ».

S’il est difficile pour l’heure d’estimer l’ampleur du mouvement et son impact sur le terrain – certains officiers ont carrément évoqué un blocage total de la place Riad el-Solh –, on sait toutefois que les protestataires semblent décidés à faire entendre leur voix de manière « civilisée » et dans le respect de l’ordre public. C’est ce qui ressort notamment d’une série de garde-fous qu’ils se sont engagés à respecter durant le mouvement de protestation, comme le fait de « s’abstenir de recourir à un langage diffamatoire à l’égard des hauts responsables » politiques, religieux ou autres, de « ne pas porter tort au citoyen », de « préserver la propreté des lieux », « de ne pas porter des armes », seules les forces de l’ordre ayant été invitées à maintenir l’ordre public.


(Pour mémoire : La tension sociale monte... avant même les mesures gouvernementales)

Les rumeurs se confirment
Depuis la diffusion de certaines informations ayant fuité sur d’éventuelles coupes dans les salaires des fonctionnaires, puis sur des mesures parallèles devant affecter les retraites des soldats et officiers de l’armée, et les subventions dont ils bénéficient, la rue gronde. Après un premier mouvement de protestation auquel avaient appelé plusieurs corps de métier ainsi qu’un groupe d’anciens militaires à la mi-avril, ces derniers sont revenus à la charge pour une seconde mise en garde qu’ils annoncent plus ferme. Le ton est déterminé : il n’est pas question que le gouvernement touche à quelques acquis que ce soit, les vétérans de l’armée estimant avoir consenti d’énormes sacrifices et souffert dans leur chair dans l’exercice de leur fonction.

Forts de six députés, tous d’anciens officiers de l’armée, et du soutien d’une large frange de la société civile, les militaires retraités promettent l’escalade si leur cause n’est pas entendue et assurent « détenir des moyens de dissuasion » propices afin d’inverser la situation. Parmi la batterie de moyens dont ils disposent, le recours en invalidation de la loi des finances devant le Conseil constitutionnel si celle-ci devait être avalisée à leur détriment.

C’est une menace à peine voilée qu’a d’ailleurs lancée hier le député de la Békaa et ancien directeur de la Sûreté, Jamil Sayyed, en rappelant l’épisode de l’encerclement du ministère des Finances par les militaires, en 1994, alors que le gouvernement présidé, à cette époque, par Fouad Siniora avait été tenté de prendre des mesures similaires à l’encontre de la troupe.

La grogne populaire est d’autant plus forte qu’elle survient dans un contexte de crise sociale aiguë et de corruption quasi généralisée imputée à la classe politique, également accusée de dilapidation des fonds publics et de mauvaise gouvernance.

« Bouc émissaire »
Depuis plusieurs mois, les scandales se multiplient et les médias en font écho au quotidien, chiffres à l’appui, dénonçant toutes sortes de déviations. D’où la difficulté pour les vétérans de l’armée d’avaler la pilule et d’accepter de consentir à davantage de sacrifices. Pour de nombreux protestataires, il s’agit d’une « punition infligée aux militaires et destinée à leur faire assumer l’échec de la classe politique sur tous les plans ».

« Nous avons clairement l’impression que ce budget est concocté de sorte à provoquer les militaires », commente pour L’Orient-Le Jour le député de Beyrouth et ancien général, Jean Talouzian, qui a pris connaissance de l’avant-projet du budget et qui confirme l’existence de certains aménagements portant atteinte aux acquis des militaires retraités.

L’ancien officier déplore au passage le fait que l’institution militaire devienne de la sorte le « bouc émissaire d’une politique d’austérité imposée, alors que le gouvernement s’évertuait il y a quelques semaines à avaliser des dépenses injustifiées pour couvrir les frais des voyages officiels et que certains ministères ont vu leur budget augmenter par rapport à l’année dernière, de manière tout aussi injustifiée ».

« Les salaires des fonctionnaires et des militaires tous grades confondus ne sont pas à l’origine de la faillite du Trésor public, mais plutôt les fonds qui ont été usurpés par les responsables et la corruption rampante », a tweeté pour sa part Jamil Sayyed. Ce dernier s’est rendu hier à Baabda où il a évoqué ce dossier sensible avec le chef de l’État qui, selon M. Sayyed, aura certainement des remarques à formuler concernant les droits des militaires lors de la discussion du budget.

L’armée compte près de 60 000 éléments
Selon la société al-Douwaliya lil maaloumat, le budget total de l’armée libanaise, dont une large tranche est allouée aux indemnités, s’élève à près de deux milliards de dollars. Les salaires et les retraites de l’ensemble des forces militaires (y compris les FSI, la Sûreté générale et la Sécurité de l’État) constituent entre 60 à 70 % de la grille des salaires. « L’armée compte près de 60 000 éléments, ce qui représente une lourde charge pour un pays aussi petit que le Liban », estime le chercheur Mohammad Chamseddine.

Le directeur de la société, Jawad Adra, s’étonne toutefois de voir le débat se cristalliser autour des salaires des fonctionnaires et des indemnités des militaires alors qu’il devrait s’élargir pour envisager d’autres sources de revenus, comme par exemple les taxes sur les biens-fonds maritimes, « qui n’ont toujours pas été collectées par l’État pour l’année 2018 ».

Reprenant l’un des conseils d’un ministre grec qui était en fonctions durant les années d’austérité qu’a traversées son pays, M. Adra estime que « l’État ferait mieux de puiser auprès de ceux qui en ont le plus profité ». « Il ne s’agit pas d’appliquer les mesures d’austérité de façon horizontale englobant tout le monde, mais plutôt de manière proportionnelle », conclut l’expert.


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C’est un second ultimatum qu’entendent adresser aujourd’hui les militaires retraités qui ont appelé à un mouvement de protestation pour mettre en garde contre toute éventuelle réduction de leurs compensations et indemnités ou atteinte à leurs droits et acquis. Annoncée depuis plusieurs jours, la manifestation, qui risque de toucher les principaux axes routiers de Beyrouth mais aussi...

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"L'armée est la colonne vertébrale de la Nation." (Général de Gaulle).

Un Libanais

12 h 50, le 30 avril 2019

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Commentaires (1)

  • "L'armée est la colonne vertébrale de la Nation." (Général de Gaulle).

    Un Libanais

    12 h 50, le 30 avril 2019

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