Le métropolite Élias Audi à la cérémonie du Feu nouveau, samedi de Pâques. Photo ANI
Alors que le gouvernement doit examiner à partir d’aujourd’hui l’avant-projet de budget pour 2019, le métropolite grec-orthodoxe Élias Audi et le patriarche maronite Béchara Raï ont joint leurs voix, dimanche à l’occasion des Pâques orthodoxes, pour appeler à la moralisation de la vie publique, une lutte à outrance contre la corruption et des mesures d’austérité ciblées qui épargnent les classes pauvres et à revenus limités.Officiant dans la cathédrale Saint-Georges, le métropolite Audi a appelé les responsables à « décréter l’état d’urgence économique ». « Chaque piastre volée des caisses de l’État doit être restituée, a tonné le dignitaire chrétien. Les voleurs doivent être jugés. Les coupables d’évasion fiscale ou douanière, ceux qui volent le courant électrique, ceux qui spolient les biens-fonds de l’État ou accaparent les ressources qui devraient aller à l’État, tout ce monde doit être dénoncé. Il faut décréter l’état d’urgence économique et entamer les réformes. »
« Sans la miséricorde, a dit le métropolite de Beyrouth, les guerres et les massacres se poursuivront dans le monde (…), chacun considérant que la culture de l’autre est une menace à la sienne. C’est bien ce que nous voyons se produire dans le monde, avec la destruction de mosquées et d’églises, l’expulsion des minorités et l’anéantissement de leurs cultures. C’est bien ce que nous avons vu se produire au Sri Lanka. Du reste, c’est ce que nous-mêmes avons vécu, ainsi que cette cathédrale qui a été incendiée durant la guerre, dont les icônes ont été volées et les peintures murales vandalisées. »
Et le métropolite de déplorer « la disparition de l’amour, le recul de la foi, la décadence morale, le règne de l’égoïsme et des intérêts personnels, la disparition des concepts d’État et d’autorité de la loi, la corruption devenant règle et l’honnêteté l’exception ».
« Le plus triste, a dit le dignitaire religieux, c’est que ceux qui se réclament de la lutte contre la corruption ont participé depuis des décennies à l’affaiblissement de l’État, à la marginalisation de la loi, à la corruption et à la protection des corrompus ; ils ont dévasté les institutions de l’État et pillé sa trésorerie, ont paralysé les institutions et empêché les échéances constitutionnelles de se produire à temps, dénaturé une démocratie qui n’a plus de démocratique que le nom, fait profession de contrebande et de passe-frontières, créé des institutions fictives ou conclu des transactions louches, gaspillé l’argent public, surchargé les administrations, se sont ingérés dans le travail de la justice, ou empêché la levée de l’immunité de certains corrompus. Et le plus risible, c’est que nous en parlons comme si nous venions de l’apprendre. »
Raï : priorité au budget
« Le gouvernement et le Parlement doivent rapidement adopter le budget avec les mesures nécessaires pour mettre fin au gaspillage de l’argent public, récupérer l’argent des ports, douanes, impôts et des biens-fonds maritimes », a déclaré de son côté Mgr Béchara Raï lors de l’homélie dominicale du premier dimanche après Pâques, devenu depuis Jean-Paul II selon un vœu du Christ révélé à sainte Faustine fête de la Divine miséricorde. Et d’appeler à mettre fin à l’évasion fiscale et à prendre des mesures d’austérité concernant les frais de déplacements des responsables.
Le patriarche maronite s’est parallèlement élevé contre toute réduction des subventions aux écoles gratuites privées. « Dans le cadre des mesures d’austérité auxquelles il réfléchit, le gouvernement pense peut-être ne plus soutenir les écoles gratuites. Cela serait inacceptable. Comment l’État pourrait s’occuper des orphelins, des personnes handicapées et d’autres situations particulières sans parrainer ces écoles qui comblent l’absence de l’État ? » s’est interrogé le dignitaire maronite
« On dit que certaines de ces écoles sont fictives. À l’État de le vérifier et de rompre les contrats et/ou de fermer ces écoles. Nous, en tant qu’Église maronite, ne couvrons aucune illégalité, si tant est qu’elles existent. N’oublions pas que la culture d’un peuple se juge au degré d’attention qu’il accorde aux personnes handicapées », a ajouté le patriarche.
Par ailleurs, Mgr Raï a demandé que les lois réglementant les secteurs de l’éducation privée et publique soient dissociés, chacune de ces législations entraînant des dépenses de financement, et l’État n’étant pas en mesure de suivre le secteur privé sur ce terrain.
Parmi les visiteurs du siège patriarcal, signalons la présence de l’ancienne ministre française Michèle Alliot-Marie et son compagnon, le député Patrick Ollier, qui ont procédé à un échange de vues avec le patriarche Raï sur le jumelage des deux villes de Zouk Mikaël et de Ruel-Malmaison. L’ancienne ministre a par ailleurs fait part au dignitaire maronite de son intention de créer une association politico-économique francophone susceptible de faire entendre au monde la voix de la planète francophone.
Par ailleurs, le patriarche a reçu les membres de la Fondation maronite mondiale pour le développement conduits par le banquier Salim Sfeir, vice-président de la fondation, qui tiendra en août prochain au siège patriarcal sa seconde assemblée générale.
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