Le quatrième émissaire de l’ONU pour la Syrie depuis 2012, Geir Pedersen, pourrait ne rien trouver à Damas. Le diplomate norvégien qui a pris ses fonctions en janvier dernier s’est entretenu hier dans la capitale syrienne avec le chef de la diplomatie et vice-Premier ministre, Walid Moallem, de la création d’un comité constitutionnel pour relancer le processus politique dans ce pays en guerre depuis 2011. L’idée de ce comité constitutionnel censé ouvrir la voie à une éventuelle résolution du conflit syrien est d’actualité dans les sphères diplomatiques depuis janvier 2018. Selon le plan de l’ONU, ce comité doit comprendre 150 membres : 50 choisis par le pouvoir, 50 par l’opposition et 50 par l’émissaire de l’ONU afin d’insérer dans la réflexion des experts et des représentants de la société civile. Sa création a jusqu’ici buté sur un désaccord entre les différentes parties prenantes au conflit sur sa composition, notamment celle de la troisième liste, qui suscite des divergences entre Damas et les Nations unies.
Il s’agit du troisième déplacement dans la capitale syrienne du diplomate onusien, qui a aussi rencontré à plusieurs reprises des membres de l’opposition syrienne, et multiplié les contacts avec les puissances étrangères impliquées dans le conflit. MM. Pedersen et Moallem ont évoqué « les consultations liées au processus politique, notamment le comité constitutionnel » et les « efforts continus pour faire progresser » ce processus, selon l’agence officielle syrienne SANA. « Nous avons eu des discussions très détaillées et substantielles (...), il est possible de dire que nous abordons maintenant toutes les questions », a souligné M. Pedersen, qui avait indiqué fin février qu’il espérait réunir « dans les délais les plus brefs » le comité constitutionnel. « Pedersen est très idéaliste s’il espère obtenir quelque chose de Bachar el-Assad », estime Nicholas Heras, chercheur au Centre pour une nouvelle sécurité américaine (CNAS) et expert des questions de sécurité au Moyen-Orient, interrogé par L’Orient-Le Jour.
Les prédécesseurs de M. Pedersen n’ont pas réussi à trouver une issue à cette guerre qui s’est complexifiée au fil des ans et a fait plus de 370 000 morts. Les négociations sous l’égide de l’ONU entre le régime de Bachar el-Assad et l’opposition ont été éclipsées depuis janvier 2017 par un processus parallèle dit d’Astana, à l’initiative de la Russie et de l’Iran, alliés de Damas, en coordination avec la Turquie, parrain de certains groupes rebelles. L’intervention russe, débutée en septembre 2015, a été cruciale pour la survie du régime de Bachar el-Assad, qui était alors en mauvaise posture face aux forces rebelles, malgré le soutien de l’Iran et de ses alliés. Au fil des ans et des victoires militaires, il est devenu clair que le régime restera en place, mais la guerre et les interventions étrangères auront eu raison de son contrôle total du territoire syrien.
Alors que la Russie cherche à réhabiliter son allié sur la scène internationale, qu’elle partage dans une certaine mesure le refus israélien de voir un enracinement de l’Iran en Syrie, que les dissensions entre Moscou et Téhéran concernant leurs rôles futurs dans la Syrie d’après-guerre commencent à éclater au grand jour, et que les pays occidentaux qui ont les moyens financiers pour la reconstruction du pays conditionnent ce financement à une résolution inclusive du conflit, la paix semble encore loin. D’autant plus que, pour sa part, « le régime d’Assad », qui bloque jusqu’ici la solution onusienne, « croit avoir gagné la guerre et pense que la communauté internationale doit répondre à ses demandes », juge Nicholas Heras. Dans cette optique, le chercheur affirme que le régime considère « le comité constitutionnel » comme « un tampon qui confirmerait le pouvoir d’Assad ».
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18 h 38, le 15 avril 2019