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Cinquante ans de noircitude

…Et la lumière fut! Pas encore dans les chaumières libanaises, puisqu’il faudra attendre jusqu’en 2020 pour voir commencer à se concrétiser les bonnes intentions. Mais, du moins, un éclair de conscience et de décence (de génie serait trop dire) vient-il de fuser dans les cervelles sclérosées de générations entières de responsables. Qui, depuis des décennies, avaient failli à leur charge, consistant tout bêtement à nous éclairer. Et qui n’ont cessé de recourir plutôt à des expédients, à d’extravagants moyens de fortune : sans trop souvent oublier la leur, de fortune.


De ces sombres décennies on veut bien retrancher quinze années de guerre, durant lesquelles la population a vécu des noirceurs, massacres et destructions bien plus graves que la disparition du courant électrique. C’est l’après-guerre toutefois qui n’a pas tenu sa promesse d’un État réédifié sur des bases saines, d’un État de droit dont les institutions seraient dédiées au service du citoyen, aussi bien qu’au bon fonctionnement de la République. Car non seulement féroces rivalités politiques et violations répétées de la Constitution ont fini par dénaturer notre système démocratique parlementaire. Mais dans un pays où puissances politique et d’argent sont fortement enclines à se confondre, la course au pouvoir s’est doublée d’une razzia sur les secteurs étatiques les plus lucratifs : tout se passant comme si même les plus acharnés des adversaires s’estimaient liés par une même police d’assurance leur garantissant une totale impunité.


De ce troupeau de vaches laitières, c’est bien la production d’électricité qui aura été pillée avec le plus de constance et de méthode, par la voie d’adjudications suspectes et de coupables lacunes dans l’entretien des quelques centrales existantes. Plus d’un quart de siècle après le retour de la paix civile, la très chétive et erratique production de courant aura coûté au total une quarantaine de milliards de dollars : montant pharamineux qui a plombé le budget et surgonflé la dette ; montant qui, correctement investi, eut comblé les espoirs les plus fous du consommateur libanais, lui eut épargné les abus des générateurs de quartier et même fait du pays un exportateur de mégawatts.


Pourquoi tant de retard pour un plan structuré de redressement, lequel n’a été adopté, lundi en Conseil des ministres, que sous la pression des puissances amies du Liban, exaspérées par tant de je-m’en-foutisme ? La vérité, dit-on, sort de la bouche des enfants ; des novices en politique aussi, à en juger par les lapalissades embarrassées qu’a balbutiées, en guise de réponse, la ministre de l’Énergie.


Songer à châtier les prévaricateurs du passé, ou seulement à les contraindre de rendre gorge, serait évidemment faire preuve de naïveté. Quant à un avenir qui romprait enfin avec les mauvaises habitudes, seule une autorité de régulation au-dessus de tout soupçon pourra rassurer une opinion publique mille fois échaudée : une autorité dont il faut absolument exiger qu’elle inclue des représentants des organismes internationaux de surveillance, aussi bien financière que technique.


D’éliminer la pollution atmosphérique due aux émanations des centrales ne suffit pas, au Liban, pour garantir un courant bien propre…


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

…Et la lumière fut! Pas encore dans les chaumières libanaises, puisqu’il faudra attendre jusqu’en 2020 pour voir commencer à se concrétiser les bonnes intentions. Mais, du moins, un éclair de conscience et de décence (de génie serait trop dire) vient-il de fuser dans les cervelles sclérosées de générations entières de responsables. Qui, depuis des décennies, avaient failli à...