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Liban - Pollution électromagnétique

Polémique ravivée autour de l’installation de la ligne à haute tension de Mansouriyé

La population s’apprête déjà à faire face à la détermination du gouvernement d’installer les câbles du tronçon Bsalim-Aramoun-Mkallès par la force.

Des câbles à haute tension, source de tiraillements. Nuttsue/photo Bigstock

Un nouveau round de contestation a débuté dans la région de Mansouriyé (Metn) et ses environs, avec la perspective d’installation « par la force » des câbles de 220 kilovolts sur les énormes pylônes qui existent depuis plus d’une décennie déjà. Ces pylônes sont érigés à proximité de domiciles et d’écoles depuis de nombreuses années, mais la contestation populaire a jusque-là empêché l’installation de ce tronçon. Les habitants et les administrations des établissements scolaires craignent les risques sanitaires liés à l’exposition prolongée au champ électromagnétique, notamment pour la population à risque comme les enfants.

Ce qui a fait remonter cette question à la surface est une mention dans le cadre du plan d’électricité du ministère de l’Énergie, adopté lundi par le gouvernement, qui dit ce qui suit : « Demander aux Forces de sécurité intérieure d’assurer des agents de sécurité en nombre suffisant pour accompagner les fonctionnaires d’Électricité du Liban (EDL) et les aider à accomplir leurs missions notamment pour : compléter l’installation du réseau 220 kilovolts dans la région de Mansouriyé (…) Demander à l’armée libanaise de soutenir les FSI dès que le besoin se fait sentir et faire preuve de fermeté dans la réalisation des missions ci-dessus. »

« La question d’utilisation de la force pour nous obliger à accepter l’installation de ces lignes à haute tension est consacrée dans le texte même du plan signé par les représentants de toutes les forces politiques à l’intérieur du gouvernement, s’insurge Carole Ibrahim, habitante du quartier de Aïn Najem et militante de longue date contre ce projet. Et maintenant ils veulent nous envoyer l’armée ? Sommes-nous des membres de Daech (acronyme arabe du groupe État islamique) ? Plus de 40 000 personnes vivent dans les régions qui sont traversées par la ligne Bsalim-Aramoun-Mkallès. »

Les câbles de 220 kilovolts passent juste au-dessus de nombreux immeubles et de plusieurs grandes écoles, rappelle-t-elle. « Il n’y a pas que le risque sanitaire lié à l’exposition au champ électromagnétique, dit-elle. Il existe tout bonnement un risque sécuritaire d’électrocution, quand de grands câbles sont si proches. Une des écoles de la région a même construit un gymnase principalement composé de métal ! »

Si les risques sanitaires liés à l’exposition prolongée au champ électromagnétique – et qui peut arriver jusqu’au cancer selon les théories – ont longtemps été considérés comme controversés (l’argument des responsables pour faire fi de ces craintes), il existe deux réalités à ne pas négliger, selon les habitants : d’une part, les normes internationales qui obligent à prévoir une distance minimum par rapport à la source d’ondes électromagnétiques et, d’autre part, des avancées scientifiques qui prouvent de plus en plus les impacts sur la santé humaine. Et leurs références ne sont pas qu’internationales.

Le 23 mars dernier, un congrès sur la pollution électromagnétique a été organisé par l’ordre des ingénieurs de Tripoli, sous le patronage du Premier ministre Saad Hariri (le pays n’en est pas à une contradiction près), et ses recommandations sont sans appel. Parmi les conclusions de cet événement qui a rassemblé de nombreux spécialistes du domaine, beaucoup ont rapport avec l’exposition au champ électromagnétique, notamment la nécessité de respecter les normes internationales de sécurité sanitaire, prendre des mesures de précaution à bas coût, arrêter l’installation de câbles aériens et privilégier l’enfouissement des câbles, surtout dans les villes densément peuplées, ne pas habiter directement sous les lignes à haute tension, mettre au point des cartes montrant la distribution des lignes à haute tension, moderniser les normes au Liban afin qu’elles soient conformes aux normes internationales (ce qui signifie qu’elles ne le sont pas actuellement), faire pression auprès des députés afin qu’ils votent des lois pour la protection de l’homme et de l’environnement, définir le cadre juridique qui devrait réglementer les risques liés à l’exposition au champ électromagnétique, et pousser l’exécutif à appliquer les normes environnementales.


(Pour mémoire: Les habitants de Aïn Najm ne veulent pas baisser les bras)



« Pourquoi l’urgence ? »

Forts de ces conclusions, les habitants demandent aux autorités, dans un communiqué, d’« annuler tous les articles en relation avec l’utilisation de la force dans le plan sur l’électricité, et faire passer la ligne sous terre suivant les normes modernes ». Ils ne se font cependant pas d’illusions et s’attendent à une nouvelle confrontation. Le père Dany Ephrem, curé de la paroisse de Mansouriyé (relevant de l’archevêché maronite de Beyrouth), rappelle que lors de la dernière confrontation il y a à peu près deux ans, au cours de laquelle les FSI avaient déjà été appelés à la rescousse, « c’est notre interdiction de les laisser entrer sur nos terres qui avait alors empêché le projet de se poursuivre ».

« Nous continuerons à faire notre possible, l’Église reste près de son peuple, dit-il à L’OLJ. Nous sommes du côté des parents qui craignent pour des enfants scolarisés dans plusieurs grandes écoles, et qui seraient alors exposés au champ électromagnétique des heures durant. »

L’ecclésiastique pointe du doigt des agissements officiels irresponsables qui rendent la situation encore plus dangereuse qu’elle n’est, comme des permis de construire octroyés dans des terrains sous la ligne à haute tension depuis 2011, ce qui expose ses habitants aujourd’hui au péril. Carole Ibrahim se demande, pour sa part, « pourquoi l’urgence. La production d’électricité dans le pays est dans tous les cas insuffisante, l’installation de ce tronçon manquant ne réglerait pas les problèmes à lui tout seul puisque la station de Mkallès distribue efficacement le courant à toute la région ».


(Pour mémoire : La mobilisation s’organise contre la haute tension aérienne à Aïn Najm, les habitants dans la rue)

Rendez-vous ou pas rendez-vous ?

Le timing, mais aussi l’absence de soutien de la plupart des parties politiques, inquiète les habitants et les militants qui se sont exprimés dernièrement dans les médias. Une petite polémique a même éclaté hier entre Élias Hankache, député du Metn (bloc Kataëb, opposition), et la ministre de l’Énergie Nada Boustani (bloc aouniste), le premier ayant sollicité de la ministre un rendez-vous avec une délégation d’habitants sans l’obtenir, et la seconde assurant qu’elle reste « ouverte pour discuter de la question de l’installation de lignes à haute tension dans des localités du Metn », mais déclarant via Twitter qu’elle n’a pas reçu de demande de rendez-vous.

Nous n’avons pu joindre Mme Boustany hier. M. Hankache, pour sa part, a regretté que la plupart des forces politiques aient signé ce plan sans se soucier du sort de près de 44 000 personnes vivant entre Bsalim et Aramoun. Il a déploré aussi le silence de formations qui étaient auparavant plus actives dans la revendication des droits des citoyens.

Interrogé par L’OLJ sur la question, Eddy Abillama, député du Metn (Forces libanaises, un parti représenté au gouvernement), confirme qu’il préfère « que les lignes soient enfouies ». « Mais la prise de décision englobe plusieurs parties, et il n’est pas toujours facile d’avoir gain de cause, affirme-t-il. Ce que le plan précise, c’est qu’il faut que cette ligne soit installée, sachant que les détails devraient être débattus au fur et à mesure. »

Pour Élias Hankache, la solution est toute trouvée. « L’enfouissement de la ligne coûtera près de vingt millions de dollars supplémentaires, selon les experts, affirme-t-il à L’OLJ. Mais cela permettra d’éviter une facture de santé exorbitante. » Il assure que sa formation « restera auprès des habitants dans leur combat ».


Pour mémoire

À Aïn Najm, l’EDL reprend en catimini l’installation des lignes aériennes à haute tension


Un nouveau round de contestation a débuté dans la région de Mansouriyé (Metn) et ses environs, avec la perspective d’installation « par la force » des câbles de 220 kilovolts sur les énormes pylônes qui existent depuis plus d’une décennie déjà. Ces pylônes sont érigés à proximité de domiciles et d’écoles depuis de nombreuses années, mais la contestation...

commentaires (2)

C'est un problème de santé publique majeur à ne surtout pas négliger.

Sarkis Serge Tateossian

01 h 17, le 11 avril 2019

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Commentaires (2)

  • C'est un problème de santé publique majeur à ne surtout pas négliger.

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 17, le 11 avril 2019

  • Les lignes à THT ne devraient pas être installées à moins de 100m des habitations. Si les risques de cancers ne sont pas prouvés, ceux de maux de tête, migraines et nausées sont bien constatés. Le coût de l'enfouissement est peut-être prohibitif. Reste le détournement de la ligne.

    Yves Prevost

    08 h 25, le 10 avril 2019

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