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Liban - Sit-in

À Aïn Najm, l’EDL reprend en catimini l’installation des lignes aériennes à haute tension

Formellement opposés au projet actuel, les câbles étant trop proches de leurs habitations, les résidents tentent une nouvelle mobilisation pour des installations souterraines.

Les habitants, rassemblés hier pour contrer les travaux d'installation de câble aériens de haute tension. Photo ANI

Une fois de plus, l'installation de lignes aériennes à haute tension est au cœur d'un crêpage de chignons entre le ministère de l'Énergie et les habitants de Aïn Najm, ces derniers refusant le fait accompli et réclamant vivement des liaisons souterraines.

Tout a commencé hier à l'aube, aux alentours de 5 heures, lorsque des habitants du complexe de logements populaires maronites ont été réveillés par le déploiement de techniciens d'Électricité du Liban, venus installer sans prévenir des câbles à haute tension après plusieurs années d'interruption. Sous haute protection policière, les équipes ont entamé leur mission, tout en prenant bien soin de fermer les routes à proximité de leur zone d'activité, dans le périmètre de La Sagesse High School et jusqu'à la bifurcation menant à la route principale Mkallès/Beit-Méry. Aussitôt alertés, les habitants menés par Joseph Ibrahim se sont opposés aux équipes d›EDL, tentant en vain de stopper l'avancée des travaux, sous le thème : « Nous ne sommes pas contre la haute tension, mais à la condition qu'elle soit installée sous terre, sur un tronçon de 8 km, comme cela s'est fait dans nombre d'endroits. »

Une rixe a suivi avec les forces de l'ordre, à laquelle ont été mêlés femmes et enfants. Largement relayée par les réseaux sociaux et par le parti Kataëb solidaire des habitants, une vidéo, ponctuée de cris de femmes, laisse aussi parler des manifestants excédés, qui dénoncent les agissements des autorités et promettent de ne pas se laisser faire. Mais les vacances scolaires aidant, le sit-in n'a rassemblé qu'une poignée d'habitants.

Dans un tweet, le chef du parti Kataëb, le député Samy Gemayel, qualifie de « criminelle », l'installation par la force de lignes à haute tension en plein cœur des zones habitées de Mansourieh et Aïn Saadé. Sa mère, Joyce Gemayel, présente parmi les manifestants, réclame pour eux « une installation souterraine de la haute tension ».

 

(Pour mémoire : Câbles de haute tension : les habitants du Metn accusent le gouvernement de louvoyer)

 

D'ici à 4 mois, cette ligne sera installée
Deux tendances s'affrontent aujourd'hui. D'une part, le ministère de l'Énergie, mené par le ministre César Abi Khalil, soutenu par EDL et par les trois municipalités qui se partagent la région de Aïn Najm, à savoir Beit-Méry, Aïn Saadé et Fanar : ils soutiennent haut et fort que les lignes aériennes à haute tension sont absolument nécessaires pour une meilleure alimentation de la région en courant électrique et qu'elles ne représentent aucun danger pour la santé publique, car leur installation s'est faite dans le respect des normes requises. « D'ici à 4 mois, tout sera terminé, car cette ligne sera de toute façon installée », assure à L'Orient-Le Jour le conseiller du ministre de l'Énergie, Ghassan Khoury. « Cela fait 10 ans que nous essayons de terminer cette jonction de même pas 2 km, qui est une nécessité pour la stabilité du réseau électrique national, parce qu'elle relie en boucle l'ensemble du réseau de haute tension qui s'étend sur 2 400 km », ajoute-t-il. M. Khoury explique que depuis la mise en fonction de deux nouvelles centrales d'électricité, à Zouk et à Jiyeh, et l'augmentation de la production, il est désormais possible de répartir équitablement le courant électrique et les heures de rationnement. « À la seule condition que la boucle soit bouclée », insiste-t-il. « De plus, le raccord du tronçon Aïn Najm/Mansourieh permettra de trouver des solutions alternatives rapides en cas de pannes, dans une région donnée. »

Le conseiller soutient que les installations effectuées par EDL « répondent aux normes internationales », mais que « 90 % des habitations ont été construites après le début du projet, le zonage ayant été effectué en 1997 ». « Sur 58 appartements concernés, 39 à 45 sont aujourd'hui situés à plus de 25 mètres des câbles à haute tension, le reste étant situé entre 10 à 25 mètres de ces installations », précise-t-il. Et de poursuivre que les autorités ont bien « écouté les doléances des habitants » et même « envisagé l'installation souterraine », mais « cette solution s'est avérée impossible, vu la nécessité de construire des centrales entre les habitations ». L'État privilégie désormais une autre option, « il est prêt à indemniser les propriétaires désireux de vendre leurs propriétés », affirme-t-il.

 

(Pour mémoire : S. Gemayel : Nous ferons face à l’installation, par la force, des câbles de haute tension)

 

La politique s'en mêle
Du côté des habitants, soutenus par la société civile, notamment par le responsable de l'Association de protection du patrimoine libanais, Raja Noujaim, et par le parti politique Sabaa, on ne l'entend pas de cette oreille. « Les lignes à haute tension sont trop proches des habitations, parfois à un demi-mètre du toit d'un immeuble », répond Carole Ibrahim, qui réside à proximité de l'École des Saints-Cœurs depuis 1996. Et puis « selon l'OMS, les lignes à haute tension sont classées possiblement cancérigènes », affirme-t-elle. Elle invite EDL, « qui se dit respectueuse des normes, à placer les câbles aériens à haute tension à 44 mètres minimum de la première habitation ». « Comment vivre avec la menace perpétuelle du champ électrique ? » demande-t-elle, à la fois inquiète et en colère. Et de rappeler que de nombreux habitants de Aïn Najm ont des revenus limités et ne peuvent se permettre d'acheter de nouveaux logements ailleurs.

Et comme la politique n'est jamais loin des polémiques, la scission est amplifiée par les soutiens politiques, le courant aouniste prenant le parti du ministre de l'Énergie et les Kataëb celui des habitants. Car le bras de fer n'est pas près de se terminer. Les habitants, par la voix de Raja Noujaim, menacent aujourd'hui de recourir à l'escalade. Et mettent en place « une stratégie de confrontation ». « Nous nous battons pour les 15 000 personnes dont la santé est menacée, sur tout le circuit de haute tension : Bsalim-Aramoun-Mkallès », lance le militant écologiste, dénonçant « le mensonge » de l'État en faveur du projet. Il soutient à cet effet que « les distances préventives contre les dangers d'un champ électromagnétique, selon les normes internationales, sont de 150 à 200 mètres ». Forts du soutien Kataëb, ils comptent aussi sur un lobbying auprès des Forces libanaises et du Parti national libéral. « Des personnalités politiques convaincues de la justesse de notre cause se joindront aussi à nous », note M. Noujaim. Quelques voix s'élèvent déjà, notamment celle du député du CPL, Ibrahim Kanaan, qui fait part de « sa solidarité avec les habitants » de Aïn Saadé et de Mansourieh, et qui invite les autorités « à privilégier des solutions acceptées des résidents, comme la solution de l'installation souterraine ». Aussitôt suivi de son collègue Ghassan Moukheiber et du membre exécutif des Forces libanaises, Eddy Abillama, qui appellent l'État à recourir à l'installation souterraine, « même si cela coûte plus cher ». Affaire à suivre.

 

 

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