Issu de l’association de quatre promoteurs et de quatre agences d’architecture – Hardel Le Bihan (mandataire), Youssef Tohmé, Adjaye Associates et Buzzo Spinelli –, le groupement Nouvel R vient d’être désigné lauréat du projet Inventer Bruneseau, un quartier qui reliera le XIIIe arrondissement de Paris à Ivry-sur-Seine. Ce groupe sera en charge de l’aménagement d’un espace d’environ 100 000m². Situé sur les berges de la Seine, Bruneseau est peu connu, alors qu’il est chaque jour traversé par des millions d’usagers via le boulevard des Maréchaux, les voies ferrées et le boulevard périphérique. Le secteur, qui constitue, selon la Ville de Paris, « un délaissé urbain jusqu’ici confisqué par le réseau routier, va désormais voir son statut évoluer ».
La reconfiguration des bretelles d’entrée et de sortie du périphérique va permettre de libérer les terrains nécessaires à son urbanisation et de relier Paris à Ivry-sur-Seine. En vue de cette opération, le projet alterne bâtiments de grande hauteur et constructions basses, et propose une variété d’habitats, mais aussi d’espaces de commerce et de bureaux, et une grande halle qui accueillera un marché alimentaire et un espace libre et polyvalent d’expression des cultures.
Ce projet urbain prévoit le développement vertical. Dans la continuité des tours Duo de Jean Nouvel, qui abriteront un hôtel, des bureaux et des commerces hors du périmètre confié au groupe Nouvel R, une tour de logements a été dessinée par l’architecte et urbaniste libanais Youssef Tohmé, concepteur de l’aménagement du quartier de Brazza, à Bordeaux. Elle s’élèvera à 180 mètres. C’est sa contribution à l’aménagement du quartier.
Empreinte carbone divisée par 5
Plus un immeuble est haut, plus il est énergivore : comment alors convaincre que cette tour respecte le plan fixé par la Ville de Paris et la France pour limiter le réchauffement climatique à 2° ? « Construire des tours et respecter les objectifs du plan climat sont tout à fait faisables en utilisant des énergies renouvelables », répond Youssef Tohmé, interrogé par L’Orient-Le Jour. Il signale que le groupe Nouvel R porte haut la recherche environnementale en se fixant comme objectif la neutralité carbone et l’utilisation des énergies renouvelables. À tous les étages des bâtiments, notamment ceux des tours, les planchers du sol sont en bois, ce qui donnera comme résultat une séquestration de carbone équivalente à celle d’une forêt grande comme celles de Boulogne et Vincennes réunies. De même, 65 % de l’énergie consommée sera renouvelable ou de récupération, dont 50 % produite in situ. L’objectif est de rendre le quartier autonome avec un mètre carré de panneaux photovoltaïques pour 12 m2 construits. Un record de solarisation sur un quartier. »
L’architecte ajoute qu’à l’arrivée, l’empreinte carbone-bâtiment d’un habitant de Bruneseau sera divisée par cinq par rapport à la moyenne parisienne. Il va encore plus loin : il explique que le projet regorge d’espaces végétalisés, au sol, sur les terrasses et les toitures. À titre d’exemple, 11 terrasses seront ouvertes au public dans les édifices du site, dont quatre dans la tour de 180 mètres, où chaque logement aura également son jardin d’hiver. « Cette structure vitrée sert d’isolation en hiver et s’ouvre en été sur l’intérieur. Insérées dans le caisson du vitrage, les grilles de ventilation en lamelles servent également de piège à son », explique l’architecte.
(Pour mémoire : Youssef Tohmé, l’architecte des possibles)
« Ce n’est pas du green washing »
Fidèle à son credo, « l’humain au centre de tout », Youssef Tohmé fait observer que Bruneseau a le même ADN qu’une ville traditionnelle : un équilibre entre permanence et substitution. C’est ce qui fait qu’une ville évolue et s’adapte à son temps ». Le nouveau quartier sera « généreux par sa programmation et l’espace qu’il laisse à l’appropriation. Il est ouvert à une vraie mixité économique et sociale ».
Il fait observer que Bruseneau est un territoire inédit. Un milieu périphérique qui « rassemble les différences et fait place à l’interprétation. Il n’a pas de connotation symbolique. Il est nouveau, se laisse approprier. Son architecture n’est pas une addition d’objets. On s’efface quand il le faut, on s’affirme, on répond au territoire. On est dans le spécifique tout en répondant à une vision, à une ambiance, et en laissant plus de place à l’usage. C’est un quartier accueillant, ouvert par ses terrasses, ouvert par sa halle. Ceux-ci sont des espaces de rencontre et d’échange qui peuvent être des espaces de sérénité et de contemplation, comme dans une ville traditionnelle où l’économie est un paramètre et non une finalité. C’est enfin un quartier qui fait corps avec l’environnement, un enjeu majeur ! Il en tient compte dans sa construction, dans son architecture, dans ses modes d’habiter. On habite le paysage dans la plus grande intimité. Ce n’est pas du green washing. On est relié au paysage par l’intime ».
Chiffres-clés
95 000 m2, dont 25 000 m2 de bureaux, 50 000 m2 de logements et 20 000 m2 de commerces et d’activités.
Une empreinte carbone divisée par 5 par rapport à la moyenne parisienne.
50 % de l’énergie produite ou récupérée sur site.
Pour mémoire
À Nantes, la construction en bois prend de la hauteur avec des architectes libanais