Donald Trump assène un nouveau coup à la politique américaine historique dans la région. Le président américain s’est déclaré hier favorable à la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, une décision en rupture avec la position des États-Unis depuis des décennies sur ce dossier sensible. « Après 52 ans, il est temps pour les États-Unis de reconnaître pleinement la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, qui a une importance stratégique pour l’État d’Israël et la stabilité régionale », a tweeté Donald Trump au moment même où son chef de la diplomatie, Mike Pompeo, se trouvait à Jérusalem.
Israël a conquis une grande partie du Golan, soit 1 200 km2, lors de la guerre des Six-Jours en 1967, et l’a annexée en 1981, mais la communauté internationale n’a jamais reconnu cette annexion.
Tout comme la décision du président Trump, en décembre 2017, de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’État hébreu et d’y transférer l’ambassade des États-Unis, celle-ci porte un coup dur à la politique américaine concernant le conflit israélo-arabe. Les administrations américaines successives ont maintenu la même politique selon laquelle il n’y aurait pas d’action unilatérale susceptible de porter préjudice à des négociations de paix entre les Israéliens d’une part et ses voisins d’autre part. Ce fut le cas concernant le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Il est arrivé depuis les années quatre-vingt-dix que des candidats à la présidentielle américaine se prononcent d’une façon ou d’une autre pour un transfert des locaux diplomatiques de leur pays à Jérusalem. Ce fut le cas de Bill Clinton, de George W. Bush et de Donald Trump. Mais les deux premiers se sont rétractés une fois arrivés à la Maison-Blanche. Dans les deux cas, la prudence l’avait emporté, en dépit du fait que les États-Unis sont les alliés indéfectibles de l’État hébreu, qu’ils le soutiennent financièrement, militairement et diplomatiquement.
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Chambouler le statu quo
En outrepassant le droit international encore une fois hier, ainsi que la politique américaine sur ce dossier depuis près de 70 ans, Donald Trump a confirmé qu’il veut chambouler le statu quo qui prévalait.
Contacté par L’Orient-Le Jour, Aaron David Miller, ancien diplomate américain et expert du cercle de réflexion Wilson Center à Washington, estime que le président Trump s’efforce de changer la politique américaine dans la région. « M. Trump est d’ailleurs convaincu qu’il ne fait que confirmer une situation réelle qui existe de facto. Il ne se soucie même pas si cela va altérer la crédibilité des États-Unis », ajoute l’expert, selon lequel le président américain ôte également toute possibilité future de négociation entre Israël et la Syrie, qui est déjà embourbée dans un conflit qui l’a largement affaiblie.
À l’approche des élections législatives du 9 avril en Israël, cette annonce est en outre un véritable coup de pouce pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qui réclame cette reconnaissance avec insistance et est attendu à la Maison-Blanche en début de semaine prochaine. « Merci président Trump ! » a-t-il tweeté immédiatement après l’annonce de l’ancien homme d’affaires new-yorkais, dont il a loué le « courage ».
L’annonce hier du président Trump intervient en outre alors que les États-Unis ont, mi-novembre, pour la première fois, voté contre une résolution de l’ONU considérant l’annexion israélienne du Golan « nulle et non avenue ». C’est le seul pays à avoir voté contre aux côtés d’Israël. Il y a dix jours, le département d’État américain a, en outre, modifié sa terminologie usuelle concernant le plateau du Golan d’« occupé par Israël » à « contrôlé par Israël », dans son rapport annuel sur les droits de l’homme dans le monde pour 2018. Un signe interprété par nombre d’observateurs comme l’annonce d’un changement à venir.
Dans son tweet de remerciement à M. Trump, M. Netanyahu souligne que sa décision est d’autant plus importante qu’elle intervient au moment où « l’Iran cherche à utiliser la Syrie comme une plateforme pour détruire Israël ». Israël a récemment accusé le Hezbollah d’établir secrètement dans le Golan syrien, près du territoire sous son contrôle, un réseau militaire commandé par une figure du mouvement chiite libanais. L’objectif de ce réseau, qui serait commandé par le Libanais Ali Moussa Daqdouq, est de disposer à terme de forces prêtes à attaquer Israël, selon l’armée israélienne.
Pompeo visite le Mur des lamentations
À Jérusalem, Mike Pompeo a également rompu avec la pratique, en devenant hier le premier haut responsable américain à visiter le Mur des lamentations avec un Premier ministre israélien. Ce geste est également symbolique de la nouvelle étape dans la révision de la position américaine à l’égard de Jérusalem engagée par Donald Trump – qui avait lui-même été en 2017 le premier président des États-Unis en exercice à se rendre au Mur des lamentations, mais sans être accompagné d’un responsable israélien. « Il est important » et « symbolique qu’un haut responsable américain s’y rende avec un Premier ministre d’Israël », a expliqué M. Pompeo, évoquant un « lieu très important pour de nombreuses religions ». Ce site se trouve à Jérusalem-Est, dont Israël s’est emparé en 1967 avant de l’annexer. Devant les caméras, Mike Pompeo s’est recueilli avec Benjamin Netanyahu face au Mur des lamentations. Les deux hommes ont ensuite, chacun à son tour, glissé leur prière inscrite sur un petit papier entre les pierres de l’imposante muraille.
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11 h 57, le 22 mars 2019