L’auteur de l’attentat terroriste hier contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande adhère aux thèses du « suprémacisme » blanc. Alors qu’il se rendait sur les lieux de son crime, le tueur de Christchurch, qui a retransmis son acte terroriste en direct sur Facebook, écoutait en voiture la chanson Remove kebab, qui aurait été créée à l’origine pour rendre hommage à l’ancien chef de guerre serbo-bosniaque Radovan Karadzic condamné pour crimes de guerre contre des populations musulmanes et croates en Bosnie.
Sur ses armes étaient gravés des noms et des dates, faisant référence à d’autres terroristes suprémacistes et à une lutte supposée héroïque contre les musulmans : la victoire décisive de Charles Martel sur les Arabes à Poitiers en 733, ou bien 1683, l’année du second siège de Vienne par les forces ottomanes. Avant de passer à l’acte, le terroriste a également publié en ligne un manifeste raciste de 74 pages, dans lequel il affirme que ses actions sont faites pour sa « race ». Pour tenter de comprendre ces dynamiques racistes qui poussent à l’acte terroriste, le professeur Lawrence Rosenthal, président et chercheur principal du Berkeley Center for Right-Wing Studies à l’Université de Californie, répond aux questions de L’Orient-Le Jour.
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Qu’est-ce que l’idéologie du « suprémacisme blanc » ?
Les suprémacistes blancs ont la conviction que, pratiquement, toutes les avancées majeures de la civilisation humaine – scientifique, technologique, politique, philosophique – sont le produit de « l’Occident », c’est-à-dire essentiellement l’Europe et l’Amérique du Nord (et maintenant, peut-être, l’Australie et la Nouvelle-Zélande anglophones). Depuis que le multiculturalisme s’est établi à l’intérieur de ces pays, les populations économiquement précaires et les populations nationalistes « traditionnelles » sont alarmées par le fait que leur sentiment, jusqu’alors acquis comme allant de soi, qu’elles se trouvaient au sommet de la pyramide faisait face à une menace existentielle.
Quel est le lien entre « le suprémacisme blanc » et l’islamophobie ?
Les mouvements nationalistes ethniques ont besoin de « l’Autre » – ce groupe de personnes à qui l’on peut reprocher de saper ce qui est souvent considéré comme un idéal nostalgique (comme dans le prédicat implicite de Make America Great Again [le slogan de campagne présidentiel de Donald Trump, NDLR]). Dans des pays comme les États-Unis, il n’y a jamais eu une pénurie de groupes de personnes pouvant représenter « l’Autre », qui puisse jouer le rôle de bouc émissaire, pour traduire le mécontentement et l’insécurité des populations qui s’identifient comme blanches – Noirs, Hispaniques, Chinois, juifs et, récemment, musulmans. Ce qui a été extraordinaire dans la période récente de propagation internationale de l’idéologie de « suprémacisme blanc », c’est qu’au-delà des frontières nationales, ils ont été capables de se concentrer sur le même « Autre » : l’islam. La solidarité entre ces populations « blanches » est parfois exprimée sous la forme d’identité européenne, parfois chrétienne et parfois simplement (et dans sa forme la plus agressive) d’identité blanche.
Quelle est la théorie du « grand remplacement » mentionnée dans le manifeste du tueur qui a été arrêté ?
Le grand remplacement est une notion française (Jean Raspail, Renaud Camus) selon laquelle une élite mondiale (Bruxelles et au-delà) mène une politique à long terme visant à remplacer les populations européennes (blanches) par, avant tout, une population musulmane. Cette idée a eu une portée mondiale dans ce qui est maintenant devenu une infrastructure de réseau transnational, enraciné et vigoureux, de nationalistes de droite sur internet. Par exemple, l’un des chants des manifestants du mouvement « Alt-right » aux États-Unis (Charlottesville, août 2017) était : « Vous ne nous remplacerez pas » (en outre, et à cette occasion : « Les juifs ne nous remplaceront pas »).
Quelle est l’ampleur de la diffusion de ces théories ?
Bien qu’il y ait eu des échanges, des rencontres en personne au niveau du leadership entre ces groupes, l’essentiel de leur ascension internationale s’est faite sur internet. La notion de grand remplacement a clairement traversé l’Atlantique depuis l’Europe jusqu’aux États-Unis, et l’idée de suprématie blanche a traversé l’Atlantique depuis les États-Unis. Si les personnes qualifiées pour mesurer la circulation des informations sur internet parvenaient à cartographier ces transferts au fil du temps, ce serait un travail important.
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commentaires (6)
Les supremacistes blancs ne représentent pas l’Occident. Loin de là.! Il représentent au contraire l’anti occident car leur comportement est infecté par la haine et la bêtise. Cependant J’aurais bien aimé que les pour victimes non musulmanes des précèdents attentats , un grand hommage eut été rendu par les nations et le clergé mulsuman , comme vient de le faire la nouvelle Zélande, pays occidental et hautement démocratique. Arrêtons de se renvoyer la balle , c’est la tolérance de l’autre et de ses différences qui est l’indicateur premier d’une nation civilisée .
L’azuréen
17 h 58, le 17 mars 2019