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À La Une - théorie

Le "Grand remplacement" : la thèse complotiste aux origines néonazies citée par le tueur de Christchurch

La thèse citée par l'auteur de la tuerie en Nouvelle-Zélande comporte toujours un aspect complotiste, car le "remplacement" est présenté actuellement "comme sciemment organisé par les +représentants de la superclasse mondiale+", note l'historienne Valérie Igounet.

Des Américains de confession musulmane priant au centre islamique Dar Al Hijrah, à Falls Church, en Virginie, le 15 mars 2019, après la tuerie qui a fait des dizaines de personnes dans des mosquées en Nouvelle-Zélande. Win McNamee/Getty Images/AFP

La thèse du "grand remplacement" de la population européenne par une population immigrée, citée par l'auteur de la tuerie en Nouvelle-Zélande, a été conçue par d'anciens nazis après la guerre, avant d'être popularisée après les attentats de 2001, débarrassée de ses arguments antisémites, mais toujours complotiste.

L'extrême droite radicale va développer la thématique de destruction de l'Europe par une "colonisation" d'immigrés africains après 1945, en la disant oeuvre du complot juif, explique l'historien Nicolas Lebourg dans Médiapart. Après le 11 septembre 2001, ses partisans vont en extraire "l'argumentaire antisémite, pour le faire seulement mythe mobilisateur raciste et islamophobe".

Le manifeste du tueur de Christchurch, intitulé "Le grand remplacement", fait référence à un "génocide blanc", une formule utilisée depuis 40 ans par l'extrême droite radicale anglo-saxonne et "synonyme" de la première, selon ce spécialiste des droites extrêmes. "Dès 1946, des groupes d'anciens Waffen-SS affirmaient que désormais toute l'Europe était occupée par les +nègres+ (les soldats américains) et les +mongols+ (les soldats russes), et qu'il s'agissait de libérer le continent de +l'occupation+ par +une nouvelle résistance+", rappelle-t-il. Mais c'est l'ancien trotskyste et ancien Waffen-SS français René Binet qui va diffuser, au plan international, la thématique d'un grand remplacement organisé par les juifs.

Après les attentats du 11 septembre 2001, les partisans de cette thèse accusent le "multiculturalisme" au lieu du métissage, pour avancer que les populations immigrées musulmanes vont "remplacer" les populations "blanches et chrétiennes". Cette thèse comporte toujours un aspect complotiste, car le "remplacement" est présenté actuellement "comme sciemment organisé par les +représentants de la superclasse mondiale+", note l'historienne Valérie Igounet dans une étude pour la Fondation Jean Jaurès.

L'écrivain Renaud Camus l'a popularisée dans un ouvrage publié en 2011 intitulé "Le grand remplacement", où il "insiste sur une +colonisation démographique+ qui +touche à l'identité même de la nation, et (qui) dans très peu d'années (...) sera irréversible+". "En d'autres termes, la France s'apprêterait à passer sous domination musulmane", explique Mme Igounet.

Parmi les mesures proposées par M. Camus pour faire échec au "remplacisme" figurent notamment la suppression du droit du sol, l'abrogation du regroupement familial, l'interdiction d'adopter des enfants extra-européens, la création d'un haut commissariat à la Remigration, ou l'attribution exclusive des aides sociales aux nationaux et ressortissants européens.


(Lire aussi : Un "extrémiste de droite" tire dans deux mosquées néo-zéolandaises: 49 morts)

Renaud Camus a dénoncé vendredi les attaques contre les mosquées en Nouvelle-Zélande, en les qualifiant de "terroristes, épouvantables, criminelles, désastreuses et imbéciles".

L'homme qui a commis un carnage dans deux mosquées de la ville de Christchurch, tuant 49 fidèles et en blessant des dizaines d'autres, "ne peut pas se réclamer de mes écrits puisque je soutiens exactement le contraire", a affirmé à l'AFP l'auteur, en 2011, du livre "Le grand remplacement". "Si (l'assaillant présumé des mosquées) a écrit une brochure intitulée +Le grand remplacement+ c'est du plagiat caractérisé, c'est une utilisation abusive d'un syntagme qui ne lui appartient pas et que manifestement il ne maîtrise pas", a estimé Renaud camus, joint au téléphone.

"Moi, je suis absolument non-violent", a affirmé cet écrivain condamné en 2015 pour provocation à la haine ou à la violence contre les musulmans. "Au centre de ma réflexion, il y a ce concept de l'innocence, c'est-à-dire de la non-nuisance, de la non-violence", a-t-il dit. "Ce qui m'inquiète le plus dans ce que j'appelle le +grand remplacement+ c'est précisément à quel point il est favorable à la violence et à tous les degrés de violence, que ce soit dans la vie quotidienne la plus simple, soit, évidemment, dans les attentats terroristes", a-t-il ajouté.

Renaud Camus soutient que le jeune Australien a pu être inspiré "par des gestes tels qu'ils ont été perpétrés sur le sol national depuis quatre ou cinq ans". "Ce qui ressemble le plus à son crime ce sont les attentats terroristes qui ont été commis en France", a-t-il dit. "Je ne vois pourquoi il serait plus inspiré par moi que par des actions qui ressemblent directement à celle qu'il a commise", s'est défendu l'écrivain.



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commentaires (1)

Le fait de "remplacer" les peuples aborigenes en Amerique et en Oceanie par des Europeens ne semble pas causer des insomnies a ce brave M. Camus. Apres tout, pourquoi est-ce que la majorite de la population neo-zelandaise est Europeenne et non pas Maori?

Michel Fayad

21 h 21, le 16 mars 2019

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Commentaires (1)

  • Le fait de "remplacer" les peuples aborigenes en Amerique et en Oceanie par des Europeens ne semble pas causer des insomnies a ce brave M. Camus. Apres tout, pourquoi est-ce que la majorite de la population neo-zelandaise est Europeenne et non pas Maori?

    Michel Fayad

    21 h 21, le 16 mars 2019

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