Où qu’il frappe, le terrorisme, ce fléau planétaire des temps modernes, ne peut que susciter épouvante et horreur. Là est bien sûr sa raison d’être, sa vocation ; plus inattendue cependant, plus incongrue, plus choquante encore est l’horreur quand elle se déclare dans un paisible pays du bout du monde qui se flattait d’être un des plus sûrs, telle la Nouvelle-Zélande.
Terrible par son ampleur (49 morts) est d’abord le bilan du massacre perpétré hier dans deux mosquées de la même petite ville par cet Australien de 28 ans que hantait la perspective d’un Occident submergé par des populations d’immigrants. Glaçante ensuite est son insistance à se filmer lui-même en train de se livrer à son safari humain, puis à publier son credo raciste, texte et images, sur Facebook, Twitter et Instagram.
Un double attentat aussi meurtrier ne pouvait que susciter une vague mondiale de condamnations. Celles-ci, cependant, ne sont pas toujours dénuées de récriminations, plus ou moins opportunes. Empreinte de grandeur, en harmonie avec le document de fraternité qu’il signait récemment avec le pape François, est, pour sa part, l’initiative du grand imam d’al-Azhar. La plus haute autorité de l’islam sunnite a ainsi invité les pays occidentaux à consolider leurs propres valeurs de tolérance et de coexistence en redoublant d’efforts pour combattre les groupes racistes et la prolifération, sur leur sol, du discours islamophobe. Bien que similaire en substance, moins innocent – et donc moins convaincant – est, par exemple, l’appel à la fermeté lancé par le président turc Recep Tayyip Erdogan. Qui ne s’est pas privé, lui, de soutenir activement plus d’un groupe islamiste œuvrant à l’échelle de la région, en même temps qu’il jetait dans les prisons des milliers d’activistes laïques.
Ce genre de paradoxe n’ôte rien à l’urgence de la question. On savait déjà le monde arabo-musulman en proie au cancer de l’extrémisme religieux, auquel s’est ajoutée, en guise d’antidote, cette peste qu’est la brutalité de la répression absolutiste ; la sombre et actuelle illustration en est le carnage de Syrie, entré dans sa neuvième année, ainsi que les arrestations massives survenues en Égypte.
Sans aller jusqu’à y perdre ses traditions démocratiques, l’Occident, quant à lui, est désormais tenu de se prémunir contre populisme, nationalisme exacerbé, néonazisme, racisme, mythe de la suprématie blanche : tous venins dont finit inévitablement par naître un tout aussi odieux contre-terrorisme. Et cela d’autant que le mauvais exemple vient d’en haut, du leader américain : Donald Trump qui flétrissait hier l’horrible massacre de Christchurch est le même homme qui n’a pas mâché ses mots pour dire tout le bien qu’il pensait des Mexicains et des minorités ethniques ou religieuses des États-Unis. Qui, en 2017, s’était même fait tirer l’oreille pour condamner explicitement le Ku Klux Klan…
Le problème n’est plus seulement politique ou sécuritaire, il est sociétal. C’est par action et réaction que commence par dérouler ses anneaux la spirale de la terreur. Une fois lancé l’infernal mécanisme, c’est tout naturellement, pourrait-on dire, que les extrémismes s’alimentent l’un l’autre. Le terrorisme religieux n’a jamais fait secret de sa volonté de porter la guerre chez l’ennemi, et même jusqu’au cœur des populations d’incroyants. Pour lui en somme, toute violence islamophobe n’est autre chose que pain bénit.