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Culture - Exposition

Najla el-Zein, sismographe des émotions...

L’artiste designer raconte et commente chacune des trois étapes qui composent son exposition solo « Transition »*, qu’accueille la galerie new-yorkaise Friedman Benda. Une histoire intime, celle des mutations qui rythment la vie d’une femme, d’une quête intérieure et d’interrogations personnelles retracées en trois séries de meubles.

« Seduction » de Najla el-Zein.

« Distortion »

« S’il se trouve que cette série est constituée de cinq bancs, leur fonction, ici, m’a servi de moyen d’expression plutôt que de nécessité ou de finalité. Un peu comme l’aurait été une forme ou une matière qui se met au service d’une histoire. Dans ce cas, j’ai voulu raconter, par le biais de ces bancs, les transformations corporelles qu’expérimente invariablement une femme, celles qu’impliquent la maternité, mais pas seulement. Car il y est surtout question de la perte de contrôle sur ce corps qui agit comme un véhicule presque autonome, une aliénation en quelque sorte, de la distorsion de la réalité au cours de cette étape et de toutes les interrogations qui en découlent. Cette contradiction, ce double tranchant, se reflètent à la faveur de l’aspect des bancs, à la fois rigides de par l’emploi du béton, et fluides de par les formes souples, et du blanc éthéré. Bien que les bancs, d’ordinaire, sont perçus comme des objets communautaires, qui se partagent entre individus, je pense que de par leur construction ainsi que leurs jeux de volumes, ils octroient une place importante au vide, et donc disent l’isolation de soi et du reste du monde au cours de cette période où l’on se pose des questions et l’on se cherche. »


(Lire aussi : Najla el-Zein, fabricante de vent)

« Fragmented Pillars »

« Un pilier, au sens métaphorique, symbolise le fondement de toute entité. Dans ma perception des choses, il fait référence à ce que l’on sait de soi, à l’idée de la connaissance et des certitudes. Ici, les trois colonnes que j’ai conçues apparaissent perturbées, leurs fragments y sont clairement révélés. Elles évoquent toute mon entité qui s’est vue fragilisée au cours de cette phase transitoire dans ma vie de femme et d’artiste. Fractions qui s’expriment sous forme de tables basses ou tabourets. Dans cette lignée de pensée, l’idée était d’employer un mélange de plâtre et de sable, une matière dont le rendu aléatoire résonne bien avec l’allure de ces piliers, confuse et pas altière comme à l’accoutumée. Je me suis prise à devenir spectatrice du processus, d’une certaine manière. Cela contraste avec la série Distortion à l’esthétique plus homogène. »

« Seduction »

« Quand les deux premières séries de Transition se jouaient dans mon intimité, moi face à moi-même, Seduction raconte, en trois étapes, la connexion à l’autre. Ce qui explique pourquoi chacun des objets existe par paire, que ce soit d’abord Seduction F et Seduction M, où les deux pièces en travertin évoquent un premier rapprochement entre le corps féminin, rogné sur lui-même, rigide et méfiant, et celui de l’homme, dont les veines du marbre, plus harmonieuses, révèlent un caractère plus assumé et confiant. Dans une deuxième étape, là où la connexion s’opère, le travertin s’assombrit. Le corps de la femme se fait plus voluptueux, quoi que encore fermé, au contact de l’étreinte lente et douce de l’homme. La notion de sexe disparaît à mesure que l’on passe à la troisième étape, série de deux lampes dont la fonction fait allusion à la notion d’obscurité, et donc celle d’intimité. Seduction se clôt, telle une apothéose, sur un banc au creux duquel les deux corps, au préalable séparés, s’apprivoisant l’un l’autre, ne forment plus qu’un. L’emploi du niwala, une pierre de sable espagnole, n’est pas un hasard. Cette matière a engagé une implication personnelle et physique de ma part, une sorte de communion avec la pièce. C’est que sculpter ce banc, c’était comme travailler de la soie, avec délicatesse et précaution. De l’introversion, et son travertin raide et robuste, au désir, sa pierre de sable sensuelle, le procédé de fabrication de chacune des pièces couronne ce travail dans la mesure où il fait aussi échos aux émotions qui en émergent. »

* « Transition », de Najla el-Zein, jusqu’au 13 avril à la galerie Friedman Benda, 515 W 26th Street, New York

Pour mémoire
La sensualité des pierres, selon Najla el-Zein

« The Wind Portal » de Najla el-Zein au V&A Museum

« Distortion » « S’il se trouve que cette série est constituée de cinq bancs, leur fonction, ici, m’a servi de moyen d’expression plutôt que de nécessité ou de finalité. Un peu comme l’aurait été une forme ou une matière qui se met au service d’une histoire. Dans ce cas, j’ai voulu raconter, par le biais de ces bancs, les transformations corporelles...

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