Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, accueillant la foule lors d’une cérémonie marquant le 29e anniversaire de la mort du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeyni, dans le sud de Téhéran, le 3 juin 2018. Bureau de l’ayatollah Ali Khamenei/via l’AFP
La tension s’est accrue ces derniers jours entre Européens et ultraconservateurs iraniens. Après avoir expulsé, lundi, deux diplomates néerlandais et condamné la récente reconnaissance par la Grande-Bretagne du Hezbollah comme une organisation « terroriste », y compris dans sa branche politique, les « durs » du régime iranien veulent maintenant s’en prendre à la France.Un article paru hier à la une du quotidien iranien Kayhan, porte-voix des conservateurs dans le pays, a en effet appelé à l’expulsion de diplomates français en réponse au renvoi d’un officiel iranien en poste à Paris à l’automne dernier, une information qui n’a jamais été officiellement confirmée ni par Paris ni par Téhéran. « L’Iran a renvoyé deux diplomates néerlandais, il est temps maintenant de répondre à la France », titrait Kayhan.
Selon le chef de la diplomatie néerlandaise, Téhéran a expulsé les diplomates néerlandais en réponse à la précédente expulsion de deux diplomates iraniens par les Pays-Bas en juin, laquelle faisait suite au meurtre de deux opposants iraniens en 2015 et 2017 aux Pays-Bas. En janvier, le gouvernement néerlandais avait accusé l’Iran d’être impliqué dans ces meurtres.
L’appel de Kayhan est une épine de plus dans les relations franco-iraniennes déjà tendues. Car bien qu’entretenant des contacts et des relations diplomatiques officielles, la France et l’Iran n’ont pas d’ambassadeurs réciproquement en poste depuis plus de six mois (mercredi matin, des sources officielles annonçaient que Paris et Téhéran allaient échanger des ambassadeurs, NDLR) et s’affrontent régulièrement sur l’épineuse question du programme balistique iranien. Paris le jugeant dangereux pour la stabilité du Moyen-Orient, et Téhéran, au contraire, comme indispensable à sa défense. Les États-Unis et la majorité des pays européens se rangent du côté de la France sur ce sujet.
(Lire aussi : Iran-Occident : comment mettre fin à 40 ans d’hostilité ?)
Mais là où des divergences entre Washington et le Vieux Continent sont constatées, c’est à propos de l’accord sur le nucléaire iranien (ou JCPOA, Joint Comprehensive Plan of Action), dont les États-Unis se sont retirés l’année dernière, réimposant à Téhéran les sanctions économiques qu’ils avaient gelées trois ans auparavant. Les Européens, au contraire, le défendent bec et ongles, considérant qu’il représente le seul et meilleur moyen d’empêcher que la République islamique ne se dote de la bombe atomique. Le rétablissement des mesures punitives américaines qui a suivi le retrait de Washington a exacerbé les tensions économiques en Iran et divisé les politiques iraniens. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas hésité à brandir la menace d’un retrait de l’accord à leur tour à moins que les autres parties prenantes (Russie, Chine et Europe) s’engagent à fournir des garanties économiques au régime afin qu’il puisse continuer à commercer.Cela a conduit les Européens à imaginer l’élaboration de mécanismes de « contournement » afin de garder à tout prix Téhéran dans l’accord, notamment un système de troc (baptisé Instex) n’utilisant pas des devises en dollars. En vain. Après plusieurs mois, les efforts de Bruxelles sont jugés insuffisants. Pour l’Iran, « l’Europe n’a pas défendu l’accord sur le nucléaire autant qu’elle le pouvait. Certes, elle y reste officiellement et bureaucratiquement, mais elle n’a pas adopté une politique de “confrontation” vis-à-vis des États-Unis, ni empêché de manière autoritaire ses entreprises de quitter le pays, ce qu’elles ont pourtant fait en masse », explique Clément Therme, spécialiste de l’Iran au sein de l’International Institute for Strategic Studies (IISS), contacté par L’Orient-Le Jour.
(Pour mémoire : Les enjeux du sommet « anti-iranien » à Varsovie)
Victoire de Trump
Le guide suprême iranien Ali Khamenei a récemment mis en ligne sur son site internet un discours, prononcé en juillet dernier, dans lequel il conseille au gouvernement iranien de ne pas se fier aux efforts entrepris par les Européens pour mettre l’Iran à l’abri des sanctions américaines à travers un discours historique aux accents anticolonialistes. « Les Européens sont mauvais. Ils sont vraiment mauvais. J’aurais bien des choses à dire sur les Européens ; non pas sur leur diplomatie actuelle, mais sur leur nature malveillante tout au long des siècles derniers », a-t-il affirmé.
Ce durcissement des relations irano-européennes entrent dans le schéma du président américain Donald Trump, dont les relations avec l’Iran mais aussi avec les Européens, sont exécrables. « Cette montée des tensions entre l’Iran et l’Europe est le résultat de la politique de Trump. Ce dernier essaye de renforcer les “durs” du côté européen mais aussi du côté iranien, autrefois marginalisés par Barack Obama (dont le grand succès a été l’accord sur le nucléaire) », estime Clément Therme, ajoutant que « quand c’est Donald Trump qui est aux commandes de l’agenda diplomatique international, il y a inexorablement des tensions qui se créent entre le Vieux Continent et la République islamique ».
Face à une telle crise, le clan des « modérés » semble impuissant. Le président iranien Hassan Rohani et son gouvernement, extrêmement affaiblis et décrédibilisés par l’échec des perspectives économiques de l’accord sur le nucléaire et par les effets des sanctions américaines, ont peu de marge de manœuvres face à une montée en puissance des mouvements conservateurs. « Les modérés sont complètement marginalisés. Lors d’un deuxième mandat d’un président modéré, il y a toujours un affaiblissement de ce dernier par rapport au guide et à l’État profond », explique Clément Therme. « Le fait que Rohani se rapproche des conservateurs et que (l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad) Zarif a démissionné (la semaine dernière, avant de revenir sur sa décision) représente ici la victoire des théocrates et de ceux qui viennent de l’appareil sécuritaire et des gardiens de la révolution face aux institutions élues », ajoute-t-il. Les radicaux gagnent ainsi en puissance à un an des élections législatives et deux de la présidentielle en Iran.
Un renforcement de l’effritement des relations entre l’Europe et l’Iran à long terme posera non seulement la question du « regard vers l’est » de Téhéran à travers une coopération économique plus importante avec la Chine et la Russie au détriment du Vieux Continent, mais soulèvera aussi des interrogations quant à la survie de l’accord sur le nucléaire, signé après plus d’une décennie de négociations.
Lire aussi
Pour Téhéran, Israël « cherche la guerre »
Commerce, Iran, Syrie, énergie : l'UE et les Etats-Unis étalent leurs divisions
DE QUEL CLAN DES MODERES EN IRAN NOUS PARLE-T-IL CELUI-LA ? LES INTERVENTIONS ET LES PROVOCATIONS ET DESTABILISATION DE LA REGION PAR LES IRANIENS A AUGMENTE AVEC L,AVENEMENT DES PRETENDUS MODERES... QUAND A KHAMENEI ET SON A TRAVERS LES SIECLES... C,EST PITOYABLE !
12 h 31, le 06 mars 2019