Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Beyrouth Insight

Joe Mourani, le blitzkrieg des nuits beyrouthines

Passé par McGill pour un diplôme en ingénierie, puis chez Paul Bocuse à Lyon, l’infatigable quadra a trouvé son credo : faire plaisir et faire sourire les gens, notamment dans l’inédit et acclamé Ballroom Blitz.

Joe Mourani, créativité et sensibilité, au Café Standard. Photo Anthony GHANIMEH

Il semble suspendu entre deux extrêmes, un équilibriste qui se balade entre plusieurs carrières, sensibilités, et même personnalités. Le pile et le face d’une même pièce dont il serait le trait d’union, le vase communiquant et le dénominateur commun. Côté cour(s) et restauration, Joe Mourani est un homme créatif, téméraire, audacieux, n’hésitant pas à se lancer dans des projets pointus, même en période de crise aiguë. Côté jardin(s) et coulisse(s), il se ronge les ongles et s’angoisse secrètement, conscient que dans ce métier, « quand on commence, on ne peut plus s’arrêter » ! Il apprécie aussi bien la cuisine naturelle, une « cuisine à l’huile d’olive » sans ajouts ni mélanges, où trop de goût tue le goût, que la (lourde) cuisine traditionnelle française. Le premier est (forcément) un quadra de la nuit urbaine, alors que le second, qui trimballe encore des poussières d’adolescence, rêve de nature, de plein air, de solitude. Enfin, Joe Mourani, à la base ingénieur civil, a étudié la cuisine chez Bocuse, essayant de partager sa vie entre les deux aspects de ce métier, le purement financier et le 100 % gastronomique.

« J’ai toujours été un enfant très turbulent », avoue-t-il, à peine débarqué de sa moto, barbe au vent, à son dernier-né, le Café Standard. Une barbe indisciplinée qui diffère de son look sexy des « soirs de gala » et qui en a fait craquer plus d’une. Ce matin, Joe Mourani est un peu timide, ou à peine réveillé, et pourtant le regard aiguisé discrètement posé sur les notes rédigées au fil de ses mots. Dans ce café resto de Gemmayzé qui donne envie de rester et perdre son temps, les traces du Myu, « Myu, parce que c’est ainsi que mes amis m’appellent », son premier projet libanais ouvert en 2007, ont presque complètement disparu. Restent le lieu et sa réputation, qui sont déjà une caution de réussite.




« Nous, on a grandi... »

Après une enfance « turbulente » passée entre Jeddah, Riyad, Paris et Beyrouth, Joe Mourani s’inscrit à McGill pour y décrocher un diplôme en ingénierie. À peine refermée la brève parenthèse professionnelle dans le domaine, « j’ai pas du tout aimé », confie-t-il, durant laquelle il se familiarise déjà avec la vie nocturne en gérant deux boîtes de nuit à Montréal, il s’inscrit à l’Institut Paul Bocuse à Lyon. « Depuis mon enfance, la cuisine m’intéressait. J’aime ce côté familial, ce côté faire plaisir. C’est toute une expérience qui passe par le sourire, le geste, le service, et bien sûr la nourriture. » L’expérience passe également par des stages qui affinent ses gestes et forcément des rencontres inspirantes. Le restaurant Lapérouse et son chef Alain Hacquard, dont il est « resté très proche », la Maison blanche des frères Pourcel, et enfin l’hôtel Le Crillon où, dit-il, « cette fois-ci, je me suis chargé du côté financier de tous leurs points de vente ». Il rompra, avant même de le démarrer, le contrat qui le liait au prestigieux hôtel, choisissant de rentrer au pays et d’installer son resto-bar Myu dans un local situé à Gemmayzé. 12 ans après, un Myu on the Roof et un Baboon éphémère plus tard, Mourani le transforme il y a trois mois en Café Standard, un all day bar. « J’aime beaucoup ce local, mais le quartier a changé et a pris une autre tournure. Le marché aussi. Et nous, on a grandi. » Nous, c’est une associée, sa sœur Nayla, pratiquement indispensable, une équipe de mousquetaires à qui il peut « enfin » déléguer, et deux restaurants aux États-Unis, le Workshop Kitchen and Bar (2001) et le Truss and Twine (2017), qui ont décroché plusieurs prix, venant ainsi s’ajouter à son palmarès.




Expérimenter et vivre

« Aujourd’hui, nous avons trop grandi, précise l’homme aux mille projets, je devais accepter de déléguer. Je dois ajouter que le succès de la majorité de nos projets revient à mon équipe. Sans leur persévérance, nous n’aurions jamais perduré, et sans leur ténacité, jamais surmonté les moments les plus pénibles. » En effet, après Baboon, une boîte de nuit qui aura vécu une saison, « juste pour s’essayer à ce genre », et Stereo Kitchen, qui n’aura pas vraiment marché, Joe Mourani s’est attaqué à un projet que les noctambules amoureux de musique qualifient de « magique ». Exit le label boîte de nuit pour le Ballroom Blitz, inauguré le 5 octobre. Ici, dans cette music venue, c’est à une expérience musicale que sont conviées les personnes présentes. Ballroom Blitz, également à pile ou face, est « le mot ballroom, qui contient une référence aux lieux classiques musicaux, théâtres, opéras, bals, et blitz, une connotation électronique ».

Dans cet espace de 1 200 m2 constitué de trois immenses salles, la pièce se joue en trois actes. Le premier se joue au lobby, et le visiteur démarre alors sa soirée/nuit avec une musique d’« introduction » choisie par un DJ. Lorsque la « sauce commence à monter », la foule, déjà très nombreuse, commence à multiplier ses va-et-vient vers la deuxième pièce où un autre DJ propose une musique plus adaptée à une ambiance chauffée. Et quand elle devient surchauffée, à l’aube d’un nouveau samedi – The Ballroom Blitz ne reçoit que les vendredis pour l’instant –, la « Gold Room » ouvre ses portes sur une fin de nuit magique. Tous les détails sont soignés pour faire de ce concept, unique au Liban et sans doute dans la région, une expérience variée changeante, diversifiée, avec un programme musical solide, proposé par des DJ locaux et internationaux, émergents ou plus connus, ainsi que des groupes. Le Ballroom Blitz est devenu le talk of the town, le place to be, en très peu de temps, et le très gentil Joe Mourani confirme : « Nous avons gagné la confiance des gens, et ce gage d’appréciation est le plus difficile et le plus important à obtenir. Mon travail est de venir avec des concepts, appliquer des idées. Ma force est dans cet exercice, qui va de la création à l’adaptation d’un concept jusqu’au jour de l’ouverture. Trouver le feeling, l’idée, et la manière de l’expérimenter et de le vivre. »



Dans la même rubrique

Albert Massaad, les mains à la pâte

Marc Hadifé, zénitude

Mona Ross : Je n’étais pas un mannequin, j’étais Mona Ross

Oser sortir de l’ordinaire avec Omar Sfeir...

Les festins de Joanna (Debbas)

Tarek Alameddine, chef de file

Nour Salamé, point de chiffres, que des lettres

Il semble suspendu entre deux extrêmes, un équilibriste qui se balade entre plusieurs carrières, sensibilités, et même personnalités. Le pile et le face d’une même pièce dont il serait le trait d’union, le vase communiquant et le dénominateur commun. Côté cour(s) et restauration, Joe Mourani est un homme créatif, téméraire, audacieux, n’hésitant pas à se lancer dans des...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut