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Quitte ou double sur smartphone

Extrémistes de tous les pays, unissez-vous! De fait, il est pour le moins extraordinaire de voir l’Amérique de Trump, Israël, et avec eux les ultraconservateurs de Téhéran se réjouir de concert, plus ou moins bruyamment – et prématurément, faut-il croire –, d’un départ du ministre iranien de la République islamique, Mohammad Javad Zarif.


Pour tirer sa révérence, c’est un singulier scénario qu’avait choisi le négociateur de l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien, récemment dénoncé par les États-Unis. Empreints tout à la fois de panache et de modestie, de sérénité et d’une transparente ironie sont en effet ses (faux) adieux, annoncés en primeur, lundi soir, sur Instagram. Sans préciser le motif de sa décision, Zarif rendait grâce ainsi à la magnanimité du peuple et s’excusait de ne plus être capable de demeurer à son poste, mais aussi de tous les manquements dans l’exercice de sa fonction. Mais dans une communication à la presse, il n’omettait pas de désigner la goutte qui a fait déborder le vase : sa mise à l’écart des entretiens qu’avait eus la veille le président syrien Bachar el-Assad, arrivé inopinément à Téhéran, avec le guide suprême Khamenei et le président Rohani, alors que le chef de la brigade al-Qods, Qassem Soleymani, était, lui, de la fête. Après les photos de ces rencontres, se serait-il plaint, quelle crédibilité encore dans le monde comme ministre des Affaires étrangères ?


Par-delà sa propre personne et sa prestigieuse carrière, c’est cependant pour le devenir de la diplomatie iranienne que Zarif a fait part de son extrême inquiétude. Poison mortel pour la démocratie iranienne, que ces luttes entre partis et groupes, affirme-t-il. De son coup de trique, il ne cache pas qu’il escompte un rétablissement des AE dans leur statut légal ; et c’est avec ardeur qu’on le voit rappeler à leurs tâches et devoirs ceux de ses collègues qui menaçaient de claquer la porte à leur tour si sa démission venait à être acceptée, ce que Rohani s’est bien gardé de faire*.


En définitive, tout ce remue-ménage ressemble fort à un quitte ou double, un va-tout, auquel s’est résolue l’aile modérée du régime, harcelée par les critiques des extrémistes : entreprise par définition hasardeuse certes, mais mûrement réfléchie et rondement menée. Très vite en effet est apparue une majorité de signatures au bas d’une pétition de parlementaires réclamant le maintien à son poste du ministre. En face pourtant, et avec plus de férocité que jamais, ses adversaires continuaient de lui reprocher d’avoir ligoté la recherche nucléaire iranienne pour se faire seulement enfariner par le signataire américain. De fait, non content de se retirer de l’accord, Washington, comme on sait, a redoublé de douloureuses sanctions contre la république des mollahs. Au dédit s’ajoutait l’insulte hier, avec cette déclaration du secrétaire d’État US Mike Pompeo faisant du tandem Rohani-Zarif les hommes de paille d’une mafia religieuse corrompue : sentence encore plus infamante que le bon débarras lâché par l’Israélien Netanyahu.


Quant aux enjeux de l’actuel bras de fer, ils sont énormes, pour l’Iran comme pour la région. Pour le premier, confronté à une grave crise économique, il est vital, sous peine d’un surcroît de sanctions, de se conformer avant l’échéance de juin aux normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. S’y soustraire serait voir s’effondrer le mécanisme de troc convenu avec l’Union européenne et permettant de contourner l’interdit américain.


Il va de soi par ailleurs que le Proche et le Moyen-Orient vivraient des jours plus tranquilles si devait être gagné ce pari annoncé sur smartphone. Sans être particulièrement commodes, les modérés iraniens représentent le visage humain, moderne, passablement rassurant, d’une turbulente théocratie médiévale acharnée à exporter sa révolution. Ce détail particulièrement appréciable pour notre pays, à l’heure où le Hezbollah affiche sa volonté de s’investir davantage dans les arcanes de la vie politique libanaise, allant même jusqu’à se poser, fort abusivement, en premier pourfendeur de la corruption.


*Mercredi matin, le président iranien Hassan Rohani a rejeté la démission de son ministre des Affaires étrangères dont il a vanté les "efforts incessants" au service du pays, selon le site internet du gouvernement iranien.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

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