Des vêtements refuge
Sélectionné par l’incubateur Starch en 2018, Sélim Cherfane prend un virage radical et décide de se consacrer exclusivement à la mode, réalisant une première collection printemps/été. Né et vivant à Beyrouth, le créateur est bien l’enfant chaotique de sa ville. Il a appris à se protéger des diverses agressions que peut infliger une métropole surpeuplée, se créant une bulle à lui où il se réfugie à loisir et d’où il sort restauré et prêt à s’exposer à l’hostilité du monde. Cette bulle, il a bien considéré y faire entrer quelques amis, mais les fictions personnelles ne se partagent pas. Il réussit pourtant à la matérialiser, en novembre 2018, dans sa deuxième collection réalisée pour Starch, intitulée « Bubbleboy ». Il la rendait ainsi accessible à tous ceux qui ressentent son propre besoin d’un cocon propice aux irisations magiques, aux jeux de reflets et aux rêveries enfantines. « Lorsque vous vivez dans votre propre petite bulle, vous êtes conscient de vos réflexions et de vos fantasmes, isolé du reste du monde par votre énergie créative, et c’est de cela que la nouvelle collection s’inspire », explique le créateur « qui s’croit dans du champagne ».
« Vivre à Beyrouth devient chaque jour de plus en plus difficile, poursuit-il, et parfois votre seul moyen d’y survivre est de créer votre propre bulle heureuse. »
Des écharpes qui s’enfilent par les pieds
À travers cette collection automne/hiver du label Jeux de mains, Sélim Cherfane partage ses fantasmes et ses illusions. Un mélange de teintes nouvelles, mais complémentaires et de motifs percutants mis en valeur par des coupes rondes et des formes nouvelles, le tout formant une matière volcanique plaisamment homogène : cette collection est très graphique et colorée. Elle annonce surtout les premières créations en maille de la marque, tout aussi audacieuses, créatives et contemporaines que le reste. Le créateur s’est amusé à mélanger typographie et tissage pour créer des écharpes que l’on ne se contentera surtout pas d’enrouler autour de son cou. Vifs, enjoués et heureux, les modèles pour hommes et femmes se distinguent par une palette et un graphisme audacieux, et des silhouettes épurées, nés du cerveau azuré d’un colleur amateur de cadavres exquis. « Je veux jouer, nous voulons tous jouer ! » est son mot d’ordre. « Je voulais créer des pièces confortables qui mettent en valeur notre enfant intérieur et ajoutent une touche de couleur à la vie. Je voulais faire sourire », confie le grand enfant dont on adore les écharpes qui s’enfilent par les pieds, les tailleurs sages comme ces emballages de la poste sous lesquels se révèle un cadeau, les manteaux où se détache un grand cercle de couleur contrastée et qui vous transforment en messager astral, les blousons de faux Bibendum, bulles en vinyle transparent sous lesquels se révèle votre vraie silhouette protégée par une bulle espiègle.
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