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Lifestyle - La Mode

Quand Ziad Ghanem habille l’âme d’Abraham Brody

C’est une collaboration d’un autre type, aussi discrète et subtile que puissante, qui sera révélée ce vendredi 1er février à Metro al-Madina. Le couturier Ziad Ghanem a créé les costumes de scène du violoniste Abraham Brody. Inspirés de la prochaine collection haute couture du créateur libano-britannique, ces costumes joueront les médiateurs entre la musique et le public.


Ziad Ghanem, haute couture « Indochine », 2016-17. Photos DR

Né en 1992, formé entre l’université de Vienne et la Guildhall School of Music and Drama, à Londres, le violoniste américain d’origine lituanienne Abraham Brody voit sa carrière décoller en 2013, alors qu’il n’a que 21 ans, à la faveur d’une collaboration avec Marina Abramovic à la Fondation Beyeler, à Bâle. Sous la direction de l’artiste conceptuelle, le musicien avait relevé avec succès un défi dont on ne sort pas indemne : face à face et les yeux dans les yeux avec une succession d’inconnus assis devant lui sur une chaise, interpréter en musique les émotions qu’ils lui transmettaient en direct. Dès lors, ce virtuose n’a eu de cesse de transcender ses longues études classiques pour transformer la musique en dialogue et parvenir à une osmose totale avec l’auditeur. Au fil de son parcours, il ressent le besoin de renouer avec ses origines lituaniennes, se plonge dans les rhapsodies et les chants rituels de ses ancêtres, se passionne parallèlement pour la musique chamanique sibérienne et porte sa transe des grandes salles de New York et de Londres aux hauts lieux de l’art contemporain. C’est une intuition de la direction artistique du magazine londonien Protagonist qui permet à Abraham Brody et Ziad Ghanem de se rencontrer. Le couturier d’origine libanaise est invité à habiller le violoniste pour un shoot. L’équipe du magazine, séduite par les créations de Ghanem, y voit la touche à la fois inspirée et décalée qui conviendrait à cet artiste désincarné sur les épaules duquel tout semble incongru.

L’héritage ottoman en partage
Pour une rencontre, c’est une rencontre. Ghanem est une page blanche, un autodidacte total, mais de génie, habité par une obsession jumelle de l’obsession de Brody et qui consisterait à créer des vêtements pour habiller non les corps mais les âmes. À l’immersion lituanienne de Brody répond le retour de flamme de Ghanem pour ses propres origines et une plongée de plus en plus précise dans les archives du costume ottoman, quand l’empire contrôlait aussi bien l’Europe centrale et le Caucase que le bassin méditerranéen, l’Afrique du Nord et la Corne de l’Afrique. Il n’aime rien tant que ces robes traditionnelles que portaient indifféremment hommes, femmes et « autres », tous genres et tous âges confondus. Il adore ces plastrons autour desquels elles sont construites, pages vierges où chacun exprime ses goûts, choisit ses couleurs et ses motifs, laisse cascader ses bijoux.

Très jeune, Ziad Ghanem rêve de déployer ses ailes à Londres, lui l’enfant ballotté par la guerre, handicapé par un parcours scolaire interrompu qui lui ferme les portes des universités. « Je voulais travailler dans la mode, mais ma famille n’avait pas les moyens de financer ma formation à l’étranger. Je savais déjà que je n’aimais pas la mode parisienne, trop sexuée dans les années 1980, trop misogyne. Je n’étais pas intéressé par le fait de contribuer à faire des femmes des objets sexuels. Je rêvais d’une mode qui transcende les genres, et c’est à Londres, en 1990, que j’ai enfin eu l’opportunité de commencer ma carrière. Quand je dis commencer, c’était carrément me jeter à l’eau, dans l’inconnu et sans bases. Mais les gens ont très vite aimé ce que je faisais. J’ai eu la chance de pouvoir proposer mes créations dans un premier temps chez Kokon to Zai, Greg str. La première collection n’a pas très bien marché, mais j’ai reçu beaucoup d’encouragements et la boutique a quand même acheté ma première collection. Tout est parti de ce moment-là. »

C’est en 2009 que Ghanem se fait remarquer en créant une des premières collections vertes de l’histoire de la mode, avec du papier journal recyclé, traité avec toute la somptuosité de la haute couture. Son identité Underground sophistiqué se confirme et si ses défilés sont peu médiatisés, c’est qu’il attire une clientèle confidentielle qui n’aime pas être exposée. Ce qui ne l’empêche pas d’être présent sur les podiums des grand-messes de la mode, plébiscité aussi bien par Lady Gaga que Eddie Redmayne, Gwen Stefani et bien d’autres.

Rock, soufisme et arts martiaux
Les costumes de scène qu’il a créés pour Abraham Brody s’inspirent donc du vêtement ottoman, construits sur le modèle des robes balkaniques ornées d’un plastron. À la différence que ce plastron, il l’a voulu armure et qu’en pensant armure, il a pensé prière. En effectuant ses recherches, il tombe sur un motif persan en spirale, hypnotique comme un mantra. Il le fait rebroder sur un écusson au moyen de plusieurs fines chaînes d’argent de mailles différentes. Véritable gilet pare-balle, ce bouclier évoque à travers les chaînes la souffrance du fidèle, amoureux de l’Intangible, et joue le paradoxe entre protection et attraction. Il sera le fil conducteur d’un vestiaire à la croisée du rock (avec des impressions en caoutchouc) du soufisme, avec des tissus vaporeux et des jupes hautes qui s’élèvent avec le mouvement, et des arts martiaux à travers un hommage au samouraï. L’habit principal est prolongé d’une longue traîne. Selon Ghanem, celle-ci symbolise son premier contact avec le sol de son pays et permet à Brody d’en ressentir les vibrations.



Pour mémoire
Ziad Ghanem interprète l’or noir

Né en 1992, formé entre l’université de Vienne et la Guildhall School of Music and Drama, à Londres, le violoniste américain d’origine lituanienne Abraham Brody voit sa carrière décoller en 2013, alors qu’il n’a que 21 ans, à la faveur d’une collaboration avec Marina Abramovic à la Fondation Beyeler, à Bâle. Sous la direction de l’artiste conceptuelle, le musicien avait...

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