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Liban - Recours en invalidation

Que renferme le rapport de la Commission de supervision des élections ?

Le président de la Commission de supervision des élections, Nadim Abdel Malak, à son bureau au siège de la commission à Sanayeh. Photo C.A.

Au moment où le Conseil constitutionnel (CC) multiplie ses réunions dans la dernière ligne droite conduisant à l’annonce de ses décisions liées aux 17 recours en invalidation des résultats électoraux du 6 mai dernier, les observateurs sont impatients d’en savoir la teneur, d’autant que la Commission de supervision des élections a présenté un rapport peu glorieux sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’échéance législative. Selon l’Agence nationale d’information (ANI, officielle), les verdicts du Conseil constitutionnel devraient être annoncés au plus tard vendredi, dans le cadre d’une conférence de presse que tiendra le président du CC, Issam Sleiman, en présence des autres membres.

Publié au Journal officiel et présenté notamment au président de la République, Michel Aoun, et au chef du législatif, Nabih Berry, le rapport de la Commission de supervision des élections est un document important parmi d’autres preuves sur la base desquelles le Conseil constitutionnel devrait incessamment émettre ses jugements. Composé de 340 pages, il révèle que de nombreuses failles ont empêché la commission de remplir la mission qui lui était dévolue, à savoir assurer la régularité des élections.

Pour en savoir plus quant aux conditions dans lesquelles la commission a agi pour superviser la mise en œuvre des procédures électorales, L’Orient-Le Jour s’est entretenu avec son président, Nadim Abdel Malak, au siège de l’organisme à Sanayeh.

« Notre rôle a consisté à contrôler les supports d’information et de publicité, ainsi que les financements des campagnes et les dépenses des candidats, l’objectif étant notamment de garantir l’égalité des candidats auprès des médias, et plus généralement d’assurer entre eux une concurrence saine », indique d’emblée l’ancien juge. « Or les moyens qui nous ont été accordés n’étaient pas à la hauteur de la tâche qui nous a été confiée », fait-il observer, soulignant que la commission « n’avait pas de pouvoir décisionnel et exécutif ».

Il illustre sa remarque sur « l’absence de moyens efficaces et fermes » en indiquant que la commission « n’avait pas le pouvoir de prendre de mesures dissuasives à l’encontre de médias ayant commis des infractions ». « Nous nous sommes contentés d’adresser 100 mises en garde à des médias qui ont contourné la loi à travers des publicités électorales, faites sous couvert de contenus journalistiques », indique-t-il. Le rapport de la commission évoque d’ailleurs « les publicités électorales camouflées » et « le défaut d’équilibre dans les présentations médiatiques ». Sur ce dernier point, le texte indique que « 14 listes électorales ont obtenu à elles seules près de 63 % de la couverture télévisée ».


(Pour mémoire : Les verdicts liés aux recours en invalidation des élections prévus dans trois semaines)


Création formelle

Autres exemples de l’absence de résultats fructueux après les mesures prises par la commission : « Nous avons déféré 45 médias devant le tribunal des imprimés, mais 9 mois se sont écoulés depuis la tenue des élections, et nous n’avons été notifiés d’aucune décision judiciaire liée à ces affaires. Rien non plus du côté du parquet d’appel auquel nous avons transmis une dizaine de plaintes pénales », indique M. Abdel Malak, avant d’ajouter : « Nous avons transmis au ministère de l’Intérieur des dossiers concernant 222 candidats n’ayant pas présenté le bilan complet de leurs recettes et dépenses inscrites dans leurs comptes de campagne ouverts auprès des banques. Mais là aussi nous n’avons pas reçu d’écho. »

Sur un autre plan, le président de la commission affirme que le gouvernement a mis trop de temps à fournir les moyens administratifs et financiers nécessaires au fonctionnement de l’organisme. « Le décret de formation de la commission a été publié en septembre 2017 mais nous n’avons été installés dans nos bureaux que 3 mois plus tard. Quant au budget, il ne nous a été alloué qu’en mars 2018. »

Le rapport indique dans ce cadre que l’organisme a fait face à « des obstacles financiers, administratifs et logistiques et à une difficulté de coordination avec le ministre de l’Intérieur ». « La commission n’est pas indépendante sur le plan financier, ni même administratif », ajoute sans détour le texte.

Allant encore plus loin, le rapport estime que la commission a vu le jour en vertu d’« une simple publication d’un décret et non d’une création effective et régulatrice ». « Si la Commission de supervision des élections a été créée au sens formel et légal du terme, elle n’a pas pour autant été munie des moyens financiers, administratifs et logistiques qui lui auraient permis de remplir effectivement une fonction exécutive », souligne le document.


(Pour mémoire : La LADE dresse un bilan négatif du déroulement du scrutin de mai)


Alternative embarrassante

Face à tous ces écueils, pourquoi les membres de la commission n’ont-ils pas tous démissionné, à l’instar de Sylvana Lakkis, qui avait écrit dans sa lettre « ne pas vouloir être un faux témoin, refusant de faire partie d’un décor qui vise à donner l’illusion que les autorités publiques ont mis en place le cadre garantissant la justice et la régularité électorales » ? En réponse, M. Abdel Malak critique « les militants de la société civile qui l’ont poussée à faire sa démarche », et invoque « l’intérêt général et la raison d’État ». Pour lui, « les élections législatives sont une échéance constitutionnelle qu’il ne faut pas entraver, d’autant que nous avions prêté devant le président Aoun un serment qui nous engageait à remplir notre devoir ».

Le rapport de la commission indique à ce propos que la commission de supervision a poursuivi son mandat pour ne pas empêcher le déroulement des élections : « Le souci que les élections aient lieu dans les temps (…) a motivé la continuité de la commission. »

Un observateur explique dans ce cadre à L’OLJ qu’« en raison des multiples violations observées, la commission s’est trouvée devant une alternative embarrassante : soit poursuivre son mandat afin que les élections puissent avoir lieu, soit démissionner, auquel cas le pouvoir politique aurait un prétexte pour ne pas organiser les élections tout en imputant la responsabilité de cet ajournement à la commission, qu’il aurait utilisée comme bouc émissaire ».

Face au manque de coopération des médias, des autorités et de la société civile, personne n’aura donc soutenu l’action de la commission ? « Les seules parties qui ont apporté leur collaboration pour aider la commission à remplir sa fonction sont les organisations internationales », répond M. Abdel Malak, citant notamment « la Communauté européenne, qui à travers le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a équipé les locaux de la commission et a dépêché par ailleurs environ 150 observateurs qui se sont déployés à travers tout le pays dans une tentative de sonder les violations, avant d’établir un rapport préliminaire, puis un rapport final ».


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commentaires (3)

Sans polémiques, je vote depuis 1952 et comme d'habitude, cela finira en queue de poisson. Ni vainqueur ni vaincu et vice versa.

Un Libanais

17 h 49, le 19 février 2019

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Commentaires (3)

  • Sans polémiques, je vote depuis 1952 et comme d'habitude, cela finira en queue de poisson. Ni vainqueur ni vaincu et vice versa.

    Un Libanais

    17 h 49, le 19 février 2019

  • Et pourtant certains se targuent d'avoir gagné ces élections démocratiquement...en se gaussant de ceux qui constatent et nous prouvent le contraire... Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 51, le 19 février 2019

  • LE PLUS ESSENTIEL C,EST QU,IL N,Y EUT PAS D,ELECTIONS LIBRES ET DEMOCRATIQUES CAR DEUX PARTIS SONT ARMES ET ONT ACCAPARE LES VOIX DE TOUTE LEUR COMMUNAUTE ET DE BIEN D,AUTRES SOUS LE SPECTRE DES ARMES ! DANS TOUT PAYS QUI SE RESPECTE DE TELLES ELECTIONS SONT NULLES ET NE TIENDRAIENT MEME PAS PLACE EN FAIT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 32, le 19 février 2019

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