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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Doha en mode offensif au Moyen-Orient

Le petit émirat veut se positionner en tant que partenaire crédible de l’Occident, en s’investissant dans différents dossiers régionaux.

L’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, lors du quatrième sommet économique et social de la Ligue arabe, le 20 janvier à Beyrouth. Aziz Taher/Reuters

Le Qatar se veut sur tous les fronts. Isolé par le blocus mené par l’Arabie saoudite et ses voisins depuis juin 2017, Doha semble désormais profiter de la légère mise en retrait de Riyad sur la scène régionale. Le royaume wahhabite a été mis en porte-à-faux vis-à-vis de la communauté internationale après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays le 2 octobre dernier, et il est de plus en plus critiqué du fait de son engagement dans le conflit au Yémen.

Boosté par une véritable opportunité pour le petit émirat de s’extirper un peu plus du giron de son voisin du Golfe, Doha a multiplié en moins d’un mois les annonces d’aides financières à des acteurs régionaux, tandis que les officiels qataris se sont montrés particulièrement réactifs sur le plan diplomatique. Alors que la plupart des dirigeants arabes ont boudé le quatrième sommet économique et social de la Ligue arabe qui s’est tenu le week-end dernier à Beyrouth, l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, était l’un des seuls à répondre présent, s’affichant tout sourire aux côtés du président Michel Aoun, en effectuant un rapide déplacement dans la capitale libanaise dimanche dernier. Signe public de soutien au Liban et pied de nez supplémentaire à son rival saoudien, Doha a annoncé le lendemain son intention d’acheter des eurobonds libanais pour une valeur de 500 millions de dollars. La méthode n’est pas nouvelle pour le petit émirat. Riche des revenus du gaz, il a l’habitude de tabler sur une diplomatie de l’investissement intensive pour renforcer un peu plus son soft power dans la région, et au-delà. Un procédé qui a été d’autant plus exacerbé par sa mise au ban du Conseil de coopération du Golfe dans le but d’affirmer son indépendance et son refus de plier face à Riyad et ses alliés. « Le Qatar tente de se positionner comme un partenaire privilégié de l’Occident dans la région », explique à L’Orient-Le Jour Andreas Krieg, professeur au King’s College de Londres et ex-conseiller de l’armée qatarie. « Pour ce faire, les Qataris doivent montrer en particulier à l’Union européenne et aux États-Unis qu’ils ont toujours beaucoup de poids et d’influence au Moyen-Orient, pas seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan diplomatique », poursuit-il. Doha a par ailleurs accueilli les délégations américaines et celles représentant les talibans cette semaine pour des pourparlers visant à mettre fin au conflit en Afghanistan.


(Lire aussi : Après le Qatar, l'Arabie saoudite veut soutenir le Liban "par tous les moyens")

Retour sur investissement

Le Qatar semble considérer que le plus dur est passé dans ce bras de fer avec ses voisins, et qu’il peut désormais retourner à l’offensive. À la fin de l’année dernière, Israël a accepté que le Qatar, soutien du Hamas, envoie six versements mensuels à l’organisation qui contrôle la bande de Gaza, pour un total de 90 millions de dollars, afin de calmer les tensions. En adoptant cette approche, le Qatar espère un retour sur investissement qui lui permettrait d’avoir une certaine influence dans le dossier israélo-palestinien pour se positionner en tant qu’intermédiaire crédible pour toutes les parties concernées, alors que des pays arabes, tels que l’Arabie saoudite, ont entamé un rapprochement plus ou moins discret avec l’État hébreu. Si les deux premiers paiements ont eu lieu en novembre et décembre derniers, l’acheminement de 15 millions de dollars ce mois-ci a toutefois été refusé jeudi par le Hamas « en réponse au comportement de l’occupation (israélienne) et ses tentatives de sortir de l’accord », a précisé à la presse un responsable de l’organisation, Khalil al-Hayya. L’ambassadeur qatari à Gaza, Mohammad el-Emadi, a néanmoins annoncé hier qu’un nouveau système coordonné avec l’ONU va permettre de transférer les fonds. Des versions contradictoires avaient émergé cette semaine concernant l’autorisation ou non du transfert d’argent qui avait été bloqué dans un premier temps par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, suite à des violences à la frontière avec Israël.


(Lire aussi : Le Qatar veut investir un demi-milliard de dollars dans la dette libanaise)


Approche prudente et calculée

Plus récemment, l’émirat s’est démarqué de ses voisins en recevant mardi le président soudanais, Omar el-Béchir, pour son premier déplacement en dehors du pays depuis le début des manifestations contre son régime le mois dernier. Si la plupart des pays arabes ont apporté leur soutien à Khartoum, cheikh Tamim a reçu personnellement le dirigeant soudanais, jouant des liens qui unissent leur pays depuis 2011, suite à la médiation de Doha entre le gouvernement soudanais et les rebelles dans la guerre du Darfour. « L’émir a souligné l’engagement du Qatar pour l’unité et la stabilité du Soudan », a rapporté l’agence de presse officielle Qatar News Agency, précisant que « les discussions ont aussi porté sur les développements du processus de paix au Darfour ».

« Béchir entretient une relation personnelle avec la famille royale du Qatar et il était donc naturel que les Qataris tentent de le contacter pour l’aider à résoudre cette crise », note M. Krieg avant de souligner que « ce qui est étonnant, c’est que les Qataris ne lui aient pas accordé plus d’aide pour soutenir le régime ». Selon lui, « l’émir a probablement dit à Béchir qu’il devait faire des concessions à la population, alors que le Qatar tente de se positionner comme un État libéral à l’égard de l’Occident ».

Enfin, sur le plan humanitaire, cheikh Tamim a notamment décidé d’allouer plus tôt ce mois-ci 50 millions de dollars par le biais du Fonds du Qatar pour le développement à destination des réfugiés syriens en Turquie, au Liban et en Jordanie et des personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie. À la tête de l’émirat depuis 2013, cheikh Tamim, au caractère plus prudent et calculé que son père Hamad ben Khalifa al-Thani, a rompu avec l’interventionnisme accru de son prédécesseur pendant le printemps arabe de 2011. S’impliquant aux côtés des révolutionnaires, Doha n’avait pas hésité à leur donner un soutien politique, financier et médiatique par le biais de sa chaîne al-Jazeera contre les régimes en place à Tunis, Tripoli, Damas, Manama ou encore Le Caire. Une stratégie qui lui avait valu des reproches de ses voisins et qui s’était révélée insuffisante pour s’imposer aux côtés des puissances régionales, à savoir Riyad et Téhéran.

Si les Qataris ont toujours cherché à faire avancer leurs intérêts nationaux dans la région, il s’agit aujourd’hui de le faire « sans courir les coûts et les risques qu’ils ont pu subir avant 2013 », en tablant sur une approche multilatérale avec l’Occident et de forts liens bilatéraux dans la région et en multipliant les canaux diplomatiques, observe M. Krieg.




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commentaires (3)

LES QATARIES SE LA JOUENT MIEUX QUE LES SAOUDITES...

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 33, le 26 janvier 2019

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Commentaires (3)

  • LES QATARIES SE LA JOUENT MIEUX QUE LES SAOUDITES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 33, le 26 janvier 2019

  • Let us make it clear, le Qatar est frappé par une prise de conscience que le chouchou de l'occident, les bensaouds aux ordres disrael, étaient entrain d'entraîner les wahabites vers un précipice sans fond. Il réagit intelligemment, certes, mais le Qatar n'est pas en soi un état qui va RÉVOLUTIONNER LE MONDE. On peut comprendre son ambition limitée à sa taille et à ses compétences, la vraie RÉVOLUTION DES RAPPORTS DE FORCE se fait par des pays bcp plus engagés par des moyens plus sincères et efficaces, qui ne sont pas forcément et uniquement par le fric.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 15, le 26 janvier 2019

  • Let us make it clear, le Qatar est frappé par une prise de conscience que le chouchou de l'occident, les bensaouds aux ordres disrael, étaient entrain d'entraîner les wahabites vers un précipice sans fond. Il réagit intelligemment, certes, mais le Qatar n'est pas en soi un état qui va RÉVOLUTIONNER LE MONDE. On peut comprendre son ambition limitée à sa taille et à ses compétences, la vraie RÉVOLUTION DES RAPPORTS DE FORCE se fait par des pays bcp plus engagés par des moyens plus sincères et efficaces, qui ne sont pas forcément et uniquement par le fric.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 41, le 26 janvier 2019

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