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Liban - Réforme

La société civile à la rescousse de l’indépendance de la justice libanaise

Débat au Bristol sur une proposition de loi destinée à extirper les juges de l’emprise politique.

Comment redonner à la justice libanaise ses lettres de noblesse : tel était l’enjeu des débats. Photo d’illustration Bigstock

L’événement était de taille : des diplomates, des juges, des représentants des différents blocs parlementaires et de la société civile réunis autour d’une même table pour débattre d’une proposition de loi sur l’organisation de la justice judiciaire, une réforme incontournable pour sauver l’État et ses institutions en état de putréfaction. Un mot d’ordre lors de ce séminaire tenu à l’hôtel Bristol : redonner à la justice toutes ses lettres de noblesse en garantissant notamment l’indépendance des juges et en les protégeant contre les ingérences politiques pour regagner la confiance du citoyen et redorer un tant soit peu l’image d’un pays failli.

Initiée par l’Agenda légal, une fondation qui œuvre pour la réforme du secteur judiciaire notamment, la proposition de loi devrait être incessamment examinée par les membres de la commission de l’Administration et de la Justice, comme promis par son président, le député Georges Adwan.

Fruit d’un processus collectif qui a misé sur la participation de toutes les parties politiques, des forces actives de la société civile ainsi que de juges, d’experts et de professeurs d’université, le projet de réforme, largement inspiré des standards internationaux, a nécessité quatre années de recherches pointues et des dizaines d’entrevues.

Adopté par neuf députés qui l’ont introduit à l’hémicycle en septembre dernier, à la faveur notamment d’un forcing effectué par l'Agenda légal et un groupe de pression, Koullouna Irada, le nouveau texte suggéré ambitionne de remédier aux multiples dysfonctionnements de la justice libanaise en l’extirpant notamment de l’emprise politique et en garantissant aux juges les conditions adéquates pour les habiliter à mieux s’acquitter de leurs responsabilités et à prononcer le droit en toute liberté et indépendance.

Si elle devait aboutir, cette réforme majeure contribuera sans aucun doute à rétablir le principe de l’État de droit et permettra au Liban de regagner un tant soit peu la confiance des pays donateurs qui se sont engagés, notamment dans le cadre de la conférence dite CEDRE, à soutenir la relance économique du Liban à la condition que ce pays entame les réformes structurelles nécessaires.

L’Agenda légal et Koullouna Irada ont mis l’accent sur le lien intrinsèque qui existe entre l’indépendance judiciaire et l’avenir de l’économie libanaise, arguant que l’indépendance de la justice n’implique pas uniquement l’existence d’un garde-fou contre les violations des droits humains, mais constitue également « une garantie incontournable pour les investissements économiques », comme le souligne l’ambassadrice suisse Monika Shmutz Kirgöz, dont le pays soutient ce projet de réforme depuis le début.

« Une justice digne de ce nom est également un filet de sécurité susceptible de rassurer la communauté internationale pour ce qui est du soutien financier et politique qu’elle apporte en vue de la stabilité du Liban », a commenté la diplomate lors de son intervention, exprimant au passage son inquiétude à l’égard de la crise économique qui se profile à l’horizon. « Nous craignons fort que le pays soit au bord de l’effondrement », a-t-elle prévenu, laissant entendre qu’un an après CEDRE, c’est dans la direction opposée que semble s’engouffrer le pays.


(Lire aussi : Pour que les avocats exercent leur fonction dans la dignité et l’efficacité)


Une priorité
Ayant exprimé dès le départ son enthousiasme pour cette réforme, Georges Adwan, député FL, a cependant refusé de lier la dynamique des réformes requises aux promesses d’aides financières formulées dans le cadre de CEDRE.

« Avec ou sans CEDRE, les réformes doivent se concrétiser », a-t-il lancé, en s’engageant à placer très prochainement la proposition de loi à l’ordre du jour de la commission et à faire pression pour faire adopter ce texte par l’Assemblée.

À ce jour, plus de soixante députés de divers blocs se sont prononcés en faveur de l’adoption du nouveau texte, à l’exception du courant du Futur dont les représentants ont exprimé des réserves qu’ils n’ont toutefois pas détaillées lors du séminaire.

Tout en proclamant son appui en faveur du principe de la réforme en tant que telle, Nawaf Moussaoui, député du Hezbollah, a toutefois mis en garde contre le risque de voir le texte initial atterrir à l’Assemblée dans une mouture complètement différente, ayant été charcuté et vidé de son sens en cours de route. Abondant dans le sens de la proposition faite par le chef des Katëb, Samy Gemayel, qui avait souligné avec insistance la nécessité de garantir l’indépendance des instances de contrôle par rapport au pouvoir exécutif, M. Moussaoui a appelé son collègue à pousser dans cette direction.

Plus pessimiste, le représentant du bloc joumblattiste, Bilal Abdallah, a déclaré : « Détrompons-nous. Le pouvoir judiciaire ne pourra être immunisé tant que le système confessionnel restera prédominant. »

De l’éthique des juges

L’introduction d’un nouveau texte de loi susceptible d’immuniser les magistrats contre les multiples interventions politiques a alimenté le débat autour de la pertinence d’une codification qui, selon certains intervenants, ne servirait pas à grand-chose tant que les juges resteront perméables aux tentations et tant que « les mentalités n’ont pas changé pour accompagner le processus », comme l’a relevé Jacques de Lajugie, ministre conseiller français et chef du service économique régional basé à Beyrouth.

« Le pouvoir ne se donne pas mais s’arrache. Le travail commence au niveau du juge lui-même. Une nouvelle loi est importante, mais non pas déterminante pour remédier aux dysfonctionnements », a commenté pour sa part la directrice générale au ministère de la Justice, Mayssam Noueiri.

La magistrate a toutefois reconnu l’importance de consolider la solidarité entre les juges pour mieux les protéger et de redynamiser le principe de la reddition de comptes sur « la base de critères scientifiques et non pas sur des considérations relationnelles ».

Même si l’éthique et le professionnalisme sont des requis incontournables chez les magistrats eux-mêmes pour les habiliter à faire face aux pressions, il n’en reste pas moins vrai que leur aptitude à faire preuve d’indépendance dans leurs prises de décision « doit être également consolidée dans les textes ».

C’est l’avis que défend farouchement Georges Okais, député FL, qui a exercé la magistrature pendant 25 ans et expérimenté l’envers du décor.

« Notre débat aujourd’hui se place au-delà de la proposition de loi en tant que telle. C’est une tentative de prémunir une nation. Sauvons ce qui peut être encore sauvé », a-t-il commenté, en se prononçant en faveur de la nomination des juges et des membres du Conseil supérieur de la magistrature « par les juges eux-mêmes, sans aucune autre intervention ».

Un avis que défend aussi Amani Salamé, la présidente du club des juges, une instance inédite nouvellement mise en place et qui n’a pas encore bénéficié d’une reconnaissance officielle conformément à la loi sur les associations. « Nous n’avons plus le luxe de retarder la réforme. Disons-le clairement : l’État est à l’agonie », a-t-elle lancé. Commentant son intervention, le fondateur de l’Agenda légal, Nizar Saghiyé, a évoqué « un moment historique ». C’est en effet la première fois qu’un juge en exercice s’exprime ouvertement en public pour faire part des doléances des magistrats et proposer des réformes.

L’événement était de taille : des diplomates, des juges, des représentants des différents blocs parlementaires et de la société civile réunis autour d’une même table pour débattre d’une proposition de loi sur l’organisation de la justice judiciaire, une réforme incontournable pour sauver l’État et ses institutions en état de putréfaction. Un mot d’ordre lors de ce...

commentaires (3)

TANT QUE LE GATEAU SERA TOUJOURS PARTAGER ENTRE LES MÊME, RIEN NE CHANGERA. AUJOURD'HUI, POUR DEVENIR MINISTRABLE, IL FAUT SE METTRE À GENOUX DEVANT AOUN "BIENTÔT BASSIL" OU DEVANT BERRI, OU HASSAN NASRALLAH, OU SAAD HARIRI, OU JOUMBLATT OU GEAGEA OU MÊME FRANGIÉ....ALORS COMMENT ALLEZ VOUS FAIRE, VOUS QUI RÊVENT EN COULEURS. SI LES GENS SE MANIFESTENT ET RÉCLAME ISSAM KHALIFÉ MINISTRE DE LA JUSTICE, CROYEZ MOI QUE LÀ, LES CHOSES PEUVENT CHANGER.....VOUS AURIEZ DES JUGES PROPRES COMME LUI.

Gebran Eid

03 h 10, le 20 janvier 2019

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Commentaires (3)

  • TANT QUE LE GATEAU SERA TOUJOURS PARTAGER ENTRE LES MÊME, RIEN NE CHANGERA. AUJOURD'HUI, POUR DEVENIR MINISTRABLE, IL FAUT SE METTRE À GENOUX DEVANT AOUN "BIENTÔT BASSIL" OU DEVANT BERRI, OU HASSAN NASRALLAH, OU SAAD HARIRI, OU JOUMBLATT OU GEAGEA OU MÊME FRANGIÉ....ALORS COMMENT ALLEZ VOUS FAIRE, VOUS QUI RÊVENT EN COULEURS. SI LES GENS SE MANIFESTENT ET RÉCLAME ISSAM KHALIFÉ MINISTRE DE LA JUSTICE, CROYEZ MOI QUE LÀ, LES CHOSES PEUVENT CHANGER.....VOUS AURIEZ DES JUGES PROPRES COMME LUI.

    Gebran Eid

    03 h 10, le 20 janvier 2019

  • TRES BONNE INITIATIVE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 55, le 19 janvier 2019

  • joliment decrits ces preparatifs . Mille merci a tous les participants qui ont vise juste : JUSTICE JUSTE, JUSTICE INDEPENDANTE PRIME-OU PRESQUE- TOUTE AUTRE CONDITION A L'EVOLUTION DE NOTRE PAYS. notons en passant que nous en revenons a un meme point -d'ailleurs aborde par cette "assemblee" - l'ethique des magistrats et autres justiciers libanais. EN EFFET, BEAUCOUP D'ENTRE EUX AURAIENT ACCEPTE L'ALIENATION A UN "ZAIM" OU AU CLERGE, OU A UN HOMME D'AFFAIRES INTRODUIT,L'AVAIENT FAIT PAR CUPIDITE . ET DONC SERAIENT ILS CAPABLES DE CHANGER DE CAP? DE DEVENIR BLANC COMME NEIGE ? UN COUPABLE EST IL JAMAIS SON PROPRE JUSTICIER?

    Gaby SIOUFI

    13 h 08, le 19 janvier 2019

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