Les récentes péripéties rapportées par la presse autour du projet de Musée d’art moderne de Beyrouth (BeMA) demandent plus d’une explication.
Pour mémoire, l’association Apeal avait lancé en 2015 un concours d’idées pour la construction du BeMA sur une partie d’une vaste parcelle appartenant à l’Université St-Joseph, rue de Damas, dans le périmètre du musée national. En première phase, une douzaine d’équipes d’architectes libanais (avec un ancrage à l’international) ont été sélectionnées. Leurs projets ont ensuite été évalués par un jury international prestigieux présidé par Lord Palumbo et comprenant, entre autres, d’éminents architectes internationaux et libanais. C’est le projet proposé par l’agence de Hala Wardé qui a remporté le concours : il se distinguait par une approche contextuelle et symbolique, se développant en une spirale ascendante partant d’une source, autour d’un jardin, et s’achevant en une tour, véritable phare culturel au cœur de la ville (une illustration du projet est consultable sur le site de l’agence HW Architecture).
Or, après deux ans de labeur et de coordination avec Apeal, ses consultants et l’USJ, Hala Wardé se voyait « écartée » par les promoteurs du BeMA en août 2018 sans motif explicite. L’article de May Makarem, Black-out autour de la mise à l’écart de Hala Wardé, lauréate du concours BeMA, n’a pas suscité de réaction. Par la suite, un article du New York Times (et non une déclaration d’Apeal) annonçait que l’architecte Amale Andraos, 2e du concours, était chargée avec son agence Work.ac de la conception du projet. Le courrier de Dominique Eddé intitulé Hold-up ?, demandait une réponse. L’article de Sylviane Zehil, Amale Andraos : Le BeMA sera un musée ouvert à la vie et à l’énergie de Beyrouth évoque en passant « Hala Wardé (…) finalement écartée du projet » , sans plus d’explications, alors que les représentants d’Apeal sortent (enfin) de leur mutisme pour faire l’apologie du projet remplaçant.
Écarter un architecte et son projet après une procédure de concours public largement médiatisée (et désavouer le choix du jury) impose aux promoteurs, à Apeal et au conseil d’administration du BeMA d’en expliciter les raisons objectives, alors qu’il s’agit là d’un projet d’intérêt public.
On s’étonnera que l’ordre des ingénieurs et architectes de Beyrouth ne se soit pas manifesté pour demander des clarifications, d’autant qu’il s’agit là d’une opération à forte visibilité et qu’il y a préjudice moral à l’encontre de l’un de ses membres (Hala Wardé, en l’occurrence).
Enfin, et pour peu qu’on s’intéresse à l’architecture et à Beyrouth, on ne peut que s’inquiéter qu’un projet contextuel proposant une vision d’ensemble pour l’aménagement du site en relation avec le tissu environnant, et offrant en plus d’un musée un jardin et un symbole à la ville, soit remplacé par un projet-objet de série. En effet, le BeMA d’Amale Andraos, « d’inspiration méditerranéenne », est le jumeau de son projet de concours pour le Dreamquarters de Toronto (les illustrations de ces deux projets sont consultables sur le site internet de l’agence work.ac), et on n’y décèle aucune vision d’aménagement global d’un site majeur au cœur de Beyrouth.
Fadlallah DAGHER, Architecte
La tour Eiffel est valorisée par son emplacement à l'écart d'autres bâtiments. La tour Chrysler n'est pas la seule gratte-au-ciel à NY. La tour de Pise n'a d'une tour que le nom, puisqu'elle est tellement petite. Burj Khalifa est une abbération sans nom. Une tour doit épouser son environnement et avoir un espace vital autour d'elle. Je retire le terme Khazouk, et présente mes sincères excuses aux lecteurs. J'ai décrédibilisé bêtement un travail d'une génie de l'architecture qui ne va pas arrêter de nous étonner, pour la beauté de ses œuvres. Politiquement, une polémique en moins et meilleure qu'une polémique en trop. La pays n'a pas besoin de polémiques. Cordialement,
10 h 06, le 14 janvier 2019