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La faute aux coutumes

Quand l’urgence est dépassée, y a-t-il toujours urgence? Comment appelle-t-on un État où il faut en moyenne dix ans pour conduire des élections législatives dans l’espoir toujours déçu de renouveler le Parlement et une dizaine de mois pour former un gouvernement? Une maison de retraite ? Un igloo? Un mausolée ? Une station spatiale désamarrée ? Clairement, un engin obsolète dont les pièces de rechange, introuvables, doivent être fondues sur mesure ou alors clonées. Certes, il redémarre alors, crachotant et poussif, courant de toutes ses prothèses après les affaires courantes – lesquelles ont déjà couru trop loin pour son souffle asthmatique – jusqu’à la prochaine convulsion entraînant un arrêt forcé. Mais pourquoi notre pays est-il donc tout le temps en panne ? Vieillesse de la machine ou incompétence des cheminots ? Constitution dysfonctionnelle ? Mode d’emploi perdu ? Interprétation un peu trop poétique des textes ? Tant de questions, aucune réponse. La dernière qu’on nous ait donnée en pâture ne creuse que davantage le gouffre de notre perplexité. Elle nous vient de Michel Aoun en personne. « Certaines formations politiques ont tenté de créer de nouvelles coutumes dans le processus de formation du gouvernement, des coutumes inconnues par le passé », a déclaré le chef de l’État. Pourquoi diable s’appuie-t-on sur des coutumes alors qu’existent des lois ? Quelles sont donc ces coutumes inconnues et en quoi diffèrent-elles des coutumes connues dont nous ne savons pas davantage ? Mystère.

Tout nous est mystère, sauf la pénible réalité qu’engendrent ces tergiversations autour des parts, et qui est plus fort, et qui est plus représentatif et qui a droit à plus et qui n’a droit à rien, et qui attendra sa revanche pour compenser avec rage sa frustration d’avoir été écarté du misérable festin. Pendant ce temps, comme on n’a qu’une vie et que nul n’a envie de passer la sienne à attendre, le Liban se vide de sa jeunesse et ce fait ne semble aucunement déranger une classe politique qui, elle, avance en âge en se figeant à force de s’accrocher à un pouvoir même démonétisé. Après tout, les voyages forment la jeunesse et permettent au Liban de s’étendre en quelque sorte sur la mappemonde au lieu de se répandre chez soi : plus les forces vives s’éloignent, plus le pays somnole et plus il est commode à gouverner. C’est qu’ils sont doués, ces jeunes-là. Ils parlent au moins trois langues, plus celle des mains. On les aime bien, là-bas. On leur confie des postes de responsabilité qu’il aurait été bien embarrassant de leur offrir ici. Ils gagnent même de quoi transférer de l’« aide familiale », ce qui dispense les responsables du tracas des réformes sociales. Ils en dépensent aussi quand ils reviennent, ce qui permet aux mêmes de fanfaronner sur une croissance étique qui ne leur doit absolument rien. Pour les remercier et pour épater la galerie des dupes, on leur offre une fois l’an, le Jour de l’An, cette fête phénoménale qui inscrit systématiquement le Liban au top 10 des réveillons du monde entier. Merci pour la joie d’un soir, bravo pour la sécurité, il faut être juste. Mais le reste de l’année serait irrémédiablement terne si l’habitude du blocage ne nous avait entraînés à en faire fi, et poursuivre nos rêves envers et contre toutes les occasions ratées.

Quand l’urgence est dépassée, y a-t-il toujours urgence? Comment appelle-t-on un État où il faut en moyenne dix ans pour conduire des élections législatives dans l’espoir toujours déçu de renouveler le Parlement et une dizaine de mois pour former un gouvernement? Une maison de retraite ? Un igloo? Un mausolée ? Une station spatiale désamarrée ? Clairement, un engin obsolète dont...

commentaires (12)

Hier c'était Ziad Makhoul avec l'édito du corbeau de mauvais augure.. Aujourd'hui c'est la belle plume de Cassandre.. Somme toute ça fout la déprime et l'angoisse de ne lire que des négativités en ce début de l'an nouveau .

Hitti arlette

16 h 31, le 03 janvier 2019

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Hier c'était Ziad Makhoul avec l'édito du corbeau de mauvais augure.. Aujourd'hui c'est la belle plume de Cassandre.. Somme toute ça fout la déprime et l'angoisse de ne lire que des négativités en ce début de l'an nouveau .

    Hitti arlette

    16 h 31, le 03 janvier 2019

  • Elle nous vient de Michel Aoun en personne. « Certaines formations politiques ont tenté de créer de nouvelles coutumes dans le processus de formation du gouvernement, des coutumes inconnues par le passé », a déclaré le chef de l’État. LA VRAI COUTUME EST DE NE JAMAIS CITER CLAIREMENT LES RESPONSABLES LE VRAI CRIME CONTRE LE LIBAN EST D'ACCEPTER CES NOUVELLES COUTUMES LE VRAI PROBLEME AUJOURDH'UI EST LE MANQUE DE COURAGE DE SIGNER UN MINISTERE COMME LE VOULAIENT LE PRESIDENT ET LE PREMIER MINISTRE DESIGNE BRAVO FIFI POUR CET EXCELLENT ARTICLE

    LA VERITE

    15 h 34, le 03 janvier 2019

  • SUPERBE LA DESCRIPTION , DE LOIN PLUS EXALTANTE QUE TOUS LES DECRYPTAGES &AUTRES ANALYSES, TELLEMENT VRAIE CLAIRE NETTE ET PRECISE ELLE EST.

    Gaby SIOUFI

    14 h 00, le 03 janvier 2019

  • un pays insolite qui fonctionne malgré tout, et qui laisse les analystes perplexes car personne ne comprend comment il fonctionne !!!

    lila

    13 h 35, le 03 janvier 2019

  • ON L,APPELLE, TRES CHERE MADAME FIFI... UN BORDEL !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 08, le 03 janvier 2019

  • La force de L'INTELLIGENCE et de LA FORCE, c'est la faculté qu'ont ces personnes à s'adapter. S'ADAPTER SERA LE CURSEUR SUR LEQUEL IL FAUDRA CLIQUER. GÉMIR, PLEURER RESSASSER À LONGUEUR DE JOURNÉE PROUVE UNE IMPUISSANCE À POUVOIR CHANGER LES CHOSES ET LE PIRE À USER SES PROPRES NERFS ET CELUI DES AUTRES AUTOUR DE SOI. C'est pas se faire acclamer par certains ébahis qui ferait avancer le schmilblick. Les peuples qui l'ont compris avant les AUTRES nous ont donné l'exemple à suivre. À nous de le faire.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 17, le 03 janvier 2019

  • Bravo Fifi tu excelles comme d habitude, tu dis tout sans offusquer personne.C'est trite ,tellement triste que rien ne va plus...les fêtes ,les réveillons,la sécurité ne nous enchantent plus.il faut effacer et tout recommencer.

    Salibi Andree

    10 h 37, le 03 janvier 2019

  • N'en faites pas (trop) Fi...fi!

    Tina Chamoun

    10 h 35, le 03 janvier 2019

  • " Mais le reste de l’année serait irrémédiablement terne si l’habitude du blocage ne nous avait entraînés à en faire fi, et poursuivre nos rêves envers et contre toutes les occasions ratées." Fifi Abou-Dib, c'est toujours un plaisir de vous lire! Et on peut faire fi de tout, sauf des articles de FIFI!

    Georges MELKI

    10 h 23, le 03 janvier 2019

  • Magistral, Madame Fifi Aou Dib ! Rien a ajouter, une description malheureusement bien réaliste de notre LIBAN NOUVEAU ET FORT... Bonne Année 2019 Madame ! Je vous le souhaite de tout coeur, Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 00, le 03 janvier 2019

  • Réponse simple: kitrik èl toubakhin... Depuis l'indépendance l'ingérence étrangère nous a meurtri et nous a volé des martyrs libanais en grand nombre. Ils n'étaient pas chrétiens, chiites, sunnites, Druzes, ou athés, etc. Ils étaient libanais et gênaient l'étranger. depuis les turcs les nasseriens les syriens les Israéliens les iraniens etc etc.aucune de nos générations n'a eu un répit pour former et respecter les institutions de ce pays. Malgré tout nous croyons toujours en notre Liban avec nos diversités qui, si l'étranger nous laissait en paix, serait notre richesse. C'est à nous de garder l'étranger en nous loin de notre patrie.

    Wlek Sanferlou

    02 h 37, le 03 janvier 2019

  • Top 10 des réveillons, et du Houmos SVP, il faut pas oublier le Houmos. Excellent article qui posent les bonnes questions ! Les finances d'un pays ne doivent pas comptez ad vitam ertnam sur l'aide des immigrés et les donations de pays étrangers.

    Shou fi

    00 h 55, le 03 janvier 2019

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