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Liban - Pacte mondial sur les réfugiés

Mireille Girard à « L’OLJ » : Le Liban respecte le principe du non-refoulement des réfugiés

La représentante du HCR au Liban se penche sur les messages principaux du pacte adopté hier à New York : la responsabilité partagée et la solidarité internationale.

La représentante du HCR au Liban, Mireille Girard. Photo A-M.H.

Le Liban s’est associé hier à New York au pacte mondial sur les réfugiés qui a été adopté par 181 pays lors de l’Assemblée générale des Nations unies, sans les États-Unis et la Hongrie, avec trois abstentions. Pour l’occasion, la représentante du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR), Mireille Girard, explique à L’Orient-Le Jour l’impact de ce pacte pour le Liban qui accueille toujours 950 334 réfugiés syriens officiellement enregistrés auprès de l’organisation internationale. Un impact qui ne peut qu’être positif pour le pays du Cèdre et l’ensemble des pays hôtes, car même s’il est non contraignant, ce pacte implique une responsabilité partagée des États envers les réfugiés, et donc une solidarité internationale meilleure envers les pays d’accueil de ces réfugiés. De telle sorte que chacun se sentira impliqué, non seulement les gouvernements, mais tous les acteurs d’une société. Rappelons que le Liban n’est pas signataire de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, pour avoir été malgré lui la terre de refuge de centaines de milliers de réfugiés palestiniens.


Pouvez-vous expliquer le pacte mondial sur les réfugiés ?

Le pacte mondial sur les réfugiés concerne uniquement les réfugiés qui ont fui leur pays pour des raisons de protection, de persécution ou de conflits, parce qu’au moment où ils ont fui, leur pays ne voulait pas ou ne pouvait pas leur offrir de protection, vu leur appartenance à un groupe politique, racial, social, ethnique, religieux, ou à cause d’un conflit d’envergure. Ces réfugiés ayant besoin d’une protection internationale, d’autres États ou la communauté internationale incarnée par le HCR leur assurent cette protection temporaire à l’extérieur de leur pays, tant qu’ils en ont besoin, et jusqu’à ce que des solutions soient trouvées pour qu’ils retrouvent une protection. Ils peuvent alors retrouver la protection de leur État d’origine (en cas de cessation d’un conflit) et rentrer chez eux en toute sécurité et dans la dignité, ou bénéficier de la protection d’un pays tiers qui leur offre l’asile. À l’issue de la crise syrienne, des pays tiers comme le Canada, l’Australie, les États-Unis ou des pays européens ont permis à des réfugiés, sur base de quotas, de commencer une nouvelle vie et de bénéficier d’une protection permanente. Le réfugié est à distinguer du migrant qui se déplace de son pays pour des raisons différentes, socio-économiques, climatiques, d’exploitation...


(Lire aussi : Le Liban s’associe, mais avec des réserves, au pacte mondial sur les migrations de l’ONU)


Pratiquement, comment se concrétise ce pacte pour les pays signataires, dont le Liban ?

Le pacte mondial sur les réfugiés résulte de la déclaration de New York de 2016 qui est une déclaration unanime de la communauté internationale confirmant la responsabilité internationale dans la situation des réfugiés. Un processus né des crises massives et successives de réfugiés dans le monde, avec la crise syrienne en point d’orgue. Ce pacte, qui est un élan de solidarité et un acte d’humanité envers les réfugiés, insiste sur la nécessité de se serrer les coudes et de réagir tous ensemble face à une telle situation. Autrement dit, de faire preuve d’une solidarité internationale à l’égard des réfugiés, mais aussi des pays hôtes comme le Liban, la Jordanie ou l’Irak. Il considère que les crises de grande ampleur ne peuvent être gérées par un État tout seul, mais que la responsabilité est collective. À titre d’exemple, 9 réfugiés sur 10 sont accueillis dans des pays à économie sous-développée ou moyenne. D’où la nécessité d’accorder aussi un soutien international et de grande ampleur à ces pays et à leurs communautés. Le pacte élabore donc les différentes actions que peut prendre chaque État, et non seulement les pays d’accueil, dans le cadre d’une réponse efficace visant à préserver la dignité des réfugiés. Ces réponses peuvent être étatiques, sous forme de financements, de quotas de réinstallation, de solidarité, ou émaner d’institutions sociétales et non étatiques, sous forme de bourses d’études, de formations professionnelles… Mais ce pacte n’est pas figé dans le temps, il peut évoluer. C’est la pratique qui nous montrera la voie.


La réponse envisagée à la crise des réfugiés syriens au Liban est-elle conforme au pacte ?

Le pacte mondial sur les réfugiés recommande des réponses qui prennent en compte la totalité du cycle de déplacement, depuis la fuite, la solidarité dès l’entrée aux frontières, l’organisation de la vie dans le pays hôte, les assistances aux communautés réfugiées et d’accueil, jusqu’à l’identification des solutions et leur mise en place. Sans cette vision globale, une réponse n’est pas complète. C’est dans ce sens que le HCR travaille depuis l’arrivée massive des réfugiés syriens au Liban en 2011. La réponse à la crise se poursuit toujours. Le Liban qui héberge un nombre massif de réfugiés syriens a effectivement bénéficié d’un soutien particulièrement important de la communauté internationale, au même titre que la Jordanie. Mais nous sommes encore loin d’avoir atteint les besoins exprimés, la crise étant particulièrement aiguë. De nombreux pays ont offert des quotas de réinstallation aux réfugiés du Liban les plus vulnérables. Mais ces quotas, qui dépassent à peine la moyenne mondiale de 1 % (18 279 réinstallations en 2016, 12 096 en 2017, 8 255 en 2018), sont encore loin de notre objectif de 10 %, malgré nos appels à la communauté internationale à redoubler d’efforts. Il est aujourd’hui question d’inviter les gouvernements à faire preuve d’imagination afin d’envisager de nouvelles formes de solidarité envers les réfugiés syriens, et le Liban notamment, en augmentant leurs quotas ou par le biais de programmes spéciaux, de prêts gratuits...

Il faut savoir que le pacte s’inspire de pratiques implantées avec succès dans la région ou ailleurs. Comme le fait de répondre aux défis de la crise à travers les services publics de l’éducation et la santé, même si, sur le plan médical, le manque de moyens n’a permis de traiter que les urgences. Cette spécificité libanaise fait bénéficier aussi bien les réfugiés que les nationaux, car elle permet de développer les infrastructures publiques. Sans compter que le refus des autorités libanaises d’installer les réfugiés syriens dans des camps a permis au HCR d’aider au même titre les populations locales et réfugiées, et de leur fournir une assistance efficace, de qualité et non discriminatoire. Cela va dans le sens du pacte mondial qui préconise que les réfugiés bénéficient au mieux d’autant de soins que les communautés hôtes. Ce qui a transformé la crise en opportunité.


(Lire aussi : La Syrie plus sûre que les pays hôtes des réfugiés, affirme l'ambassadeur syrien au Liban)


Pouvons-nous dire que le Liban a relevé le défi de l’éducation des réfugiés syriens ?

La réponse au besoin d’éducation des enfants syriens est un des exploits du Liban. Nous avons eu la chance que les écoles publiques libanaises ouvrent leurs portes l’après-midi pour les réfugiés syriens. Mais nous sommes encore loin de nos objectifs, et 250 000 petits réfugiés sont toujours non scolarisés, sur un total de 622 000 réfugiés syriens et non palestiniens entre 3 et 18 ans. Le problème est particulièrement grave dans l’enseignement secondaire, car les enfants préfèrent travailler pour aider leurs familles qui vivent dans une grande pauvreté. Les trois quarts de la population réfugiée syrienne vivent avec moins de 4 dollars par jour, et la moitié vit sous le seuil de pauvreté extrême avec moins de 3 dollars par jour. Pourrons-nous seulement récupérer ces enfants, si nous ne trouvons pas une solution économique à la pauvreté de leurs parents ?


Que préconise le pacte sur le retour des réfugiés ? Les conditions pour un retour sont-elles réunies ?

Le retour des réfugiés dans leur pays n’est pas conditionné par une solution politique. Parce que dans la pratique, beaucoup de réfugiés rentrent chez eux avant même toute solution. Le retour est un droit de la personne, au même titre que le droit de fuir son pays.

D’où la nécessité d’envisager les possibilités de retour dès le début d’une crise. C’est d’ailleurs ce que fait le HCR. Outre les programmes de réinstallation, destinés aux plus vulnérables, l’organisation commence à penser au retour, solution la plus envisagée pour la grande majorité des réfugiés, dans une situation de fuite massive. La première chose utile au retour est l’enregistrement des naissances, mais aussi des mariages, des divorces ou des décès. Cela nous permet d’identifier les besoins, de ne pas disperser les familles et d’être auprès d’elles à leur retour, pour soutenir leur intégration. Si les autorités libanaises facilitent aujourd’hui l’enregistrement des naissances des petits Syriens, au point que 94 % des naissances sont désormais documentées par les moukhtars, d’autres obstacles fondamentaux empêchent les réfugiés d’envisager de rentrer chez eux. Ils sont liés au recrutement militaire en Syrie, qui met en péril leur sécurité physique immédiate, et à la propriété. Le HCR est aujourd’hui engagé dans un dialogue avec les autorités en Syrie, pour éliminer ces obstacles. Un travail de longue haleine, qui voit le concours des communautés humanitaire et internationale. La loi 10 sur la propriété qui avait suscité tant d’anxiété parmi les réfugiés est aujourd’hui en cours d’être révisée.

Autre obstacle au retour des réfugiés syriens : le HCR, qui a 8 bureaux en Syrie et travaille donc des deux côtés de la frontière, n’a pas un accès immédiat à nombre de régions. Il est contraint de demander un droit de visite, ce qui peut prendre plusieurs mois. Or dans un contexte de retour, il est important pour l’organisation de rendre visite aux réfugiés afin d’évaluer leurs besoins, de leur accorder des aides humanitaires et une réhabilitation de base, de même qu’aux communautés qui ne sont jamais parties. Sur ce point également, nous discutons avec les autorités syriennes pour organiser l’accès humanitaire illimité aux personnes, et mettre en place des systèmes qui permettront aux réfugiés de récupérer leurs biens et leurs documents. Ce processus est en bonne voie.


Les autorités libanaises encouragent déjà le retour des réfugiés syriens. Le HCR est-il en litige avec le Liban sur ce point ?

Le Liban respecte ses engagements. Il parle de retour sécurisé dans la dignité, comme le reste de la communauté internationale. Il rejoint donc ce qui est dit dans le pacte sur les réfugiés. Ce pacte respecte aussi la vision du Liban qui a participé très activement aux discussions. Cela va continuer dans les années à venir, nous l’espérons.

Il est important de souligner que le Liban et les réfugiés tiennent le même discours. Qu’à terme, ils doivent rentrer chez eux. 88 % des réfugiés syriens du Liban ont exprimé ce souhait. Les autorités libanaises se sont par ailleurs engagées à ne pas organiser de retour forcé des réfugiés. Elles respectent donc les principes du non-refoulement et le clament haut et fort.

Aujourd’hui, les mesures mises en place par le Liban sont considérées comme une bonne pratique internationale, plus particulièrement en matière d’enregistrement des naissances. Même si ce taux demeure faible dans les zones rurales.


Pour mémoire

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commentaires (2)

LE NON REFOULEMENT DES SYRIENS PAR LE LIBAN VERS LEUR PAYS EST UN SUICIDE POUR LES LIBANAIS !

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 01, le 18 décembre 2018

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Commentaires (2)

  • LE NON REFOULEMENT DES SYRIENS PAR LE LIBAN VERS LEUR PAYS EST UN SUICIDE POUR LES LIBANAIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 01, le 18 décembre 2018

  • Nous remercions Mireille Girard de nous avoir remerciés.Vous respectez que le Liban respecte le principe du non-refoulement des réfugiés. Dans peu d'année, il ne restera plus de Libanais au Liban pour vous remercier.

    Un Libanais

    10 h 53, le 18 décembre 2018

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