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Liban - Décryptage

Le dossier des déplacés syriens entre le Vatican et le Liban

La petite phrase du chef de la diplomatie du Vatican, le cardinal Paul Richard Gallagher, devant la délégation libanaise qui accompagnait le patriarche maronite, le cardinal Raï à Rome, a surpris les présents. Invitant la délégation libanaise à faire preuve de réalisme, le cardinal Gallagher a déclaré que le président Assad reste au pouvoir en Syrie et ne veut pas le retour des réfugiés dans son pays. C’est pourquoi le Liban doit gérer au mieux ce dossier sans prévoir le retour des déplacés dans un proche avenir.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette phrase a eu l’effet d’une douche froide sur les présents, parmi lesquels plusieurs députés libanais de toutes les tendances politiques et de toutes les confessions. D’autant qu’elle intervient après la visite au Liban du cardinal Leonardo Sandri à la mi-novembre. Ce dernier s’était entretenu avec les différentes parties chargées du dossier des déplacés syriens et il avait même participé à des conférences sur le sujet à l’USEK. Il avait ainsi écouté les points de vue officiel et officieux libanais sur l’incapacité du Liban à supporter le poids des déplacés et il avait exprimé son soutien au processus du retour déclenché par les Libanais.

La phrase lancée par le chef de la diplomatie vaticane est donc en contradiction totale avec le climat positif laissé par la visite du cardinal Sandri à Beyrouth. Non seulement, le cardinal Gallagher invite les Libanais à composer avec la présence des réfugiés syriens pour une longue période, mais il attribue aussi l’impossibilité du retour au refus du président syrien de les accueillir. Ce qui ne correspond pas au climat général rapporté par des parties libanaises qui s’occupent de ce dossier, qu’il s’agisse de la Sûreté générale, dont le directeur est officiellement chargé des négociations avec le régime syrien, ou encore du Hezbollah, qui a installé des centres dans plusieurs endroits au Liban, pour recevoir les demandes de retour des déplacés. Le processus a d’ailleurs commencé et jusqu’à présent, selon la Sûreté générale, plus de 50 000 Syriens, installés dans toutes les régions du Liban, sont rentrés chez eux, après avoir régularisé leurs papiers avec les autorités syriennes.


(Lire aussi : Proposition de loi de Bassil pour durcir les conditions d’entrée des étrangers)


Une partie du Liban officiel – qui est en contact avec les autorités syriennes à travers la personne du directeur de la Sûreté générale et de certains ministres qui se sont rendus récemment à Damas, sans parler de la rencontre à New York du ministre libanais des Affaires étrangères Gebran Bassil avec son homologue syrien Walid Moallem – considère ainsi avoir réussi à pousser les autorités de Damas à prendre des mesures destinées à encourager le retour des déplacés syriens chez eux. Il s’agit principalement de deux décrets présidentiels, le premier portant sur une amnistie générale à l’égard des déserteurs de l’armée syrienne réfugiés hors de Syrie et le second consistant dans le gel de la loi numéro 10 sur la propriété foncière. De plus, le régime syrien a donné un délai de six mois aux jeunes déplacés pour être rapatriés avant de devoir rejoindre l’armée pour le service militaire obligatoire. De même, le ministre syrien de l’Administration locale, Hussein Makhlouf, a été officiellement chargé de ce dossier, alors que les médias syriens accordent une couverture importante aux groupes de déplacés qui rentrent en Syrie, à partir du Liban et de la Jordanie. Même le Premier ministre, Imad Khamis, a effectué une visite à la frontière syrienne avec le Liban pour saluer le retour des déplacés dans leur pays.

Dans cette optique, des responsables libanais de ce dossier considèrent que les autorités syriennes cherchent à faciliter le retour, non à l’entraver. Selon des sources officielles du ministère libanais des Affaires étrangères, les informations véhiculées par le ministre d’État sortant pour les Affaires des réfugiés, Mouïn Merhebi, au sujet de l’assassinat par les autorités ou par leurs milices d’une famille de réfugiés rentrés chez eux, sont totalement fausses. Selon ces mêmes sources, il n’y a eu aucun drame de ce genre. Et si la voiture d’un des déplacés de retour dans son village a été incendiée, il s’agissait d’un conflit entre tribus, non un acte d’intimidation de la part du régime. À l’exception de M. Merhebi, les autorités libanaises en charge de ce dossier restent convaincues que le régime syrien accueille favorablement le processus du retour. Et s’il y a des réserves, elles sont dues à des questions de forme, non de fond, le régime syrien étant convaincu que le retour des déplacés syriens chez eux est une carte qui joue en sa faveur. C’est d’ailleurs pourquoi il avait accueilli favorablement l’initiative russe, qui s’est arrêtée à cause du blocage occidental. La communauté internationale refuse en effet de financer le retour massif des déplacés syriens. Le Liban en est donc réduit à procéder à ce retour au compte-gouttes, mais il estime que le blocage vient des Occidentaux et de certains pays arabes. D’une part, les États-Unis semblent lier leur appui à ce processus au retrait des forces iraniennes et alliées de Syrie et d’autre part, les pays de l’Union européenne refusent de favoriser le retour des réfugiés sans solution politique, rejetant l’idée selon laquelle la guerre en Syrie pourrait se terminer comme elle avait commencé, sans le moindre changement dans la structure du pouvoir.


(Lire aussi : « Des déplacés syriens rentrés chez eux ont été tués par le régime Assad », affirme Mouïn Merhebi)


C’est donc là, aux yeux des responsables libanais, le véritable problème qui entrave le retour des déplacés syriens et qui les oblige à lancer ce processus au compte-gouttes. Il faut toutefois signaler qu’au cours de sa dernière visite en Pologne, le ministre des Affaires étrangères a soulevé ce problème et il a réussi à convaincre les autorités polonaises (ce pays étant à la fois membre de l’Union européenne et de l’OTAN) d’appuyer la position du Liban en faveur d’un retour sûr et volontaire, sans attendre la solution politique. Les autorités polonaises ont en principe promis de participer au financement de ce retour, dans la mesure de leur contribution, par le biais de l’installation en Syrie de maisons préfabriquées destinées à ceux qui n’ont plus de toit pour les abriter. La Pologne aurait aussi promis de mettre ce point en tête des priorités en matière d’aide humanitaire pour l’année 2019.

Après toutes ces considérations, la phrase du cardinal Gallagher ne pouvait donc qu’étonner les Libanais. Elle montre en tout cas que ce dossier est bien plus compliqué qu’on ne le croit et qu’il est partie intégrante du bras de fer régional et international.


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commentaires (6)

90000 syriens sont rentrés chez depuis juillet donc Grosso modo 200000 rentrent par an et 300000 naissent donc une augmentation de la population syrienne au Liban d'environ 10 pour cent par an... Quelques soient les déclarations de n'importe qui, je vais apprendre le syrien pour mieux m'intégrer dans le Liban de demain. Ou d'aujourd'hui?

Wlek Sanferlou

16 h 00, le 24 novembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • 90000 syriens sont rentrés chez depuis juillet donc Grosso modo 200000 rentrent par an et 300000 naissent donc une augmentation de la population syrienne au Liban d'environ 10 pour cent par an... Quelques soient les déclarations de n'importe qui, je vais apprendre le syrien pour mieux m'intégrer dans le Liban de demain. Ou d'aujourd'hui?

    Wlek Sanferlou

    16 h 00, le 24 novembre 2018

  • L’article a oublier de dire que les syriens de retour étaient accueillis avec des couronnes de fleurs et la fanfare, surtout pas expropriiés ou spoliés , leur maisons reconstruites par le régime et un emploi à la clef. ... bref le rêve

    L’azuréen

    13 h 13, le 24 novembre 2018

  • La position du Pape sur les migrants et les réfugiés soulève de nombreuses questions. On se demande bien quel est son rôle dans cette histoire...

    NAUFAL SORAYA

    10 h 06, le 24 novembre 2018

  • POURQUOI LES MOUMANA3ISTES NE FINANCENT PAS LE RETOUR DES REFUGIES ET LA RECONSTRUCTION DE LA SYRIE EUX QUI L,ONT DETRUITE COMPLETEMENT ET ATTENDENT LES AIDES DES OCCIDENTAUX ? VOUS L,ETES-VOUS DEMANDE TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD ? CEUX QUI VONT FINANCER IMPOSERONT LEURS CONDITIONS QUAND A L,AVENIR DE LA SYRIE ET A LA PRESENCE SUR SON SOL DES IRANIENS ET DE LEURS MULTIPLES ACCESSOIRES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 07, le 24 novembre 2018

  • "...les pays de l'Union européenne refusent de favoriser le retour des réfugiés syriens sans solution politique...etc." En quoi cela les concerne-t-il, ces hypocrites et lâches Européens, y-compris ce cardinal Paul Richard Gallagher, lui bien calfeutré dans son Vatican ? Qu'ont-ils fait jusqu'à présent de positif pour ces réfugiés syriens au Liban...et aident-ils notre pays à supporter le poids de leur présence ? Et pourquoi aller encore visiter ces "résidents soi-disant chrétiens" du Vatican, qui ne connaissent rien de la vie quotidienne du simple citoyen, que ce soit en Europe ou chez nous au Liban ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 51, le 24 novembre 2018

  • Ce maudit complot ne prendra jamais fin tant que les COMPLOTEURS OCCIDENTAUX alliés aux BENSAOUDS sous influence disrael ne reconnaîtront pas leur défaite face aux forces de la résistance. Loosers et mauvais perdants.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 06, le 24 novembre 2018

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