Un article publié dans l’édition de L’Orient-Le Jour datée du 3 décembre critiquait le mouvement des gilets jaunes, soulignant notamment, en substance, que la remise en question de la politique d’Emmanuel Macron n’est pas légitime et qu’il n’y a pas de dictateur à faire tomber en France ou d’État policier « prompt à vous faire disparaître à la moindre critique ».
C’est vrai, il n’y a pas de « dictateur à faire tomber » en France. Bien évidemment, à une époque où – il est juste de le dire – les mots perdent de leur sens, qualifier Emmanuel Macron de dictateur serait une faute morale vis-à-vis de tous les peuples vivant sous la tyrannie. Pourtant, il est indéniable que la France s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’autoritarisme. Ainsi, on a pu voir samedi dernier des manifestants roués de coups au sol, pendant de longues minutes, dans un fast-food où ils s’étaient réfugiés. On a pu voir des journalistes intimidés par des CRS ou encore les images abjectes de 150 lycéens mineurs, mis à genoux, en rang, les mains sur la tête. Et c’est sans parler de l’affaire Benalla, qui a révélé la volonté d’Emmanuel Macron de constituer une milice privée à son service.
Oui, il existe dans notre pays une école de qualité, gratuite, et des services de santé remboursés par l’État. Mais c’est justement pour préserver cet héritage pour lequel nos aïeux se sont battus que les Français sont aujourd’hui dans la rue. Ainsi, concernant l’éducation, le plan gouvernemental, ironiquement intitulé « Bienvenue en France », multipliera par dix les frais d’inscription dans les universités publiques françaises pour les étudiants étrangers. Cette mesure impactera directement les jeunes Libanais désirant poursuivre leurs études en France. Quant à nos services de santé, ils sont de moins en moins performants faute de moyens : les hôpitaux manquent de médecins et les infirmiers et les aides-soignants sont à bout tant la charge de travail est immense, tandis que les effectifs baissent. Enfin, dire que l’État vient en aide aux plus démunis est d’un cynisme sans nom quand 3 000 personnes meurent chaque année dans la rue dans la cinquième puissance économique du monde.
Paraphrasant la devise d’un palmipède bien connu en France, on peut dire que « la démocratie ne s’use que quand on ne s’en sert pas ». C’est bien pour la défendre que les gilets jaunes se mobilisent face à un président qui impose des lois contraires à l’intérêt général et aux volontés des citoyens. Le constat est sans appel : tous les sondages indiquent qu’une majorité de Français soutiennent le mouvement. Un mouvement qui justement réconcilie les Français entre eux : jeunes et vieux ; parisiens, banlieusards et provinciaux ; sans diplômes et bac +5 ; électeurs de la droite comme de la gauche : c’est le peuple entier qui se réunit sous l’habit jaune. Ce mouvement réconcilie également les Français avec la politique : pour la première fois depuis bien longtemps, les gens formulent des propositions pour transformer la société, débattent entre eux et surtout retrouvent espoir. Le peuple français ne veut pas le retour « à une époque fantasmée où tout était forcément mieux », il veut construire son futur en retrouvant sa souveraineté. Sa souveraineté qui a été confisquée par une petite élite dont la population ne veut plus et par une technocratie européenne qui n’a pas été élue et qui impose le diktat de la concurrence libre et non faussée, celle-là même qui n’a fait qu’appauvrir l’immense majorité des gens. Car la politique du « jeune libéral et pro-européen » n’est en fait qu’une nouvelle recette de la même soupe qui est servie aux peuples depuis maintenant quarante ans : Emmanuel Macron n’est que le nouveau visage d’une Margaret Thatcher, d’un Gerhard Schröder ou d’un Tony Blair. Supprimant sans aucune contrepartie l’impôt sur la fortune tout en augmentant les impôts des petites gens, des retraités, des étudiants et des travailleurs, l’image de « président des riches » n’est pas une illusion mais un fait qu’aucune « pédagogie » ne peut désormais plus camoufler.
Lassés du discours médiatique qui a permis son élection, lassés de ne plus être entendus par ses élites, lassés du mépris et de l’arrogance dont ils sont l’objet, « les gens qui ne sont rien » ont décidé de remettre en question leur place dans une société qu’ils veulent plus juste. Ainsi, ce n’est plus seulement le retrait des taxes sur le carburant qui est exigé mais des impôts sur les personnes et les sociétés mieux répartis, des retraites et des allocations pour les handicapés à la hauteur du salaire minimum, la gestion collective de l’eau, de l’électricité ou des transports, des moyens pour l’enseignement, des référendums d’initiative populaire et même un meilleur traitement des demandeurs d’asile ! Où est l’autoritarisme ? Où est la réaction ? Évidemment, on ne peut que regretter la casse gratuite et les pillages. Il est malheureusement inévitable que dans de tels mouvements, certaines personnes malintentionnées profitent de la situation... Mais qu’est-ce que cette violence comparée à la violence sociale que subissent des familles entières depuis des décennies ? Qu’est-elle face à la répression des forces de l’ordre contre les manifestants ?
Depuis maintenant plusieurs semaines, le peuple français a su montrer au monde qu’il n’a rien perdu de sa tradition d’insoumission. Le peuple français est un peuple qui ne se soumet pas, fidèle à sa toute première Constitution qui proclamait que « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». Par le mouvement des gilets jaunes, la France peut à nouveau jouer son rôle de phare du progrès dans le monde.
Étudiant français
commentaires (4)
Article très mélenchonniste, y compris dans ses envolées lyriques sur la grandeur de la France et l'"insoumission" de son peuple.
Marionet
00 h 28, le 15 décembre 2018