Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Marwan Chamaa, Batman, Superman et les autres...

Le pop art pourrait sembler très simple, basé sur les détails d’un objet ou d’un visage. Il faut une minute pour regarder un tableau pop, mais il en faut bien plus pour capter le message. À la galerie Mark Hachem*, le tout est de prendre son temps.

Marwan Chamaa se caractérise pour son goût du mélange aussi bien dans l’héritage du cubisme que dans le rock, la bande dessinée, la pub, la presse ou la mode.

Parce que le monde de la communication instantanée est obsédé par le message publicitaire et le marketing médiatique, parce que les œuvres artistiques ont cette force de témoigner d’une conscience politique, sociale et économique, parce que l’art s’affirme, s’engage politiquement et dénonce certains pouvoirs à l’idéologie sous-jacente, le pop art s’est hissé au rang des arts majeurs. Il ne s’agit plus de brouillons et d’à-côtés aux couleurs éclatantes accrochés sur les murs ni d’une imagerie simplifiée et aplanie, ni de combinaisons textes-images, mais d’un véritable témoignage sur l’individu d’aujourd’hui et d’une volonté plus explicite de révéler tantôt le dysfonctionnement social de la société de consommation de ce siècle, tantôt une réalité à laquelle le monde moderne adhère et contribue. Une réalité à laquelle participe Marwan Chamaa, pour qui cette démarche ne procède pas nécessairement d’une intention critique mais plutôt d’un désir de favoriser l’expression de la culture de masse dans les beaux-arts et d’accréditer l’influence qu’a sur les artistes la circulation pléthorique des images, reflet d’un modèle économique fondé sur la consommation et le spectacle. C’est avec beaucoup d’humour qu’il déroule ses déclarations picturales à la manière d’un conteur humble, jovial et heureux de vivre.

Citoyen du monde

Il est presque impossible de se pencher sur cette génération d’artistes libanais nés dans les années 60 sans évoquer la guerre et ses affres. Elle a éloigné ou rapproché, mais elle a toujours été un vecteur important dans le tracé des destinées. Marwan Chamaa est né au Liban en 1964, au sein d’une famille d’artistes. Un départ précipité pour Munich et des valises préparées pour deux semaines, le temps que le bruit des canons se taise, s’avérera être un mauvais calcul. En Allemagne où la famille s’établit, Marwan Chamaa s’acclimate parfaitement, apprend la langue et accomplit ses études scolaires, avant de rentrer à Beyrouth dans les années 80 pour décrocher son bac. Il commence par étudier l’art à l’Université américaine de Beyrouth, alterne ses études universitaires avec de petits boulots comme pour l’entreprise de son père, où il se charge des livraisons sur sa petite mobylette. Il poursuit son parcours à la BUC avec une licence en advertising design pour ensuite rejoindre la Corcoran School of Art de Washington pour un semestre. Sa carrière prend son départ très tôt au milieu des années quatre-vingt-dix et continue d’évoluer jusqu’à ce jour.

À l’entrée de la galerie Mark Hachem, une série de tableaux exigent un arrêt et une lecture prolongée. « C’est lors du passage à New York d’un copain venu d’un petit bourg en Allemagne que l’idée m’est venue de reproduire en une narration picturale nos journées passées ensemble. Avec la collaboration du photographe Carlos René Perez, mon voisin à l’époque, des petits morceaux de vie se déclinent sur les toiles alors qu’on sillonne les rues à deux. » La vie chaotique new-yorkaise alimente l’imaginaire de l’artiste. Des petits restaurants indiens ou chinois à la station de métro de Times Square, en passant par la Union Station où ils s’arrêtent pour manger un sandwich de falafel sur leur chemin. À Little Tokyo, ils croisent Superman et Robin amoureux de Batman, alors que Spiderman fait interruption au restaurant pour voler un plat de madras. De l’univers de la bande dessinée et des références pop’art, à l’esprit du consumérisme qui détermine l’identité collective, l’artiste se caractérise par son goût du mélange aussi bien dans l’héritage du cubisme que dans le rock, la bande dessinée, la pub, la presse ou la mode. De celle-ci, il a retenu l’hégémonie du monogramme ou logo emblématique. Il le décline et le mêle aux initiales des personnalités qu’il peint en dénonçant d’une façon subliminale la commercialisation de tout et de n’importe quoi. « Aujourd’hui, dit-il, vous pouvez vous inscrire à un cours de yoga et vous retrouver avec des matelas au sol estampillés LV. Alors pourquoi ne pas les représenter sur un portrait de Staline comme pour commercialiser le communisme ou sur celui de JFK pour honorer le capitalisme ? » Pour l’artiste, le cynisme n’est pas de mise, mais une certaine réalité qui a servi, à chaque époque, à des fins qu’il n’est pas en mesure de juger. Son mélange racial et culturel procède de la nécessité de favoriser un geste et un mélange esthétiques.

En puisant dans un répertoire aussi vaste que la calligraphie arabe pour le portrait d’Oum Kalsoum ou du monde des superhéros, c’est son art seulement qu’il sert. Marwan Chamaa réussit à offrir une restitution subjectivisée, sensible et incarnée de la profusion visuelle qui caractérise les sociétés d’aujourd’hui. Sauf que depuis qu’il a pris sa retraite anticipée pour se consacrer à sa passion, le métier qu’il préfère par-dessus tout reste celui de papa au foyer d’une petite fille qui peut-être marquera un jour un tournant dans son style artistique.

Galerie Mark Hachem

Imm. Capital Gardens, rue Rafic Salloum, centre-ville de Beyrouth.

« Retro-per-spective », jusqu’au 8

décembre 2018. Tél. 961 1 999313.

Parce que le monde de la communication instantanée est obsédé par le message publicitaire et le marketing médiatique, parce que les œuvres artistiques ont cette force de témoigner d’une conscience politique, sociale et économique, parce que l’art s’affirme, s’engage politiquement et dénonce certains pouvoirs à l’idéologie sous-jacente, le pop art s’est hissé au rang des...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut