L'annonce a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans les milieux des étudiants étrangers en France. Lundi, le gouvernement d’Édouard Philippe a annoncé son intention d'augmenter les frais d'études dans les universités publiques pour les extra-européens. En contre partie, a expliqué le Premier ministre, l'Etat s'engage à "améliorer" la politique des visas et à offrir davantage de bourses. Officiellement, cette décision, qui n'a toujours pas été publiée au journal officiel, est censée favoriser l'attractivité des universités françaises.
Actuellement, les étudiants extra-européens (une centaine de milliers) paient les mêmes frais que les étudiants français, soit 170 euros pour une année de formation en licence, 243 euros en master et 380 euros en doctorat, rappelle l'AFP. Mais à partir de la rentrée 2019, ils devront s'acquitter de 2.770 euros en licence et 3.770 euros en master et doctorat, selon le gouvernement.
Si M. Philippe a défendu un "choix mesuré", les deux principaux syndicats étudiants français, la Fage et l'Unef, ont vivement critiqué cette décision. Dans les milieux libanais en France, la décision n'est pas passée inaperçue. De nombreux étudiants libanais dans les universités publiques françaises s'inquiètent pour leur avenir académique.
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Sandrine, une Libanaise de 20 ans en troisième année de Sciences de l’Éducation à l'Université Paris Descartes, paie actuellement environ 430 euros par an en frais d'études. "Cette décision est injuste. Je ne sais pas comment faire si les frais passent à 2.770 euros. Je vais devoir probablement me trouver un job étudiant", confie-t-elle. "Ça va être difficile de poursuivre ma spécialisation en France avec ces nouveaux frais. Je ne sais pas si je pourrai le faire", s'inquiète-t-elle.
Soha Kassem, une Libanaise qui effectue sa deuxième année de Master en ressources humaines à l'Université Paris-Est Créteil (UPEC), se dit, pour sa part, "révoltée". "Cette augmentation est énorme et scandaleuse! La France a toujours été le pays de l'égalité pour tous. Taxer des étrangers juste parce qu'ils ne sont pas européens est inacceptable. C'est même hypocrite". Elle déplore l'état actuel des universités publiques en France, et trouve injustifié de devoir payer près de 3.000 euros pour étudier au sein de ces établissements.
Johnny, un Libanais de 24 ans, n'est pas du même avis. Étudiant en dernière année à l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées, et donc pas impacté par la hausse des frais, il paie environ 900 euros par an pour ses frais d'études. "Les Français ne sont pas obligés de payer des impôts afin de couvrir les frais d'études des étudiants étrangers, qui bénéficient déjà de nombreuses allocations sociales. Les Libanais sont souvent prêts à débourser 15.000 dollars par an en frais d'études dans les universités au Liban. Pourquoi, dès lors, ne pas payer 3.000 euros par an en France ?".
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Suite à une initiative de Layal Massara, une Libano-Française qui préside l’association AquiCèdre, et d’Alain Fouladkar, président du Réseau des Franco-Libanais Académiques et Profession (FLAP), un communiqué a été diffusé auprès des étudiants libanais souhaitant continuer leurs études en France ou déjà inscrits. Ce communiqué tire la sonnette d'alarme. "Ce qui est choquant, c'est le taux énorme de l'augmentation et le timing tardif de cette décision" à l'approche de l'année académique 2019-2020, dit Mme Massara. "Si cette augmentation est officialisée, beaucoup d'étudiants libanais de la classe moyenne en France seront impactés, contrairement aux étudiants des classes aisées", poursuit la présidente de l’association AquiCèdre. "De nombreux étudiants libanais verront leurs choix limités. Certains d'entre eux envisagent déjà de renoncer à poursuivre leurs études en France".
Les contours de l'annonce de M. Philippe "ne sont toujours pas clairs", tempère toutefois Layal Massara : "Pour l'heure, la décision d'augmenter les frais d'études n'a toujours pas été publiée au journal officiel". Mais les questions sont nombreuses : l'augmentation va-t-elle toucher les étudiants extra-européens qui sont déjà installés en France et ont déjà entamé leurs études, ou sera-t-elle limitée aux nouveaux arrivants inscrits pour l'année académique 2019-2020? Qu'en est-il des étudiants qui passent d'un cycle à un autre ? "Des versions contradictoires circulent, remarque Layal Massara. Il faut clarifier tout cela".
Quant à l'amélioration de la politique des visas et la hausse du nombre de bourses que l'Etat français compte octroyer aux étudiants extra-européens, Layal Massara se montre dubitative. "Comment cela va-t-il se faire concrètement? " Elle fait savoir enfin que le Réseau FLAP et AquiCèdre sont en contact avec d'autres associations concernées par cette question et rencontreront l'ambassadeur du Liban en France, afin de discuter de la situation. "Nous cherchons donc les moyens d'obtenir une sorte d'exception pour les étudiants libanais, avec l'aide de l'ambassade du Liban", explique Layal Massara.
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Je propose que les libanais qui ne peuvent plus se permette de payer 2 à 3k€ de frais de scolarité en France, plient bagages et rentrent au bercail. Le Liban a besoin d’eux, et eux ont besoin de lui. 15k$ de scolarité par an. Cadeau. Arrêtez de râler sérieusement ... vivement que les français de l’étranger soient soumis à l’IR Français. Peut être passerez vous moins de temps à parler et plus de temps à travailler. A la petite jeune qui va être « obligée de se trouver un boulot » pour payer ses études, je dis bienvenue dans la vraie vie ...
23 h 38, le 24 novembre 2018