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À La Une - Justice

Ghosn sur le point d'être écarté, l'alliance Renault-Nissan fragilisée

Du côté des autorités japonaises et françaises, un seul mot d'ordre: "la stabilité de l'alliance" Renault-Nissan-Mitsubishi Motors.

Carlos Ghosn, lors d'une conférence de presse au Salon de l'auto à Paris, le 1er octobre 2018. REUTERS/Regis Duvignau

Toujours en garde à vue au Japon sur des soupçons de malversation, Carlos Ghosn est sur le point d'être démis de ses fonctions à la tête de Renault, une chute brutale suscitant des interrogations sur l'avenir de l'empire automobile qu'il a construit en mariant Renault, Nissan et Mitsubishi Motors.

Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire a demandé mardi à Renault, dont l'Etat détient 15%, de mettre immédiatement en place une gouvernance intérimaire puisque "M. Ghosn est aujourd'hui empêché de diriger l'entreprise".

Le conseil d'administration de Renault, qui doit se réunir dans la soirée, devrait confier les rênes du constructeur à un tandem intérimaire formé par l'administrateur référent Philippe Lagayette et le numéro deux du groupe automobile Thierry Bolloré, a-t-on appris de source proche du dossier. Le conseil d'administration de Nissan se prononcera lui sur le limogeage de son président jeudi matin. Mitsubishi Motors (MMC) entend également le "démettre rapidement".

Lâché de toutes parts, Carlos Ghosn, qui était considéré à 64 ans comme l'un des plus puissants capitaines d'industrie au monde, est toujours détenu à Tokyo, où il a été arrêté lundi en descendant de son jet privé.

Le parquet japonais reproche au Franco-libano-brésilien d'avoir "conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015", en ne déclarant que 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d'euros au cours actuel) contre près de 10 milliards de yens sur la période.

Dans une conférence de presse d'une brutalité hors norme, le président exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, a également mentionné lundi "de nombreuses autres malversations, telles que l'utilisation de biens de l'entreprise à des fins personnelles", qui auraient été découvertes après plusieurs mois d'enquête interne.

Selon les médias locaux, une filiale de Nissan a financé l'achat de luxueuses résidences dans quatre pays, dont le Liban, propriétés dans lesquelles M. Ghosn se rendait gratuitement à sa guise. Il aurait en outre, selon la chaîne publique NHK, empoché des sommes déclarées au nom d'autres administrateurs.

La rémunération de ce patron aussi puissant que secret a déjà donné lieu à bien des polémiques, tandis que son train de vie a également pu susciter des commentaires, à l'image par exemple de sa réception de mariage en grande pompe au château de Versailles en 2016.

Carlos Ghosn touchait quelque 15 millions d'euros par an au titre de ses diverses fonctions, un montant particulièrement élevé pour un industriel européen ou japonais, bien que très éloigné des faramineux salaires versés par exemple dans la finance aux Etats-Unis.


(Portrait : Carlos Ghosn, la chute d'un symbole)


Fragile équilibre

Au-delà du sort personnel de M. Ghosn, c'est toute l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, dont il orchestrait le fragile équilibre, qui tangue suite à ce coup de tonnerre.

Il n'y a qu'à entendre les mots très durs du patron de Nissan, M. Saikawa, contre celui qui fut son mentor, et une figure très respectée au Japon: "C'est un problème que tant d'autorité ait été accordée à une seule personne", a-t-il lâché, dénonçant "le côté obscur de l'ère Ghosn".

"Il est cupide. A la fin, ce n'est qu'une question d'argent", lançait aussi un responsable de Nissan dans le quotidien Yomiuri. "Il demandait à ses subordonnés de remplir des objectifs difficiles, mais lui-même continuait à percevoir un salaire élevé même quand les activités de Nissan n'allaient pas si bien", ajoute le journal.

L'affaire survient au moment où le PDG de l'ensemble aux 10,6 millions de véhicules travaillait à rendre les liens "irréversibles" entre Renault et Nissan, a commenté dans une note Kentaro Harada, analyste chez SMBC Nikko Securities. "Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que l'alliance se retrouve affaiblie". "Cela va-t-il changer l'équilibre du pouvoir (entre les parties française et japonaise), c'est la principale question", souligne-t-il.

L'agence de notation Standard and Poor's a d'ailleurs annoncé mardi qu'elle envisageait de baisser la note de la dette à long terme de Nissan, en raison en particulier des doutes autour de ce mariage à trois. De son côté, Renault tentait de se montrer rassurant, affirmant mardi soir vouloir continuer à faire progresser son alliance avec ses partenaires.

De même, les gouvernements français et japonais ont réaffirmé mardi dans un communiqué commun leur "important soutien" à l'alliance entre les constructeurs Renault et Nissan. A Paris, le titre Renault a terminé sur un recul de 1,19%, après avoir déjà dévissé de plus de 8% lundi.

Les actions des constructeurs japonais ont souffert mardi à Tokyo, clôturant en baisse de 5,45% pour Nissan et de 6,84% pour MMC.



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commentaires (8)

Et l'ambassadeur du Liban à Tokyo, il est allé voir son compatriote pour l'assurer de son soutien comme l'a fait l'ambassadeur français ?

Marionet

00 h 05, le 21 novembre 2018

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Commentaires (8)

  • Et l'ambassadeur du Liban à Tokyo, il est allé voir son compatriote pour l'assurer de son soutien comme l'a fait l'ambassadeur français ?

    Marionet

    00 h 05, le 21 novembre 2018

  • Les japonais n'appreciaient pas que Nissan et Mitsubishi soient aux mains d'européens. Cette histoire instrumentalisé par eux mêmes va les aider à reprendre leurs biens . Ils vont réclamer le divorce contre la tête de Ghosn.

    pomme de pin

    23 h 38, le 20 novembre 2018

  • C'est simplement un lynchage des japonais. Son inculpation va trop vite à la charge pour être honnête. Carlos Ghosn est victime d'une véritable cabale.

    FRIK-A-FRAK

    20 h 18, le 20 novembre 2018

  • Dommage un coup monter car politique économique ou politique tout court oblige

    Bery tus

    20 h 00, le 20 novembre 2018

  • LORSQU,ILS CROIENT QU,IL LEUR POUSSE DES AILES A CERTAINS ET ILS VEULENT VOLER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 59, le 20 novembre 2018

  • Il y a certainement un coup de l’enfant sauvé ( nissan) sur son père ( Renault ) . Les japonais sont hypers chauvins !

    L’azuréen

    16 h 21, le 20 novembre 2018

  • Un possible « coup » visant à re-japoniser par la force la direction du groupe et à défaire l’Alliance Nissan-Mitsubishi-Renault.DIXIT le FT. Ou prendre le contrôle en japonisant Renaud. Dans le business pas de pitié. Un vraie cas d'école.

    DAMMOUS Hanna

    14 h 44, le 20 novembre 2018

  • Ce matin la plus part des stations radios nationales en France évoquaient largement un profond désaccord entre Carlos Ghosn et des dirigeants japonais chez Nissan. Un cocktail de jalousie mais aussi une difficile acceptation de la part de Nissan le contrôle de Renault sur ce dernier. Ma question est déjà posée : le prochain PDG sera-t-il français ou japonais ? On pense que Nissan veut prendre le contrôle de Renault .... L'enfant sauvé d'hier, désir prendre la place de son protecteur.

    Sarkis Serge Tateossian

    10 h 29, le 20 novembre 2018

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