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Liban - Décryptage

La rencontre de Baabda : calmer le jeu en attendant la solution

Avant le discours attendu du secrétaire général du Hezbollah cet après-midi, le nœud dit sunnite a été placé sur la voie du règlement. Contrairement à ce qui avait été annoncé dans les médias, la solution ne viendrait donc pas de Hassan Nasrallah, mais des députés sunnites qui ne sont pas dans la mouvance du courant du Futur. Le chef du Hezbollah se contenterait donc de bénir le scénario qui consisterait dans une entente entre ce groupe de députés sunnites et les responsables de la formation du gouvernement. Un peu dans le genre de la solution du nœud dit druze qui a poussé le leader du PSP et l’émir Talal Arslane à proposer une liste de noms de ministrables pour laisser le privilège du choix aux responsables. La rencontre d’hier au palais de Baabda entre les six députés et le président Michel Aoun n’a pas abouti à un accord, mais elle a ouvert une brèche dans l’impasse dans laquelle se trouvait le processus de formation du gouvernement.

Pour le Hezbollah, il s’agit essentiellement de respecter l’existence politique de ce groupe de sunnites, mais il a annoncé par la voix de plusieurs de ses responsables qu’il ne compte pas être plus royaliste que le roi. C’est donc déjà un début de recul et une ouverture vers des propositions de solution. Il s’agit donc, pour le Hezbollah, de mettre le groupe de députés sunnites en avant et de lui permettre de mener ses propres négociations. Sans le dire clairement, les responsables du Hezbollah laissent entendre que leur appui à la représentation d’un sunnite proche de la résistance n’est pas dirigé contre le président de la République. Il vise plutôt à assurer une représentation équitable des sunnites au sein du gouvernement, après le Parlement. Selon eux, la solution doit venir du Premier ministre désigné Saad Hariri et non de Baabda, ne serait-ce que sur le plan de la forme.


(Lire aussi : Les députés sunnites du 8 Mars se font entendre, mais pas approuver, par le chef de l’État)


Selon des sources proches du Hezbollah, les députés sunnites ont ainsi demandé au chef de l’État de convaincre le Premier ministre désigné de s’intéresser à leur problème, au lieu de continuer à les ignorer. Ce qui pourrait signifier qu’ils souhaiteraient avant tout une reconnaissance du problème, bien plus qu’une solution radicale. En clair, si un rendez-vous leur est fixé avec Saad Hariri, ce serait le début de la solution. Les mêmes sources ajoutent qu’étant eux-mêmes sunnites, ces députés ne souhaitent pas outrepasser les prérogatives du Premier ministre désigné dans la formation du gouvernement et en même temps, ils considèrent que son séjour prolongé en France, à une période aussi sensible, est une sorte de refus de reconnaître leur existence. C’est pourquoi, ils souhaitent obtenir un rendez-vous du Premier ministre désigné.

Pour l’instant, ce n’est pas encore fait, même si les ministres reçus hier par le chef de l’État affirment que ce dernier a promis d’essayer de les aider dans ce sens.

Depuis la rencontre d’hier au palais de Baabda, un léger vent d’optimisme souffle en tout cas de nouveau au sujet de la formation du gouvernement, après une semaine de stagnation.

Mais la visite des députés sunnites à Baabda a aussi une autre portée. Elle est un message adressé au président de la République pour dissiper le malentendu qui a commencé avec le retour sur le devant de la scène du « nœud sunnite ». Le chef de l’État avait eu une attitude critique à l’égard de la revendication du groupe des six députés sunnites lors de son entretien télévisé à l’occasion du 31 octobre. Il avait en effet estimé que cette revendication n’est pas justifiée, d’autant que quatre des six sont membres d’autres blocs parlementaires (deux dans le bloc présidé par Tony Frangié, un dans le bloc de la Résistance et un dans le bloc d’Amal).


(Lire aussi : Entre dérobades et langue de bois, le nœud sunnite reste entier)


Cette position claire de la part du chef de l’État avait été suivie de déclarations de plusieurs responsables du Hezbollah sur l’appui à la revendication des députés sunnites. D’ailleurs, cette riposte rapide de la part du Hezbollah aux propos du chef de l’État a suscité l’intérêt des milieux politiques et diplomatiques qui en ont immédiatement conclu qu’il y avait de l’eau dans le gaz des relations entre Baabda et le commandement du Hezbollah. Pour certains analystes, ce différend serait même le début d’un divorce à l’amiable, après des années d’entente, car il serait la partie visible d’un iceberg de divergences qui remontent à la période de la campagne électorale au printemps 2018. Selon ces analystes, le Hezbollah n’aurait toujours pas avalé le coup qui lui a été porté à Jbeil avec l’échec aux législatives de son candidat Hussein Zeaïter. Il y a eu aussi d’autres couacs tout au long des derniers mois qui ont été couronnés par la réapparition du nœud sunnite, alors que le chef de l’État, le Premier ministre désigné et ceux qui tournent autour d’eux annonçaient une naissance imminente du gouvernement.

Interrogées sur ce point, des sources proches du Hezbollah affirment que l’entente stratégique entre le président et son camp, d’une part, et la formation chiite, de l’autre, n’est pas remise en question. Les divergences entre eux existent, car il n’a jamais été question pour les deux camps de devenir des clones l’un de l’autre. Mais elles ne signifient en aucun cas que l’accord de fond est menacé. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la rencontre de Baabda a eu lieu avant le discours de Hassan Nasrallah prévu cet après-midi. Les deux parties étaient en effet soucieuses de créer un climat d’apaisement et de désamorcer les tensions, avant ce discours pour couper la voie à toute escalade verbale ou à toute tentative d’exploiter les divergences de point de vue entre le chef de l’État et le Hezbollah sur ce sujet précis. Nasrallah pourra donc en parler sans trop s’y attarder, rappelant que pour le Hezbollah, la solution de ce problème est entre les mains du Premier ministre désigné.



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commentaires (4)

Il y’a quelques jours, vous nous décriviez cette idylle paternaliste qui existerait entre Aoun et Hariri, et je vous mentionnais que c’est possible aussi que le Président essayait de se rapprocher du camp sunnite pour tenter de se dégager de ce carcan chiite étouffant. Vous confirmez un peu ceci dans votre article qu’il commence à y avoir des fissures dans les relations entre Baabda et HN, qui deviennent évidentes... Mais, par contre, les deux insistent pour vous dire que l’entente stratégique entre eux demeure intouchable! Mais, que diable contient donc cette entente de si grave, et qui fait que jamais le CPL, ni le Président, n’osent jamais critiquer ouvertement le Hezbollah, ni le régime syrien ou iranien, et qu’à chaque fois on rappelle côté chiite qu’il y aurait comme des lignes rouges entre eux? C’est ça le noeud du problème: le CPL avait-il signé alors qu’il ne toucherait jamais à la structure militaire du Hezbollah, garderait à la résistance les mains libres et qu’il leur donnerait une couverture légale, en contrepartie de la présidence? Si c’est cela, on souhaite beaucoup de courage au Président!

Saliba Nouhad

18 h 31, le 10 novembre 2018

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Commentaires (4)

  • Il y’a quelques jours, vous nous décriviez cette idylle paternaliste qui existerait entre Aoun et Hariri, et je vous mentionnais que c’est possible aussi que le Président essayait de se rapprocher du camp sunnite pour tenter de se dégager de ce carcan chiite étouffant. Vous confirmez un peu ceci dans votre article qu’il commence à y avoir des fissures dans les relations entre Baabda et HN, qui deviennent évidentes... Mais, par contre, les deux insistent pour vous dire que l’entente stratégique entre eux demeure intouchable! Mais, que diable contient donc cette entente de si grave, et qui fait que jamais le CPL, ni le Président, n’osent jamais critiquer ouvertement le Hezbollah, ni le régime syrien ou iranien, et qu’à chaque fois on rappelle côté chiite qu’il y aurait comme des lignes rouges entre eux? C’est ça le noeud du problème: le CPL avait-il signé alors qu’il ne toucherait jamais à la structure militaire du Hezbollah, garderait à la résistance les mains libres et qu’il leur donnerait une couverture légale, en contrepartie de la présidence? Si c’est cela, on souhaite beaucoup de courage au Président!

    Saliba Nouhad

    18 h 31, le 10 novembre 2018

  • L'échec électoral de Hussein Zeaïter, candidat du Hezbollah à Jbeil bloque la formation du gouvernement, tandis que l'échec de tous les candidats chiites indépendants partout dans le pays fut un non-évènement de Haret-Hraik jusqu'à Téhéran. Si tu n'as pas une batterie de canons "Bertha", tu n'existes pas au Liban.

    Un Libanais

    12 h 13, le 10 novembre 2018

  • UN ARTICLE OU L,ENCENSEMENT DA LA TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD SE PERD ET SE RETROUVE ! DE LA RIGOLADE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 30, le 10 novembre 2018

  • Note explicative de très bonne facture. Merci Scarlett et bon week-end. Que la paix et la raison gagne les esprits du bloc sunnite. On attend le discours du big boss.

    FRIK-A-FRAK

    06 h 41, le 10 novembre 2018

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