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De mieux en nœud

Si vous avez été scout ou guide, vous devez sans doute connaître plus d’un de ces jeux de groupe centrés sur les nœuds. Mais à quel jeu diabolique se livrent donc les dirigeants d’un pays en crise, privé même de gouvernement et où on s’ingénie néanmoins à embrouiller, nœud après nœud, la pelote de ficelle ministérielle?


Comme bien des manœuvres politiques au Liban, ces inextricables entortillements arborent pour étiquette l’une ou l’autre des communautés religieuses. À force de tripotages et de compromis, était tranché dernièrement le nœud druze. Lundi, c’est le nœud chrétien que se résignait à liquider le parti des Forces libanaises, jugeant qu’un portefeuille de moins était tout de même préférable à la politique de la chaise vide. Et le nœud chiite alors ? Comme le loup blanc, il n’existe pas, s’accordait-on à constater avec émerveillement. D’entrée de jeu, le Hezbollah s’était en effet arrogé sa part de gâteau, dédaignant les ministères dits régaliens (Intérieur, Défense, Affaires étrangères, etc.), pour se réserver le département de la Santé : celui-là même qui lui permettra de soigner, dans tous les sens du terme, sa clientèle. Dans un Liban en panne délibérée de prestations publiques, rien de tel, n’est-ce pas, que les officines à services pour enchaîner à vos pieds les citoyens à l’abandon…


Mais qu’à cela ne tienne, un nœud, c’est vite fait. Et voilà maintenant qu’en toute dernière heure, la milice y va de son propre rébus, donnant consistance à un nœud sunnite qu’affectait d’ignorer superbement le Premier ministre désigné, et exige qu’une place soit faite à l’un des élus de cette communauté bien vus de Damas et Téhéran. Sincère et chevaleresque sollicitude transcendant admirablement les cloisons sectaires ou simple baroud d’honneur ? Réel croc-en-jambe plutôt, visant à pousser Saad Hariri à se récuser ? On devrait être fixé assez vite si les alliés du président Michel Aoun, qui souffle aujourd’hui les deux bougies de son mandat, avaient la délicate attention de lui offrir à cette occasion un gouvernement clés en main.


C’est dire que le nœud, le vrai, le plus pernicieux de tous, est bien le paradoxe que représente un parti ouvertement armé, financé et guidé du dehors, s’adonnant – mais à ses propres conditions et au prix de mille violations – au jeu démocratique. Substantiellement représenté au Parlement comme au gouvernement, le Hezbollah récolte par brassées entières les bénéfices du système démocratique ; mais il ne paie pas son écot pour la réhabilitation des institutions, menant souverainement ses propres guerres au risque d’y embarquer le pays tout entier et entretenant ses propres réseaux d’alliances régionales. À ce jeu-là, celui de l’impossible mariage de l’eau et du feu, il est gagnant sur tous les tableaux.


Une centaine de citadins ne peuvent dénouer un nœud fait par un paysan qui s’y connaît, dit le proverbe. Un proverbe, comme par hasard, persan.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Si vous avez été scout ou guide, vous devez sans doute connaître plus d’un de ces jeux de groupe centrés sur les nœuds. Mais à quel jeu diabolique se livrent donc les dirigeants d’un pays en crise, privé même de gouvernement et où on s’ingénie néanmoins à embrouiller, nœud après nœud, la pelote de ficelle ministérielle? Comme bien des manœuvres politiques au Liban, ces...