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À La Une - conflit

Après Idleb, Moscou et Ankara mobilisés pour une solution durable en Syrie

Damas accuse la Turquie de ne pas respecter l'accord sur Idleb, Ankara dément.

Des enfants syriens ayant fui le sud de la province d'Alep, jouent dans la boue dans un camp de déplacés à Kfar Dariyan, dans la province d'Idleb, le 26 octobre 2018. Photo AFP / OMAR HAJ KADOUR

La Turquie a démenti mardi les accusations du gouvernement syrien qui affirme qu'elle ne respecte pas respecter ses obligations dans le cadre de l'accord conclu avec la Russie sur la création d'une zone-tampon dans la province d'Idleb, dernier bastion des rebelles syriens dans le nord-ouest du pays, selon l'agence Reuters. Cité tard lundi soir par l'agence officielle de presse Sana, le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a en effet déclaré qu'Ankara ne semblait pas vouloir mettre en œuvre cet accord. "Les terroristes sont toujours dans cette région avec leurs armes lourdes, et c'est un indicateur du refus de la Turquie de remplir ses obligations", a-t-il dit à Damas.

A Istanbul, où il s'exprimait lors d'une conférence de presse, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a affirmé au contraire que l'accord se poursuivait conformément à ce qui avait été décidé et que sa mise en œuvre n'était pas source de difficultés. Il a ajouté que si des groupes armés présents à Idleb s'en écartaient, la Turquie interviendrait.

Le Kremlin a noté, pour sa part, que la Turquie faisait de son mieux pour remplir ses obligations "difficiles" dans l'établissement de cette zone démilitarisée. "Nous ne voyons pas de menace jusqu'à présent", a ajouté Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe. "Malheureusement, tout ne se déroule pas comme prévu", a-t-il néanmoins poursuivi.

L'accord russo-turc conclu en septembre a permis de repousser une offensive qui semblait alors imminente des forces pro-gouvernementales syriennes sur la province où vivent trois millions de personnes. Il prévoit la création d'une zone démilitarisée courant sur 15 à 20 km à l'intérieur du territoire tenu par les rebelles que les rebelles jihadistes doivent quitter et d'où les armes lourdes doivent être retirées.


(Pour mémoire : Russie, Turquie, France et Allemagne appellent à préserver la trêve d’Idleb)


Le dossier syrien, et celui d'Idleb en particulier, étaient au coeur, ces derniers jours, d'une série de rencontres et visites diplomatiques. Istanbul a ainsi accueilli samedi un sommet réunissant les dirigeants de Turquie, de Russie, de France et d'Allemagne. La veille, Moscou avait reçu le chef d'une opposition syrienne affaiblie, Nasr Hariri, qui cherche à établir "le dialogue". Pendant ce temps, l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura a présenté au Conseil de sécurité, réuni à New York, les résultats d'un récent déplacement à Damas.

L'accord, dévoilé mi-septembre par la Russie et la Turquie, pour une "zone démilitarisée" aux abords d'Idleb est au coeur de cette effervescence. Cet accord, qui a permis d'éviter une offensive du régime contre l'ultime grand bastion insurgé du pays, venait illustrer le rôle incontournable de Moscou, allié indéfectible de Damas, et d'Ankara, parrain traditionnel des rebelles, dans la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011. Les deux puissances, devenues les maîtres du jeu, ont éclipsé de fait les négociations infructueuses que l'ONU parraine depuis plusieurs années entre le régime de Bachar el-Assad et l'opposition.


(Lire aussi : Les enjeux du sommet à quatre sur la Syrie)


"Accord tacite"

"Il y a un lien direct entre l'accord d'Idleb et le processus politique", reconnaît Yehia al-Aridi, une figure de l'opposition en exil, notant la "frénésie diplomatique" des derniers jours. "L'accord d'Idleb a ouvert la voie". Dans un pays morcelé, où les puissances internationales et régionales soutiennent une multitude de forces, "l'option diplomatique semble inévitable", estime Julien Théron, spécialiste du conflit syrien. "Personne ne peut réellement ni stabiliser ni reconstruire le pays sans le concours, ou au moins l'accord tacite, des autres", explique cet enseignant à Sciences Po Paris.

Car même si le pouvoir d'Assad contrôle près des deux-tiers du pays, de vastes pans du territoire lui échappent toujours. Outre Idleb, où la Turquie soutient une nébuleuse de groupes rebelles, tout le nord-est, soit près de 30% du territoire syrien, est dominé par les Kurdes, une minorité soutenue par les Occidentaux, notamment les Etats-Unis, qui disposent dans le secteur de forces au sol.

Vendredi à Istanbul, les dirigeants de Turquie, de Russie, de France et d'Allemagne ont appelé à œuvrer pour une "solution politique" en Syrie. Ils ont aussi réclamé plus d'efforts pour mettre rapidement sur pied un comité constitutionnel sur lequel planche l'ONU, pour jeter les fondements d'une transition politique.

A ce jour, les rounds de négociation successifs, organisés sous l'égide des Nations unies, ont échoué à mettre fin à la guerre qui a fait plus de 360.000 morts, avec souvent comme principale pierre d'achoppement le sort du président Assad. Mais, ces jours-ci, toutes les tensions se cristallisent autour du comité constitutionnel, dont la formation piétine en raison des réserves exprimées par Damas. L'idée de ce comité était apparue en janvier 2018, lors d'un "Congrès du dialogue national syrien" organisé par la Russie. M. de Mistura avait été chargé de concrétiser le projet.


(Lire aussi : Syrie : la solution politique voulue par l'ONU bloquée par Damas)


"Gel du conflit"

L'émissaire spécial de l'ONU, qui doit quitter ses fonctions fin novembre, œuvre désormais à la composition du comité devant comprendre 150 personnes: 50 choisies par le régime, 50 par l'opposition et 50 par les Nations unies. Or, le gouvernement syrien refuse que l'ONU joue un rôle "pour identifier ou choisir" les personnes qui composeraient cette troisième liste, a annoncé vendredi M. de Mistura devant le Conseil de sécurité. De manière générale, Damas considère que le comité doit "discuter" de la constitution actuelle, tandis que l'opposition espère une nouvelle loi fondamentale.

Aron Lund, expert du think-tank The Century Foundation, minimise toutefois l'importance de ce débat, jugeant que la clé du casse-tête syrien est ailleurs. Dans une Syrie morcelée, il pronostique plutôt des "ententes provisoires sur la façon de gérer les différends, d'éviter la violence, de relancer le commerce". Il explique que si les "divisions" imposées par les puissances étrangères se maintiennent, "on peut s'attendre à un gel du conflit" qui apportera une "stabilité" relative. Sur le long terme, il relève néanmoins que le pouvoir d'Assad n'a jamais caché sa détermination à reconquérir toutes les régions qui lui échappent. "Je ne pense pas qu'il y ait de grandes chances pour un règlement politique qui réintègre ces zones sans violence", dit M. Lund.


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