« Tu en as ? Donne. Tu en veux ? Prends. » Ces mots en arabe sont apposés, depuis le 22 septembre dernier, sur un réfrigérateur placé devant la mosquée de Ras Beyrouth, connue aussi sous le nom de mosquée Daouk, située à la rue Bliss. C’est une jeune femme du quartier, Leen Kreidieh, qui a eu cette idée pour donner l’occasion à ceux qui le désirent d’aider les moins nantis, en remplissant le frigo de nourriture afin que ceux qui sont dans le besoin puissent se servir gratuitement.
Depuis, le frigo se remplit et se vide plusieurs fois par jour. On peut tout y trouver : des plats cuisinés, du labné, du yaourt, des manakich, du pain, des pâtisseries, des fruits…
« Ma mère et moi détestons jeter de la nourriture. À chaque fois que nous avons des restes à la maison, nous les mettons dans des Tupperware et nous descendons dans la rue à la recherche de personnes dans le besoin », raconte Leen Kreidieh, diététicienne, ancienne élève de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et habitant à proximité de la mosquée. « J’en ai parlé à un ami, Abdel Majid Mouabbi, lui aussi originaire de Ras Beyrouth et qui est oncologue aux États-Unis. Il était en vacances au Liban. Nous avons acheté le frigo ensemble et nous l’avons proposé à la mosquée », dit-elle. « Ce sont surtout les habitants du quartier qui remplissent le réfrigérateur.
Mais il y a aussi des gens qui viennent de loin et qui, comme nous, n’aiment pas jeter de la nourriture, surtout qu’il y a de plus en plus de personnes dans le besoin », poursuit-elle.
Ce n’est pas la première initiative que Leen Kreidieh lance pour aider les plus défavorisés. Il y a un an et demi, elle avait accroché des cintres sur le parvis de la mosquée de Ras Beyrouth, encourageant ainsi les habitants du quartier à donner des vêtements.
« L’une des missions de la mosquée est de faire le bien et de venir en aide aux personnes dans le besoin. Nous avons accueilli à bras ouverts l’initiative de Leen Kreidieh. Et nous avons chargé une personne de s’assurer de la date de péremption des aliments. D’ailleurs, nous étiquetons la nourriture qui nous parvient », souligne Omar Shbaro, avocat, originaire de Ras Beyrouth, mais aussi responsable de la gestion de la mosquée.
« Donner à côté de la prière »
« Beaucoup de personnes viennent pour donner et le réfrigérateur se remplit et se vide plusieurs fois par jour. Ceux qui donnent la nourriture sont des habitants du quartier, des étudiants de l’AUB, des propriétaires de restaurant… Ceux qui se servent sont des pères ou des mères de famille, des enfants qui mendient dans la rue, des femmes ou des hommes seuls, des personnes âgées. Bref, toute personne qui a besoin de manger mais qui n’a pas toujours les moyens de le faire », précise-t-il.
Ali Harfouch, professeur à l’AUB, prie dans la mosquée de Ras Beyrouth. « C’est une belle initiative. Tout le monde s’est mis à apporter des choses. À côté de la prière, il faut donner, faire le bien », dit-il, notant que de « nombreux réfugiés syriens viennent se servir ». Il souligne que « la mosquée rassemble de nombreux jeunes qui veulent changer les choses et être plus proches de la communauté ».
En un mois et demi, grâce aux médias sociaux, les images du réfrigérateur de la rue Bliss ont fait le tour du Liban et ont inspiré d’autres personnes. Un brin de fierté dans la voix, Leen Kreidieh raconte : « Beaucoup de gens se sont inspirés de notre idée et sont en train de lancer des initiatives similaires. Ainsi, un frigo vient d’être mis en place à la mosquée Ammach, dans le secteur de Hamra, un autre sera prochainement placé à Basta et trois réfrigérateurs seront installés à Tripoli. »
Pour mémoire
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commentaires (9)
Bravo! Et que le gouvernement, en devenir, se bouge enfin pour ses concitoyens ! Vous attendez quoi ?
L’azuréen
23 h 48, le 30 octobre 2018