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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les séparatistes jouent (encore) leur partition en solo au Yémen du Sud

Le Conseil de transition profite des revendications sociales pour avancer ses pions dans le conflit national.


Des manifestants dans les rues de Taëz jeudi contre la détérioration de l’état de l’économie nationale. Anees Mahyoub/Reuters

C’est une petite victoire pour le Conseil de transition du Sud (STC) au Yémen. Lors d’un entretien jeudi, le leader du conseil Aidarous al-Zoubeidi et l’envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen Martin Griffiths « ont discuté des efforts de ce dernier pour relancer les pourparlers (de paix) et de la participation du Conseil de transition du Sud aux futures négociations », rapporte un communiqué du STC. Jusqu’à présent, l’organisation séparatiste, créée en 2017 et qui défend le retour à un État du Yémen du Sud indépendant, respectant les frontières précédant l’unification du Yémen en 1990, avait été tenue à l’écart des rounds de négociations.

Peu de précisions ont, toutefois, été données et « on ne sait toujours pas si le STC se joindra aux pourparlers (menés par l’ONU) et comment il sera inclus », indique Adam Baron, chercheur à l’European Council on Foreign Relations et spécialiste du Yémen et de la péninsule Arabique, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Cela étant dit, les responsables internationaux considèrent le STC comme une faction politique-clé », ajoute-t-il. Déjà en août dernier, la délégation du STC avait tablé sur un entretien avec M. Griffiths à Amman pour être à la table du troisième round de pourparlers du 6 septembre à Genève, aux côtés des houthis et du gouvernement Hadi, et de la coalition menée par Riyad et Abou Dhabi. Les discussions n’avaient pas été concluantes. « L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis continuent de s’aligner sur le consensus international concernant l’unité du Yémen », précise M. Baron, bien qu’« une grande partie des dirigeants du STC passe beaucoup de temps aux Émirats arabes unis, et, en général, s’est montrée plutôt favorable au rôle de la coalition au Yémen ». Les liens entre les EAU et l’organisation séparatiste ont toutefois déjà causé des remous par le passé au sein de la coalition alors qu’Abou Dhabi entraîne et appuie le groupe baptisé « Ceinture de sécurité », composé de milices d’Aden, qui soutient le STC.


(Pour mémoire : Au Yémen, le coup de force séparatiste creuse les fractures)


Selon le document de l’organisation séparatiste, MM. Griffiths et Zoubeidi ont également évoqué « l’effondrement économique » résultant des actions du « gouvernement corrompu », alors que leur rencontre est intervenue au lendemain d’un nouvel appel du STC encourageant un soulèvement populaire pacifique contre « les gangs corrompus au pouvoir qui transfèrent notre argent, la nourriture de nos enfants et les revenus du Sud libéré vers leur propre trésorerie hors du Sud ». « Ils vivent dans le luxe avec leurs enfants alors que nos enfants et petits-enfants souffrent de famine, de maladies et de malnutrition », a dénoncé le STC dans un communiqué mercredi, avant d’ajouter que « cette frivolité a conduit à l’effondrement de l’économie et de la monnaie, à l’instabilité de la société et a affecté les services et arrêté le développement ».

Face au coût de la vie au Yémen qui se fait de plus en plus élevé, en raison de la chute du rial, qui a perdu plus des deux tiers de sa valeur depuis 2015, la colère gronde dans le pays. Pour garder la tête hors de l’eau, la Banque centrale du Yémen a pris une série de mesures ce mois-ci et Riyad, allié du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi contre les houthis, est venu lui prêter main-forte en ordonnant le transfert de 200 millions de dollars à la Banque centrale. Le royaume wahhabite s’était déjà vu contraint de transférer deux milliards de dollars en janvier dernier à l’institution située dans le Sud à Aden depuis 2016, la capitale Sanaa ayant été prise par les rebelles en 2014. Une situation catastrophique pour les Yéménites qui a soulevé des « frustrations généralisées, créant une opportunité sur laquelle les groupes en dehors de l’establishment politique, comme le CTS, ont pu capitaliser », explique M. Baron.


(Pour mémoire : Les Sudistes prennent le dessus à Aden, mais ne veulent pas la sécession)


Chaos et subversion
Selon certains observateurs présents sur place, le communiqué de mercredi de l’organisation séparatiste a été bien reçu par la population, mais « il est difficile de déterminer l’ampleur réelle de l’influence du STC sur le terrain », nuance Élisabeth Kendall, chercheuse en études arabes et islamiques à l’Université d’Oxford, contactée par L’OLJ. « Ceci est dû au fait que nous n’avons pas de données précises en l’absence de sondage fiable. Ce que nous pouvons dire avec certitude, c’est que le STC n’est pas universellement adopté dans le Sud, pas même par ceux qui souhaitent la sécession », souligne-t-elle. « Il s’agit cependant de l’organisme le mieux financé, doté du meilleur appareil de relations publiques et de liens étroits avec les EAU », observe la spécialiste.

Bien que les revendications sécessionnistes ne soient pas nouvelles dans le sud du Yémen, les événements de cette semaine attisent un peu plus les tensions entre le STC et le camp des loyalistes, alors qu’elles se greffent aux dernières contestations sociales dans la région. Le gouvernement Hadi s’est notamment empressé de répondre aux séparatistes mercredi, publiant un communiqué dans lequel il appelle le « soi-disant Conseil de transition à abandonner tout projet militaire ou relatif à la sécurité (du pays) qui ne font pas partie de ceux du gouvernement légitime, et de se mettre au travail politique ». « Toute émeute ne ferait que porter atteinte à la sécurité et l’unité du Yémen et de son peuple (...), et bénéficierait aux conspirateurs houthis et à leurs alliés iraniens », avertit le texte. Le gouvernement yéménite a également estimé que l’appel du STC à un soulèvement populaire était « irresponsable » et une voie vers « le chaos et la subversion ».

Dans le cadre de cette dynamique, « on risque de voir le conflit au Yémen se briser davantage le long des lignes de faille historiques Nord-Sud », estime Mme Kendall. En parallèle, « on risque de voir la coalition menée par Riyad se fracturer elle-même, les EAU favorisant un Sud séparé dans lequel ils pourront exercer une influence par le biais du STC et de ses forces recrutées localement, et des actions du gouvernement Hadi avec un soutien saoudien pour réprimer la dissidence des sécessionnistes et les troubles civils dans le Sud ».


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