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Moyen Orient et Monde - Maroc

La carotte et le bâton du palais contre les leaders du Hirak

Une photo prise au smartphone de Nasser Zefzafi, lors d’une interview à l’AFP, le 28 avril 2017, à al-Hoceima au Maroc. Photo AFP

Le leader du mouvement contestataire marocain al-Hirak, Nasser Zefzafi, a annoncé jeudi 6 septembre la fin de sa grève de la faim. Accompagné d’autres prisonniers du mouvement, il avait entamé la semaine dernière une grève de la faim « sans retour » pour protester contre ses conditions de détention. Son avocat n’a pas précisé si les revendications ont été satisfaites, mais force est de constater que le coup médiatique a porté ses fruits. Condamné fin juin à 20 ans de prison pour avoir empêché le prêche d’un imam ouvertement anti-Hirak, il est incarcéré depuis mai 2017. Protestant contre les privations et humiliations dont il était victime dans la prison de Casablanca, cette grève lui a peut-être permis de quitter sa cellule d’isolement et de reprendre contact avec les autres prisonniers.

Signe de la volonté royale de réserver un traitement de faveur à M. Zefzafi, Mohammad VI avait libéré il y a deux semaines 188 prisonniers liés au mouvement. « La grâce royale n’a jamais manqué de libérer les condamnés considérés les plus antisystème, y compris les détenus condamnés pour extrémisme ou terrorisme », affirme à L’Orient-Le Jour Irène Bono, chercheuse associée au Centre marocain des sciences sociales (CM2S) de Casablanca. Mais cette faveur ne s’applique qu’aux prisonniers ayant écopé de petites peines allant de quelques mois à trois ans de prison ferme. Aucune des personnalités particulièrement impliquées dans le mouvement et ayant écopé de lourdes peines n’avait été libérée.

La libération des prisonniers est essentiellement motivée par des considérations politiques. « Le régime est acculé à négocier une sortie de crise afin d’éviter que la situation fragilise davantage l’autorité de l’État », précise à L’OLJ Aziz Chahir, enseignant-chercheur en sciences politiques. « Après les sentences judiciaires, la monarchie veut donner l’impression qu’elle neutralise le leadership protestataire rifain, espérant ainsi désamorcer la grogne sociale », ajoute-t-il. Le pouvoir central libère de manière classique un grand nombre de prisonniers pour apaiser le gros des contestations, tout en gardant l’atout du « leader emprisonné » dans sa manche comme monnaie d’échange au moment opportun.


(Lire aussi : Le Maroc, royaume de plus en plus à deux visages)


« Figure du martyr »

C’est un véritable bras de fer qui se joue actuellement entre le palais et M. Zefzafi. « Banalisée par les officiels et les médias prorégime, la “grève de la faim” observée par M. Zefzafi se voulait un acte héroïque de défiance envers les autorités et aussi un appel à peine voilé adressé au CNDH (Conseil national des droits de l’homme) afin que celui-ci veille à la sécurité des leaders du Hirak », analyse Aziz Chahir. « C’est probablement la dernière carte dans les mains de Zefzafi qui mobilise cette fois-ci à juste titre la figure du martyr, espérant ainsi mettre la pression sur le régime de manière à donner aux prisonniers le statut de “détenus politiques” », précise M. Chahir.

Pour gérer les contestataires, le palais utilise à la fois la carotte et le bâton. « Ce contraste dans le traitement des prisonniers souligne le double comportement du pouvoir central vis-à-vis du Hirak : l’objectif à terme étant de mettre en place un leadership protestataire mou et conciliateur qui pourrait contrebalancer le leadership protestataire dur et intransigeant, incarné par Zefzafi », explique à L’OLJ Haoues Seniguer, maître de conférence à Sciences-Po Lyon. « La situation laisse présager un durcissement des conditions de détention des leaders du Hirak, accompagné de manœuvres de cooptation des détenus récemment graciés par le roi », renchérit Aziz Chahir.


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