Le président français Emmanuel Macron a remanié mardi son gouvernement pour compenser le départ de deux ministres populaires et devait prendre une décision sur une importante réforme fiscale pour tenter de conjurer une période de turbulences politiques.
Secoué juste avant ses vacances par un scandale impliquant son ancien garde du corps, Alexandre Benalla, sous le feu constant de l'opposition, indécis face à une importante réforme fiscale, le chef de l'État, qui dévisse dans les sondages, a été contraint de remanier l'équipe gouvernementale après la démission fracassante de son populaire ministre de l'Environnement, Nicolas Hulot.
Mardi, une autre ministre très populaire, l'ancienne championne olympique d'escrime Laura Flessel, chargée des Sports, a annoncé son départ du gouvernement pour "raisons personnelles". Mais dans l'après-midi, sa démission a été liée à une enquête ouverte sur sa "situation fiscale", comme l'a affirmé à l'AFP une source proche du dossier, confirmant des informations de presse. Son entourage a démenti.
Le gouvernement perd ainsi deux ministres issus de la société civile, emblèmes d'une nouvelle vague politique sur laquelle M. Macron surfait depuis élection en mai 2017.
M. Hulot, ancien animateur télé, figure de proue de la lutte pour l'environnement depuis trente ans en France, est remplacé par un homme politique chevronné, François de Rugy, jusqu'alors président de l'Assemblée nationale. Ce dernier a assuré qu'il agirait "pour l'écologie, avec méthode, détermination et persévérance dans le temps" lors de la passation de pouvoirs, face à un Nicolas Hulot très ému.
Aux sports, a été nommée l'ancienne nageuse Roxana Maracineanu.
M. de Rugy, ancien cadre du parti écologiste EELV, est un réformiste qui s'est rapproché du parti d'Emmanuel Macron. Tout en lui reconnaissant "une certaine expérience des questions environnementales", Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, a dit "douter de sa capacité à réellement peser dans ce gouvernement". D'autant que M. Hulot est parti du gouvernement déçu de se sentir isolé. "Je n'ai pas (...) réussi à combler cette ligne de faille entre deux cultures, entre deux intelligences, l'économie et l'écologie", a-t-il dit à son successeur mardi, ajoutant : "Mais ce n'est pas une fatalité, ce qui n'a pas été possible hier le sera, je l'espère, demain".
Avec ce rétrécissement vers un profil plus politique de l'exécutif, "Emmanuel Macron a fait le choix de la sécurisation gouvernementale", commente pour l'AFP Stéphane Rozes, de la société de conseil CAP. Ce mouvement survient alors que le président français traverse une période agitée qui brouille son image volontariste et réformatrice. Sa cote de confiance a dégringolé à 31% d'opinions positives, son plus bas niveau depuis son entrée en fonctions en mai 2017, selon un sondage Ifop publié mardi. "Il y a une forme d'enlisement de la dynamique du macronisme", estime M. Rozes.
"Depuis l'été le gouvernement est sur la défensive (...) il subit. C'est comme faire du vélo, quand on arrête de pédaler, on tombe", analyse pour l'AFP Jérôme Fourquet, d'Ifop.
"Seize mois après son arrivée au pouvoir, voilà Emmanuel Macron à la recherche de sa baraka", juge Nicolas Beytout dans le quotidien conservateur L'Opinion.
Le journal de gauche Libération s'interroge sur "Jupiter tonnant ou Jupiter vacillant ?", recourant au surnom du président français.
Impôt à la source
Emmanuel Macron tranchait également mardi un autre dossier sensible : celui de l'adoption, ou non, du prélèvement de l'impôt sur le revenu à la source.
Normalement, à partir du 1er janvier 2019, les Français devraient voir leur impôt sur le revenu prélevé directement sur leur rémunération, mais le doute s'est installé après une série d'informations contradictoires mettant en lumière plusieurs points sensibles : craintes d'un bug, hostilité des entreprises et des syndicats, peur d'un choc psychologique pour les contribuables qui verront leur salaire net diminuer du fait du prélèvement.
La France est un des rares pays européens à ne pas utiliser le prélèvement à la source pour percevoir l'impôt sur le revenu.
Emmanuel Macron a "demandé des clarifications et identifié des améliorations possibles" au cours d'une réunion dans la matinée à l'Elysée avec le Premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. La décision devait être annoncée en début de soirée par le chef du gouvernement.
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