Avec une tempête judiciaire aux portes de la Maison Blanche, le président Donald Trump a vivement attaqué son ministre de la Justice Jeff Sessions, qui a répliqué en affirmant jeudi qu'il ne céderait pas aux pressions politiques. Manifestement sur la défensive, M. Trump a averti que les marchés allaient "s'effondrer" s'il venait à être destitué.
"Tout le monde voit ce qui se passe au ministère de la Justice. Je mets maintenant toujours +justice+ entre guillemets", a notamment déclaré le président américain lors d'une interview diffusée par la chaîne Fox News. "Les démocrates sont vraiment puissants au sein du ministère de la Justice (....) Jeff Sessions n'a jamais réellement pris le contrôle du ministère et c'est quelque chose d'assez incroyable", a-t-il encore asséné. Donald Trump reproche régulièrement à ce républicain ultra-conservateur de s'être récusé de l'enquête russe, qui se déroule sous la supervision de son ministère. "Tant que je serai ministre de la Justice, les actes du ministère de la Justice ne seront pas influencés indûment par des considérations politiques", a sèchement répondu M. Sessions dans un communiqué quelques heures plus tard. Le ministre devait participer à une réunion jeudi après-midi à la Maison Blanche.
Lors de son interview sur Fox News, Donald Trump a également évoqué le sujet de son éventuelle destitution. Cette idée reste très hypothétique avec une majorité républicaine au Congrès, mais elle est revenue dans l'actualité depuis que l'ancien avocat personnel de M. Trump, Michael Cohen, a affirmé mardi sous serment avoir acheté le silence de deux maîtresses présumées du milliardaire afin de ne pas compromettre sa campagne présidentielle victorieuse de 2016.
M. Cohen, accusé de violation des lois sur le financement électoral, a passé un accord de négociation de peine avec les autorités, qui pourrait l'amener à collaborer avec le procureur spécial Robert Mueller, chargé de l'épineuse enquête sur le dossier russe.
Située au carrefour de la politique et du droit, la procédure de destitution du président des Etats-Unis se déroule en deux temps: d'abord, la Chambre doit voter une mise en accusation ("impeachment"), puis c'est au Sénat de faire le procès du président, afin de le condamner à une majorité des deux tiers, ou de l'acquitter. Dans le cadre des investigations de l'équipe Mueller, l'ancien directeur de campagne de M. Trump, Paul Manafort, a été reconnu mardi coupable de fraude fiscale et bancaire.
(Lire aussi : Michael Cohen, possible témoin-clé contre Trump dans le dossier russe)
"Super travail"
"Je ne sais pas comment on peut destituer quelqu'un qui fait un super travail", a-t-il lancé lors de son interview sur Fox News, la chaîne préférée des conservateurs. Son affirmation liant la santé des marchés à son éventuelle destitution est cependant à prendre avec des pincettes, selon les spécialistes. "Je ne pense pas que cela aurait un aussi gros impact qu'il le pense. Les discussions de tous les jours se font autour des gros titres de la presse, mais le cours des actions est lui lié aux résultats des entreprises", explique ainsi Sam Stovall, un expert des marchés.
Et même en cas de destitution, le vice-président Mike Pence, qui remplacerait M. Trump, "peut être décrit comme +Trump sans les tweets+", ajoute-t-il. "Les politiques seront les mêmes, mais avec une dimension moins spectaculaire", conclut-il.
Grâce présidentielle ?
Interrogé sur le cas de Paul Manafort, dont la sentence n'est pas encore connue mais qui risque plusieurs années de prison, le locataire de la Maison Blanche a refusé de dire sur Fox News s'il envisageait de lui accorder une grâce présidentielle. "Une des raisons pour lesquelles je respecte tellement Paul Manafort est qu'il est allé au bout de ce procès", a-t-il déclaré. Une manière d'égratigner, par contraste, ceux qui passent des accords de plaider-coupable, qui leur permettent d'espérer des sentences allégées. "Contrairement à Michael Cohen, (Paul Manafort) a refusé de +céder+ ou inventer des histoires pour passer un +accord+. Tellement de respect pour cet homme si courageux!", avait-il déjà tweeté mercredi.
Sur Fox News, il a un peu adouci le ton à propos de son ancien avocat qui s'était un temps dit prêt à "prendre une balle" pour son patron. "Il était à mes côtés pendant sans doute près de 10 ans. Je le voyais parfois (...) J'ai toujours trouvé que c'était un mec sympa", a-t-il déclaré.
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18 h 16, le 23 août 2018