Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Nos lecteurs ont la parole

Le Liban n’existe pas

Illustration Bigstock

Ce n’est pas la peine de rédiger des articles, d’analyser, d’allégoriser, de s’émouvoir, ni même de faire de l’humour au sujet du Liban. Car le Liban n’existe pas.
Il y a des tribus qui y vivent, mais ce ne sont pas des citoyens du Liban. Ce sont les habitants d’un territoire géographique nommé Liban. Comment le Liban, en tant qu’État-nation, peut-il exister, alors qu’il y a autant de Liban qu’il y a de tribus ?
Autant de cultures. Autant de frontières, artificiellement dessinées au fil des conflits. Autant de pays tuteurs. Autant de partis dirigeants. Autant d’identités autoproclamées. Autant de langues officielles. Autant de confessions, religieusement érigées en bannières.
Généralement, chaque tribu considère que le vrai Liban est le sien, que les autres tribus sont des traîtres envers le « vrai » Liban. C’est ainsi que chaque tribu justifie, sans sourciller, son allégeance aveugle (et par conséquent suicidaire) envers son leader. Lequel leader est systématiquement un sombre individu, issu d’une branche consanguine d’une dynastie régnante. Le genre d’homme qu’on aurait bien du mal à respecter en d’autres circonstances.
Pour bâtir une nation, il faut agir. On ne peut pas se contenter d’analyser, de critiquer, ou de s’anesthésier dans l’autodérision.


Cependant pour agir, il faut s’unir, et pour s’unir, il faut s’accorder autour d’un même objectif et, dans notre cas, autour d’une même conceptualisation du Liban : sur le plan historique, sur le plan socioculturel et sur le plan d’une communauté de destin. Or pour toutes les raisons citées, la définition commune du pays n’a jamais vu le jour. Voilà pourquoi le Liban n’existe pas et n’a aucune chance d’exister.


Alors c’est quoi ce Liban que les Libanais déclament à longueur d’articles dans les magazines, de tirades amoureuses sur Facebook, de vidéos bien léchées sur WhatsApp, de messages humoristiques sur Twitter, ou de photos rognées (pour ne pas montrer les poubelles) sur Instagram?


Ce n’est rien d’autre qu’une drogue frelatée, une addiction coupable, qui sert à alimenter les fantasmes et apaiser les douleurs de ces tribus décimées et disséminées, juste pour leur permettre de supporter la réalité de leur inexistence en tant que peuple, en tant que patrie et en tant que nation.


Comment voulez-vous qu’un pays existe sans racines communes, sans destinée commune et sans vision commune ?
Si les Libanais se transforment en citoyens exemplaires dans tous les pays du monde, sans jamais être capables de mener la moindre réforme dans leur propre pays, c’est très certainement parce que l’idéal national, un et commun, n’existe pas.
Car au Liban, l’identité est floue, variable, aliénée, sujette aux amendements, selon la région, la religion et l’allégeance. Aucun ne connaît l’histoire, mais tous défendent leur version de l’histoire.
À tel point que pour avoir la possibilité d’évoluer efficacement dans des repères lisibles, pour se sentir citoyen dans un système qui fonctionne, la quasi-totalité des Libanais éprouvent le besoin d’épouser une double, voire une triple nationalité.


Malheureusement, une fois rentrés chez eux, ils se rangent systématiquement dans le schéma archaïque, propre à leur tribu, et de ce fait, ils perdent toute efficience et font partie du décor.
Le Liban d’aujourd’hui n’est donc pas une nation, mais un catalogue de franchises, un pis-aller, un défouloir, une fatalité, une punchline, une vache à lait, une cour des miracles. Une façon d’exorciser sa propre inexistence.
L’utopie « Liban » explique la permanente schizophrénie dans laquelle vivent les « Libanais ».
Cette utopie, qu’ils ont du mal à admettre, ils l’enfouissent dans leur inconscient. Tantôt la triste réalité émerge et déclenche de leur part une salve spasmodique de critiques envers le pays (le pays tel que conçu par leur tribu). Tantôt, en l’absence de solution possible entre tribus, ils transforment cette utopie en idéal. Ils idéalisent leurs mœurs et leurs « terroirs », chacun de son côté, comme un réflexe de survie, juste pour calmer la cruauté du quotidien. Juste pour oublier qu’ils n’ont pas véritablement de règles, de principes, ou de lois. Juste pour oublier qu’ils n’ont pas de pays.
Cela dure depuis si longtemps, que pour en finir, pour se débarrasser définitivement de leurs souffrances, ils gravent leur pathos dans le marbre, et de ce bordel organisé, ils font un art de vivre...

Ce n’est pas la peine de rédiger des articles, d’analyser, d’allégoriser, de s’émouvoir, ni même de faire de l’humour au sujet du Liban. Car le Liban n’existe pas.Il y a des tribus qui y vivent, mais ce ne sont pas des citoyens du Liban. Ce sont les habitants d’un territoire géographique nommé Liban. Comment le Liban, en tant qu’État-nation, peut-il exister, alors qu’il y...

commentaires (17)

Pourquoi partir des tribus et pas des villes et villages qui peu à peu s'unifient autour de Beyrouth l'unité politique émergente est urbaine il faut seulement apprendre à intégrer la mer et la montagne au cœur de la Cité...c'est cette unité politique qu'il faut aménager : elle est déjà là!

Beauchard Jacques

19 h 30, le 20 août 2018

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Pourquoi partir des tribus et pas des villes et villages qui peu à peu s'unifient autour de Beyrouth l'unité politique émergente est urbaine il faut seulement apprendre à intégrer la mer et la montagne au cœur de la Cité...c'est cette unité politique qu'il faut aménager : elle est déjà là!

    Beauchard Jacques

    19 h 30, le 20 août 2018

  • Rien de nouveau sur la planète, au Proche-Orient le pouvoir émane de la capacité du détenteur de contenter les leaders des tribus, comme ce fut le cas dans les monarchies des anciens régimes de contenter les baronnies. La démocratie s’est développé par l’élimination des intermédiaires en individualisant par le vote la légitimité du pouvoir via des structures de parti politique et leur programmes contenant un minimum de service publique, sociale et économique qui devront être organisés par le pouvoir, le pouvoir échappe ainsi à la mainmise des féodaux. La démocratie au Liban souffre de l’incapacité du pouvoir de remplacer les chefs des tribus historiques, puisque c’est eux même qui jouent dans les deux camps empêchant le transfert réel du pouvoir aux institutions qui auraient ce rôle de servir l’intérêt général.

    DAMMOUS Hanna

    15 h 40, le 20 août 2018

  • Suite: Faudra attendre que toutes les ressources de notre Etat s'épuisent et que nos réserves d'or s'évaporent et que nous fassions défaut dans le paiement de nos emprunts pour être enfin déclarés en faillite pour que la Banque Mondiale et le FMI se charge de faire le grand ménage et nettoient le zoo dans lequel nous vivons! Alors c'en sera terminé avec l’inflation du secteur publique et l'achat des voix d'électeurs par l'emploi dans l'Etat et les contrats sous table et le clientélisme. Viendra alors le temps des artisans de la vraie démocratie, des réelles compétences, de la transparence et du questionnement politique, des gouvernements de technocrates capables d’engager des reformes forcées, des privatisations des services : électricité, eau, voierie, et de la gestion saine et fructueuse de nos ressources en gaz et pétrole, de la décentralisation…. Mais !!! Mais si le changement politique ne se fait pas avant le commencement des rentrées des revenus des ressources fossiles, et bien les revenus des ressources fossiles continueront d’entretenir le clientélisme politique et l’armement des factions et les nourriront et le renforceront et nous resterons dans la M….. Jusqu’à la fin des temps!

    Bibette

    11 h 08, le 20 août 2018

  • Le Liban est gouverné par des politiciens que les Libanais ont élus! Et les choses ne changeront que quand les libanais élirons des vrais artisans de la démocratie. Or cela n'est pas possible tant que l'Etat libanais reste le plus gros employeur et que les masses de populations courent derrière leurs leaders qui achètent leurs électeurs argent comptant ou leur promettent un emploi WAZIFEH BILDAWLEH et les projets véreux! Cette dépendance populaire de ce phénomène endémique assure la pérennité des politiciens et de leur système actuels. C'est ce qu'a vécu la Grèce pendant des décennies jusqu'à son épuisement et sa faillite. Toutes le bonnes volontés du monde et vos lumières ne changeront rien a cela a moins d’engager une nouvelles lutte des classes !

    Bibette

    11 h 07, le 20 août 2018

  • Et si l'on demandait, pour commencer, aux politiciens et aux banquiers de rembourser la moitié de l'argent volé au peuple ? Ne serait-ce que la moitié... Cela donnerait-il une sorte d'esprit de solidarité à tous, pour tous?

    TrucMuche

    00 h 49, le 20 août 2018

  • Je crois qu'il faut arrêter avec ce Lebanese bashing : vous seriez bien emm. si le Liban n'existait plus. Encore un effort (et quelques articles comme celui-là) et vous y arriverez! Je peux comprendre la frustration née de l'accaparement de la décision et du pouvoir par une poignée de politiciens véreux, mais fait arrêter de tout dénigrer. Le patriotisme est une vertu positive qu'on n'enseigne pas (encore) dans les écoles mais il peut faire des miracles. Essayez!

    Marionet

    19 h 51, le 19 août 2018

  • Chacun a son Liban. Pendant la guerre des autres sur le territoire national durant 15 ans, un Libanais va en France. Il présente des CV à plusieurs grandes sociétés françaises et étrangères sans succès. La réponse toujours la même : Ce n'est pas ce que nous cherchons. Lassé, il dit à son ami avec qui il est attablé au Fouquet's : J'en ai marre, je rentre au Liban et je me fais élire député. (Histoire vécue).

    Un Libanais

    18 h 12, le 19 août 2018

  • Que c'est vrai que le Liban n'existe pas!!! Depuis le fin fond de l'histoire Il n'est pas dans les yeux de ceux qui ne voient que l'argent, il n'est pas dans la bouche de ceux qui clament allégeance aux forces d'autrui, il n'est pas dans l'âme de ceux qui sont déjà vaincus dès leurs naissance!! Le Liban existe dans l'âme de tout ceux qui ont combattu les envahisseurs des habitants de Tyr et Saïda aux armées de fakhreddine jusqu'aux jeunes qui ont combattu les armées des voisins, il existe dans l'esprit de ces émigrés créateurs de civilisations tel que Carthage et créateurs de sociétés a succès, il existe dans la créativité de tout ces artistes libanais qui nous enchantent et enchantent le monde de leurs créations dans tous les domaines de l'art. Mais surtout il existe dans l'esprit d'indépendance et d'ouverture d'esprit de tout un chacun qui continu de vivre sur ce territoire avec l'espoir et la volonté de l'améliorer. Oui le Liban nous a été et nous est toujours kidnappé pour le moment mais Allah Karim il sera libéré! Ce même Allah, que juifs, chretiens, musulmans et même athes ne cessent d'en cité le nom... Allah Karim...

    Wlek Sanferlou

    17 h 36, le 19 août 2018

  • Le Liban n'est pas le seul pays qui est peuplé de personnes très différentes. Prenons la Suisse: elle est composée de 23 Etats assez indépendants (Cantons) avec des frontières géographiques, et des systèmes de taxation différents, des programmes scolaires différents, des budgets indépendants et des lois pas toujours les mêmes. Cette organisation est due aux différences linguistes (4 langues) et religieuses (Protestants et Catholiques). L'Etat central est en charge essentiellement de la politique extérieure, de la monnaie et l'armée. La sécurité intérieure, la santé, l'électricité, l'eau, etc. sont cantonales. Manuel Younès avait proposé de copier ce modèle mais tout le monde pensait à tort que c'était "altaksim". Imaginons que le ramassage et la destruction des ordures est une responsabilité régionale au Liban, je peux vous dire qu'il n'y aurait pas un sac d'ordures qui traîne et qu'il y aurait au moins 5 ou 6 usines d'incinération depuis 40 ans. Imaginons que les tirs en l'air est une responsabilité régionale au Liban, pas un coup de feu ne partirait sans contrôle. La clef serait dans la décentralisation à grande échelle et à tous les niveaux.

    Shou fi

    17 h 18, le 19 août 2018

  • J'habite à Levallois-Perret en banlieue parisienne. Un ami Libanais est venu me dire qu'un employé du supermarché "La Ferme" est peut-être Libanais à cause de son accent "franbanais". Je me rends à "La Ferme", je demande à une employée : Y a-t-il un Libanais chez vous. Elle me répond par l'affirmative. Elle disparaît un court moment et revient avec un jeune, type oriental. Je le salue "Nharak saïd" puis je suis Chahine... Sans me donner son nom, il me demande tout de suite : Mnein ? Je lui réponds : De Jounieh. Il me dit, je suis du Sud, il se retourne 180°. Je ne l'ai plus revu.

    Un Libanais

    14 h 48, le 19 août 2018

  • Pour moi le Liban c'est ma patrie , comme vous voyez de mon nom je suis d'origine grecque, je suis née au Liban ce pays m'a donnée tout je l'aime . N'oubliez pas que les Arméniens et les Grecs qui ont pris la fuite des messacres des Turcs sont venus au Liban en passant par la Syrie, pourquoi ils ne sont pas rester en Syrie , mystère il y avait déjà quelque chose qui n'allait dans ce pays, déjà ...

    Eleni Caridopoulou

    12 h 24, le 19 août 2018

  • Seul pays au monde ou il n’y a pas de libanais: le Liban. Il y a des chretiens des musulmans des druses etc.... Mais des libanais, point.

    Rossignol

    11 h 02, le 19 août 2018

  • J'ai énormément aimé cet article, je remercie l'auteur, pour sa sincérité, sa lucidité et surtout son courage. Je le ressens comme un appel à l'union, il exprime un amour infini pour ce Liban, un cri d'amour, une passion et beaucoup d'espoir.

    Sarkis Serge Tateossian

    10 h 54, le 19 août 2018

  • Pour que les libanais aiment leur pays et deviennent patriotes ils faudraient les expulser 1 an du Liban...tous ...

    HABIBI FRANCAIS

    05 h 27, le 19 août 2018

  • Quel bel article Mr Abinader, criant de vérité. Mais vous ne faites que décrire l’inexistance réelle du Liban état-nation et que ce n’est qu’un amalgame de tribus aux traditions encore médiévales, autocratiques qui ne voient et comprennent le Liban qu’à travers leurs œillères communautaires et surtout religieuses se créant une illusion de vie en commun! Dommage que vous n’avez pas été plus loin dans l’analyse historique du pourquoi de cette situation... En fait, le Liban nation n’a jamais réellement existé et ce n’était qu’une zone de refuge pour toutes les minorités opprimées du monde Arabe en commençant par les maronites puis les autres communautés Chrétiennes suivis par les Chiites puis les Druzes dans la montagne Libanaise, rejoints par les Sunnites sur la Côte et la Békaa au gré des dominations Arabes, Croisées puis Ottomanes et autres. Donc amalgame de tribus aux croyances religieuses antagonistes mais aux mœurs similaires qui se toléraient, inter réagissaient, se faisaient la guerre de temps en temps, et même s'unissaient parfois contre des ennemis communs et faisaient des alliances externes multiples pour assurer leur survie... Jusqu’à la chute de l’Empire Ottoman et le dépeçage de la région tel qu’on l’a connait aujourd’hui dont la création de ce Liban artificiel et qui n’a rien changé au problème de fond qui perdure à ce jour... J’espère donc que dans un prochain article, vous pourriez mieux détailler pourquoi « le Liban n’existe pas ».

    Saliba Nouhad

    16 h 57, le 18 août 2018

  • SI MONSIEUR. IL EXISTE EN NOM ! AUTREMENT IL Y A DES LIBANS QU,ON EST DETERMINE A SCINDER... A QUAND LA GRANDE MOUTURE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 15, le 17 août 2018

  • """ Pour bâtir une nation, il faut agir.Cependant pour agir, il faut s’unir, et pour s’unir, il faut s’accorder autour d’un même objectif et, dans notre cas, autour d’une même conceptualisation du Liban """ on n'a de cesse de repeter l'amère verite que celle decrite ci-haut ! VISION D'UN LIBAN , 1 SEULE UNIQUE VISION. mais aussi l'on repete toujours, encore & encore : comment y aboutir ? quelle recette pour un remede miracle ? que faire si c impossible d'y arriver, garder le peuple ss leur joug ? l'obliger de continuer a vivre l'enfer,l'epee de damocles suspendue, et tres bien en vue pour le soumettre + & + assurement ? serait-ce revenir a l'idee saugrenue de division de ce bout de territoire en autant de parties invivables & non-viables ? en tenant compte de la possible manne petro/gaziere ?

    Gaby SIOUFI

    11 h 52, le 17 août 2018

Retour en haut