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Moyen Orient et Monde - Interview

« Il n’est pas sûr qu’au sein du système iranien, il y ait une solution pour répondre à l’escalade US »

Clément Therme, chercheur à l’IISS de Londres, décrypte pour « L’Orient-Le Jour » les dynamiques internes dans la République islamique face à l’offensive de la Maison-Blanche.

Le président iranien, Hassan Rohani. Atta Kenare/AFP

Les États-Unis ont rétabli la semaine dernière leurs sanctions économiques contre l’Iran dans l’espoir, à terme, de pousser la population à se rebeller contre le régime. Dans un entretien avec L’Orient-Le Jour, Clément Therme, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres, fait un point sur la situation en estimant notamment que les dynamiques internes demeurent centrales dans la politique iranienne.

Les durs du régime peuvent-ils tirer profit des sanctions américaines sur le plan économique ?
La baisse de la rente pétrolière va appauvrir la population, mais aussi les clientèles du régime. Sur le plan économique, personne ne ressort gagnant de ces sanctions. La politique d’ouverture du président iranien Hassan Rohani sur le plan économique enrichissait les entreprises proches des gardiens de la révolution et de l’État profond. L’abandon des projets avec les Chinois ou les Européens va coûter à l’ensemble du système. Certaines exportations dans la légalité vont passer dans l’informel. Mais là encore, c’est très dangereux pour l’État, puisque quand la part du secteur informel dans l’économie est trop grande, elle fragilise les institutions et tend à augmenter la corruption.


   

Et sur le plan idéologique ?
Sur le plan idéologique, les plus radicaux, dans leur façon de voir les choses, pensent qu’ils sont gagnants. Ils développent un discours sur l’économie de résistance, sur l’indépendance économique du pays, mais celui-ci n’est pas en rapport avec la réalité économique de l’Iran. La rhétorique des durs est quelque part confirmée par les sanctions américaines, alors qu’ils sont aussi responsables de la situation actuelle, notamment car ils ont tout fait pour limiter l’ouverture du président Rohani. Durant le mandat du président Obama, ils ont empêché Rohani de parler des autres grands dossiers, hors la question du nucléaire, alors que Rohani voulait utiliser le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA, l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien) comme un modèle pour régler les autres contentieux (missiles balistiques, politique régionale de Téhéran).

Rohani semble être le plus affaibli par cette situation. Peut-il résister aux sanctions américaines alors qu’il avait fait du développement économique son principal argument électoral ?
Les manifestations socio-politiques aux motifs économiques sont actuellement l’élément principal du jeu politique interne. Elles mettent en exergue l’échec du président Rohani. Néanmoins, face à cela, les conservateurs n’ont pas d’alternative positive à proposer face au désaveu, au rejet de la population envers les institutions du système.
Que M. Rohani porte l’échec de l’ouverture n’est pas un phénomène nouveau, l’ancien président réformateur Mohammad Khatami l’avait porté avant lui. Dans le système politique de la République islamique, la réforme ne fonctionne pas. Il y a eu des tentatives depuis les années 90 jusqu’à Ahmadinejad, puis de nouveau avec Rohani. C’est un système autobloquant en raison de son autoritarisme fragmenté. Il n’y a pas un seul centre de pouvoir comme dans les dictatures traditionnelles, mais plusieurs institutions parallèles qui se bloquent entre elles puisque tout le monde cherche le statu quo.


(Lire aussi : Les sanctions contre l’Iran, un risque pour l’offre pétrolière, estime l’AIE)



Aucun membre du régime ne semble être épargné par les critiques des manifestants...
Les membres du régime ont fait la révolution au nom des plus pauvres, des déshérités, mais ils apparaissent aujourd’hui, pour une partie de la population, comme une caste de privilégiés. Il y a une dichotomie entre leurs discours et le système économique iranien. Le système est ultracapitaliste, même s’il y a redistribution ou subvention des produits. L’économie islamiste n’est pas marxiste. Alors qu’il y a un discours qui est parfois marxisant ou qui emprunte des éléments au marxisme. Il y a une contradiction entre la volonté de faire du business et le maintien, dans le même temps, dans la prière du vendredi des discours antiaméricains. La mondialisation économique est pourtant dominée par les normes américaines.
D’une certaine manière, le modèle promu par Rohani ne pouvait tenir qu’avec Obama, qui cherchait une ouverture avec l’Iran. Trump place le projet politico-économique de Rohani face à ses contradictions. C’est-à-dire d’un côté un discours contestataire du système international, avec la rhétorique de la défense des déshérités, et d’un autre côté un fonctionnement économique très capitaliste.


(Lire aussi : Bloquer le détroit d’Ormuz : carte maîtresse ou coup de bluff iranien ?)



Les durs peuvent-ils mettre en place un régime militaire et écarter Rohani et ses alliés ?
C’est une éventualité, mais impossible à prédire pour le moment. Le poids des gardiens de la révolution a augmenté depuis 2007-2009. Face aux contestations populaires, il y a un risque que l’appareil sécuritaire iranien prenne plus de pouvoir, notamment via une politique répressive pour contrer la baisse de légitimité politique du président et du guide. Les sanctions américaines accélèrent ce phénomène interne, puisqu’il est difficile de vendre une politique plus modérée vis-à-vis des États-Unis aujourd’hui en Iran. Cela dit, l’instauration d’un régime militaire serait un jeu dangereux, puisque plus on réprime et plus le mécontentement augmente. En définitive, il n’est pas sûr qu’au sein du système, il y ait une solution pour répondre à ce que j’appelle l’escalade américaine.


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TOUT EST POSSIBLE EN IRAN !

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

13 h 42, le 13 août 2018

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  • TOUT EST POSSIBLE EN IRAN !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    13 h 42, le 13 août 2018

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