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À La Une - Société

Au Liban, des volontaires dépassent les tabous pour lutter contre le suicide

Un groupe de professionnels de santé et de bénévoles ont lancé fin 2017 avec l'ONG Embrace le premier numéro vert (1564) de prévention contre le suicide.

Des volontaires libanaises au téléphone dans les locaux d'Embrace Lifeline, une association de prévention de suicide à Beyrouth, le 13 juillet 2018. AFP / ANWAR AMRO

Le long du front de mer de Beyrouth, Nour Safieddine, 24 ans, dépasse des promeneurs déambulant en fin d'après-midi. Vêtue d'un tee-shirt rose vif, la journaliste court pour survivre. "Je cours pour pouvoir continuer, pour que la vie puisse me sourire après m'avoir fait pleurer ou plutôt pour ne pas succomber aux pensées suicidaires qui m'ont traversé l'esprit", a-t-elle expliqué récemment dans un courageux et rare témoignage sur sa dépression sur les réseaux sociaux.

Au Liban, les problèmes de santé mentale et les suicides sont un sujet tabou. Le christianisme et l'islam, les deux principales et très influentes religions du pays, condamnent le suicide. Par peur d'être victimes de l'opprobre de la société, les familles préfèrent souvent dissimuler les suicides, compliquant la lutte contre ce phénomène. "Certaines préfèrent dire que leur proche est tombé par peur d'être stigmatisées", explique Nour Kik du ministère de la Santé. Une étude réalisée en 2008 a estimé qu'un adulte libanais sur trois développera un trouble mental avant l'âge de 75 ans.

Ravagé par une guerre civile de 15 ans (1975-1990), le Liban porte encore les stigmates de ce conflit avec des crises politiques à répétition. Les inégalités sociales restent par ailleurs très fortes.

Le taux de suicide a récemment augmenté de manière alarmante mais les chiffres pourraient ne recouvrir qu'une partie de la réalité. Au cours des sept premiers mois de 2018, 89 personnes se sont donné la mort, contre 143 sur l'ensemble de 2017, selon les Forces de sécurité intérieure (FSI).
En moyenne, une personne se suicide environ tous les deux jours et demi dans ce petit pays méditerranéen, selon les derniers chiffres.


(Pour mémoire : Quand des jeunes partagent leur expérience de la maladie mentale)


Énergie positive
Pour secouer les mentalités et sauver des vies, de jeunes Libanais comme Nour Safieddine ont décidé de témoigner ouvertement du malaise profond qui les ronge ou de s'engager bénévolement. 
Tombée dans une dépression paralysante après la mort soudaine de sa soeur et de son père il y a environ un an, Nour a partagé son expérience sur les réseaux sociaux, racontant également comment la course lui a permis de lutter contre la douleur.

"J'ai décidé de donner de l'énergie positive à ces gens et je veux leur rappeler que la vie vaut la peine d'être vécue", dit cette coureuse au corps élancé. Les réactions positives ont afflué. "J'ai réalisé que mon expérience était similaire à celle de nombreuses personnes qui n'osaient pas parler", raconte-t-elle.

Un groupe de professionnels de santé et de bénévoles ont eux lancé fin 2017 le premier numéro vert (1564) de prévention contre le suicide. Baptisée "Embrace Lifeline", la ligne a déjà reçu 600 appels depuis novembre, précise Omar Ghosn, psychiatre et membre du conseil d'administration de l'association à l'origine de l'initiative.

Dans un petit bureau du centre de Beyrouth, environ 45 volontaires se relaient pour répondre aux appels des personnes en détresse ou de leurs familles et amis. "Les personnes qui appellent sont des femmes et des hommes de tout âge" dont beaucoup d'adolescents, dit Sally, une bénévole qui préfère taire son nom de famille. "J'ai reçu beaucoup d'appels d'hommes âgés" qui souvent sans travail ni retraite peinent à se nourrir ou à se loger, raconte cette étudiante en psychologie de 22 ans.


(Pour mémoire : Le suicide ? Parlons-en...)


"Les écouter pleurer"
"90% des personnes qui tentent de se suicider souffrent d'un trouble mental qui peut être soigné", explique Nour Kik, du programme public de bien-être mental lancé en 2014 par le ministère de la Santé. "Nous oeuvrons à rendre les services plus accessibles".

Le fléau n'épargne pas les réfugiés syriens vivant au Liban dans des conditions d'extrême pauvreté et qui sont parfois confrontés à des discriminations, après avoir fui la guerre ravageant leur pays depuis plus de sept ans.  En 2014, un rapport de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) indiquait que 41% des jeunes Syriens au Liban avaient déjà envisagé le suicide.

Fadi, un Syrien de 37 ans, a rejoint l'équipe de bénévoles d'"Embrace Lifeline". Il tente de faire surmonter leurs problèmes à ses interlocuteurs en mettant en avant leurs accomplissements. Mais, "parfois, ils ont juste besoin de quelqu'un qui les écoute pleurer", confie-t-il.

Son engagement a été encore renforcé en avril après être intervenu lors de la tentative de suicide d'un Syrien âgé d'une quarantaine d'années, qui menaçait de se jeter d'une falaise à Beyrouth devant des passants totalement indifférents. "Ils mangeaient des graines de tournesol et observaient la scène comme s'ils regardaient un film au cinéma", déplore-t-il. "La société entière a besoin de séances de sensibilisation". Fadi a fini par gagner la confiance de l'homme en lui offrant son manteau. Il l'a ensuite convaincu de ne pas sauter.

Le long du front de mer de Beyrouth, Nour Safieddine, 24 ans, dépasse des promeneurs déambulant en fin d'après-midi. Vêtue d'un tee-shirt rose vif, la journaliste court pour survivre. "Je cours pour pouvoir continuer, pour que la vie puisse me sourire après m'avoir fait pleurer ou plutôt pour ne pas succomber aux pensées suicidaires qui m'ont traversé l'esprit", a-t-elle ...

commentaires (5)

90PCT DES SUICIDES ONT POUR CAUSE LA SITUATION MATERIELLE. POUR LES ERADIQUER IL FAUT VENIR A L,AIDE DIRECTE OU EN TROUVANT DU TRAVAIL AUX GENS QUE LE SUICIDE HANTE !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 12, le 06 août 2018

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Commentaires (5)

  • 90PCT DES SUICIDES ONT POUR CAUSE LA SITUATION MATERIELLE. POUR LES ERADIQUER IL FAUT VENIR A L,AIDE DIRECTE OU EN TROUVANT DU TRAVAIL AUX GENS QUE LE SUICIDE HANTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 12, le 06 août 2018

  • Bravo et félicitations aux braves bénévoles de tout âge! Leur dévotion est une belle oeuvre de charité et d' amour envers le prochain en détresse! Vous êtes semblables à l'oasis dans ce désert qu' est devenu le Liban. Bon courage et bonne chance à vous tous et toutes!

    Zaarour Beatriz

    22 h 57, le 05 août 2018

  • On ne peut que saluer cette initiative dans un pays ou l'Homme n'a aucune chance pour bien vivre .

    Antoine Sabbagha

    18 h 22, le 05 août 2018

  • S'il y a un secteur où l'état et les ONG doivent s'impliquer sérieusement c'est bien celui-ci. Apaiser la souffrance mentale et physique des libanais en général. Une grande partie des citoyens libanais sont traumatisés par cette guerre et les tensions à répétitions qui s'en est suivi. Respects et affections à toutes ces personnes et familles affectées par ce fléau.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 19, le 05 août 2018

  • Bravo pour cette initiative.

    Hyam Kahi

    07 h 27, le 05 août 2018

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