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Moyen Orient et Monde - Focus

Ahed Tamimi, incarnation de la nouvelle forme de résistance palestinienne ?

La génération montante est déterminée à prendre son destin en main.

Ahed Tamimi embrasse la pierre tombale du dirigeant palestinien Yasser Arafat à son mausolée de Ramallah en Cisjordanie occupée, le 29 juillet 2018. Abbas Momani/AFP

Après huit mois derrière les barreaux pour « agressions » et « menaces » à l’encontre de soldats, ainsi que pour « incitation » et « jet de projectiles sur une personne ou sur une propriété », la jeune Palestinienne Ahed Tamimi a été libérée dimanche dernier ainsi que sa mère. Cette dernière avait, pour sa part, été condamnée pour « incitation », après avoir publié sur les réseaux sociaux la vidéo montrant sa fille giflant un des deux soldats israéliens postés à l’entrée de sa propriété familiale dans la localité de Nabi Saleh en Cisjordanie, village notoire pour sa contestation contre l’occupation israélienne.Devenue un symbole de résistance pour certains Palestiniens, cette adolescente de dix-sept ans, qui aurait déclaré au terme de son procès à huis clos qu’il n’y avait « pas de justice sous occupation », a passé les moments qui ont suivi sa libération entre entrevues médiatiques et conversations avec des dirigeants politiques, tels que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui lui a téléphoné quelques heures après sa sortie de prison pour la saluer et la féliciter selon la presse turque, et le président palestinien Mahmoud Abbas qui l’a reçue à Ramallah, ainsi que sa famille, dimanche dernier.

À peine sortie de prison, Ahed Tamimi donnait donc son avis sur presque tous les dossiers locaux épineux, que ce soit pour soutenir la grande marche du retour, les familles du village de Khan el-Ahmar menacées d’expulsions, ou encore pour revendiquer la ville de Jérusalem comme capitale de l’État palestinien, alors que les États-Unis y ont transféré leur ambassade auprès d’Israël.
Celle qui a passé ses examens de fin d’études scolaires en prison a aussi suivi des cours de droit international et de droits de l’homme, proposés par des codétenus, pour « connaître les droits pour lesquels nous nous battons » et a pris la décision « d’étudier le droit pour porter la cause palestinienne » et les cas de Palestiniens victimes d’injustices aux tribunaux internationaux.
La jeune femme est sortie gagnante aux yeux de l’opinion publique palestinienne de sa confrontation avec l’armée israélienne. Sa tactique n’est peut-être pas réfléchie et ressemble plus à de la spontanéité de la part d’une jeune fille venant d’un village et d’une famille connus pour leur mobilisation active contre l’armée israélienne, mais cette tactique-là marche bien. « En donnant une paire de claques (à un militaire israélien), elle a attiré l’attention sur les Palestiniens alors qu’ils se trouvaient dans l’indifférence générale », note pour L’Orient-Le Jour Xavier Baron, ancien directeur régional de l’AFP au Proche-Orient et auteur d’une dizaine d’ouvrages dont Les Palestiniens : genèse d’une nation.


(Lire aussi : Ahed Tamimi : "Je n'ai rien fait de mal que je puisse regretter")


Cette nouvelle icône palestinienne, une jeune adolescente aux boucles dorées, contraste avec la génération précédente des fedayine qui semble révolue. Aujourd’hui, les jeunes Palestiniens semblent inventer une nouvelle forme de résistance échappant aux mouvements traditionnels palestiniens.
Le président Abbas l’a décrit comme un « modèle de la résistance palestinienne » ; résistance dont les meilleurs, pour ne pas dire les seuls, résultats de ces dernières années ont été enregistrés par celles et ceux qui, comme Tamimi, ont opté pour la résistance populaire et non violente. « La plupart des Palestiniens soutiennent cette approche, les gens y croient, mais il n’y a pas de futur pour ce type de résistance avec le leadership actuel », souligne Hamada Jaber, membre du bureau exécutif de la One State Foundation, association qui promeut un État unique, interrogé par L’OLJ.
Ces derniers temps, il ya eu notamment le mouvement BDS (boycott, désinvestissement et sanctions), qui « a remporté un certain succès », rappelle M. Baron ; ainsi que la récente grande marche du retour à Gaza, initiée par la société civile, sans le Hamas, qui a plutôt misé pour sa part sur la récupération politique. L’année dernière, il y a eu l’affaire Bassel el-Araj, jeune militant palestinien qui avait, en dehors du cadre des factions politiques palestiniennes, mené une lutte pacifique et intellectuelle, avant d’opter pour la violence et d’être arrêté par l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. Il a par la suite été libéré, puis tué quelque temps plus tard par l’armée israélienne à Ramallah. Cette affaire a suscité l’indignation de plusieurs Palestiniens qui ont accusé l’Autorité palestinienne de se comporter en « sous-traitant de l’occupation ».


(Pour mémoire : Ahed Tamimi agressée verbalement et psychologiquement, accuse sa famille)


Ce scepticisme à l’égard de l’Autorité palestinienne est mis en lumière dans les résultats d’une étude menée par le Centre palestinien pour la recherche sur les politiques et les sondages en juin dernier. Selon celle-ci, dont l’échantillon est de 2 150 adultes répartis sur 127 localités, 69 % des personnes interrogées ne croient pas à l’engagement de l’Autorité palestinienne et 42 % d’entre eux soutiennent sa dissolution. « L’Autorité palestinienne donne l’illusion au monde que nous avons un État, nous devrions la dissoudre pour montrer au monde que nous sommes vraiment sous occupation, et à ce moment-là nous serons unis contre l’apartheid et beaucoup d’Israéliens seront avec nous », martèle M. Jaber.

La crise de légitimité des factions politiques traditionnelles est le miroir inversé du soutien que la jeune Ahed Tamimi et d’autres individus ou groupes émanant de bases populaires reçoivent. Des groupes qui, de plus, enregistrent certains succès, comme le BDS. Cette crise de légitimité pourrait être atténuée par un accord sur l’organisation d’élections entre le Hamas et le Fateh qui tiennent actuellement des pourparlers en Égypte. Mais après treize ans sans élections et avec une génération motivée à prendre son destin en main, la politique et la société palestiniennes pourraient entrer dans une nouvelle phase.


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commentaires (4)

En tous cas elle a de la chance d'etre arretee par l'Armee Israelienne et non pas par les services de securite de l'Autorite Palestinienne ou celle d'autres pays arabes. Elle ne serait pas revenue en vie....

IMB a SPO

17 h 20, le 03 août 2018

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Commentaires (4)

  • En tous cas elle a de la chance d'etre arretee par l'Armee Israelienne et non pas par les services de securite de l'Autorite Palestinienne ou celle d'autres pays arabes. Elle ne serait pas revenue en vie....

    IMB a SPO

    17 h 20, le 03 août 2018

  • le mausolee de arafat ? qu'on le veuille ou pas, les dirigeants du peuple palestinien , tous bords confondus, n'ont toujours pas presente leurs excuses45 ans + tard- au peuple libanais qui a tant souffert des crimes commis au Liban par arafat et Co.

    Gaby SIOUFI

    10 h 02, le 03 août 2018

  • PRIERE LIRE UN PEUPLE QUI N,ABANDONNE PAS SES DROITS ETC... MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 03, le 03 août 2018

  • LES PALESTINIENS UN PEUPLE QUI N,ABANDONNENT PAS SES DROITS. HELAS ON NE PEUT PAS DIRE LA MEME CHOSE DE TOUS SES DIRIGEANTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 08, le 03 août 2018

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