Les semaines passent et l’illusion que l’« accord du siècle » entre Israéliens et Palestiniens est juste derrière le rideau s’étiole de plus en plus. La petite équipe emmenée par Jared Kushner, conseiller et gendre de Donald Trump, et Jason Greenblatt, représentant spécial du président américain pour les relations internationales, a fait la tournée des capitales arabes partenaires fin juin, afin de colmater la chaise vide de l’Autorité palestinienne avec l’approbation régionale. Ramallah boycotte en effet Washington depuis sa reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale israélienne.
Un des motifs de la décision américaine était de créer un fait accompli sur le principal point d’achoppement des négociations, les capitales respectives des futurs États voisins, afin d’accélérer le processus aux forceps. Mais les pays arabes, parties prenantes aux négociations, n’obliqueront pas si facilement du problème Jérusalem. L’agence Reuters a rapporté dimanche que Riyad et d’autres chancelleries arabes soutiendraient le plan de paix américain, seulement s’il comprenait Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien. L’information aurait été confirmée au Haaretz par deux diplomates impliqués dans le dossier. Elle contredit les nombreuses rumeurs qui avaient circulé ces derniers mois sur le fait que le royaume saoudien serait prêt à abandonner les Palestiniens, en faisant notamment d’Abu Dis la capitale de consolation d’un État palestinien formé sur des parties non contiguës de la Cisjordanie.
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Question iranienne et question palestinienne
Que Riyad prenne aujourd’hui ces rumeurs à revers ne signifie pas forcément qu’elles étaient fausses au moment de leur sortie. Leur compte-rendu le plus sérieux remonte à la période précédant l’initiative de Donald Trump sur Jérusalem. Une source diplomatique a rapporté cette bribe d’échange entre officiels saoudiens et américains : « Ce que nous pouvions faire pour vous avant Jérusalem, nous serions incapables de le faire maintenant », auraient indiqué les premiers aux seconds. L’aveu ramène le rapprochement israélo-saoudien à ses justes proportions : si Israël et l’Arabie saoudite font cause commune contre l’Iran, Riyad dilapidera difficilement son crédit dans le monde arabe en consentant à la décision américaine. « Le rapprochement stratégique entre le royaume saoudien et l’État hébreu n’a pas grand-chose à voir avec le processus de paix israélo-palestinien. Lorsqu’il conçoit ses relations avec Israël, Riyad fait encore la différence entre la question iranienne et la question palestinienne », analyse pour L’Orient-Le Jour Aaron David Miller, un vétéran de l’administration américaine qui a pris part à la médiation entre Israël et l’Autorité palestinienne sous plusieurs mandats républicains et démocrates.
Même si le pouvoir saoudien semble nourrir de moins en moins de sympathie pour la cause palestinienne, il n’a pas intérêt à prendre un engagement aussi dangereux politiquement sur le conflit, à un moment où ses relations avec Israël sont prometteuses. En reconnaissant Jérusalem, Donald Trump a quelque part interdit à ses alliés arabes de prendre davantage de risques sous peine de perdre une partie de leur crédit sur la scène arabe. Quant à savoir pourquoi Riyad effectue maintenant cette clarification, M. Miller estime qu’« il y a eu un malentendu. Je pense que Mohammad Ben Salmane a compris tardivement les implications du plan de Trump ». Riyad n’a donc pas tourné la page de l’initiative de paix arabe de 2002, proposant la normalisation des relations avec Israël en échange de la création d’un État palestinien.
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Problème humanitaire
Washington semble de son côté avoir voulu épargner à ses partenaires et à lui-même les migraines des négociations territoriales en leur substituant un plan économique de développement pour la bande de Gaza. Lors des étapes saoudienne et qatarie de leur tournée de juin, le duo Greenblatt-Kushner aurait essayé de convaincre les monarchies du Golfe d’investir plusieurs centaines de millions de dollars dans la bande de Gaza, pour acheter la paix sociale et instaurer une sorte d’émulation avant la révélation de l’« accord ultime ». Parmi les projets récipiendaires de ces fonds : une infrastructure d’énergie solaire à côté de la ville égyptienne d’al-Arich et une zone portuaire dans le Nord-Sinaï, ainsi qu’une usine de dessalement. Mais Riyad et Abou Dhabi refusent de contribuer à la cagnotte avec le Qatar, contre qui ils mènent un blocus depuis plus d’un an. Une telle approche fait également le jeu d’Israël, car elle réduit Gaza à un problème humanitaire. « Il n’y a pas de plan de sauvetage possible de la bande de Gaza tant qu’un accord diplomatique n’est pas trouvé. Il suffit d’une guerre pour que toutes ces infrastructures ambitieuses soient réduites en poussière. Et nous n’en avons jamais été aussi proches depuis 2014 », conclut Aaron David Miller.
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08 h 00, le 31 juillet 2018