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Liban - Crise

Guerre des prérogatives entre Baabda et le Grand Sérail

Le retour des réfugiés et les appels à une normalisation avec Damas compliqueraient la formation du gouvernement

Saad Hariri a reçu, hier au Sérail, une délégation russe. Photo Dalati et Nohra

Les pressions exercées sur le Premier ministre désigné, Saad Hariri, s’accentuent au fur et à mesure que le temps passe alors que le dossier de la formation du gouvernement continue de faire du surplace. Si elles ont pris plusieurs formes au cours des derniers jours, voire des dernières semaines, elles ont culminé récemment avec le duel à fleurets mouchetés qui a subitement éclaté entre Baabda et le Grand Sérail autour du dossier des réfugiés syriens, et plus précisément autour du plan russe pour un retour progressif de ces personnes chez elles. Une querelle qui porte essentiellement sur une question de prérogatives : Qui de Baabda ou du Sérail a évoqué en premier le dossier du retour avec les Russes et qui est habilité à en assurer le suivi ? Sur cette querelle se greffe cependant une autre problématique plus insidieuse et beaucoup plus grave, celle d’un rétablissement des relations officielles avec Damas, en faveur duquel le camp du 8 Mars, profitant de la dynamique engagée pour un retour des réfugiés syriens, est en train de plaider de nouveau.

Citées dans la presse, des sources proches de Baabda n’ont pas caché leur ressentiment par rapport à la gestion haririenne du dossier des réfugiés, en prenant soin de souligner que c’est le président Michel Aoun qui avait lui-même soulevé le problème « en premier, il y a quatre mois, avec l’ambassadeur de Russie, Alexander Zasypkine, et proposé une programmation progressive du retour des déplacés, indépendamment d’une solution politique en Syrie ». De mêmes sources, on a contesté le projet de formation d’une commission de suivi, proposé par le conseiller de M. Hariri aux affaires russes, Georges Chaabane, estimant qu’une telle initiative devrait être discutée avec la présidence de la République et précisant que le chef de l’État compte en parler avec M. Hariri, maintenant qu’il est de nouveau à Beyrouth. 

La Maison du Centre n’a pas tardé à réagir aux propos attribués aux proches de Baabda, à travers son bureau de presse, en précisant d’emblée, dans un communiqué destiné à mettre les points sur les « i », que Saad Hariri « ne fait la course avec personne », et en rejetant « les surenchères » autour de ce dossier. « Saad Hariri est seulement engagé dans une course contre la montre pour aider les frères syriens et leur assurer un retour sûr et rapide chez eux. Il en appelle à toutes les forces politiques et aux médias, les priant de suivre l’évolution de ce dossier de manière à en favoriser le succès et à éviter de le noyer dans les méandres des tiraillements internes », selon le communiqué.

Répondant indirectement au point selon lequel le président Aoun a été le premier à soulever la question du retour avec les Russes, il y a quatre mois, le bureau de presse a rappelé que M. Saad Hariri a évoqué à deux reprises avec le président russe, Vladimir Poutine, « en septembre puis en juin derniers, la nécessité d’une organisation du retour chez elles, des populations syriennes déplacées, accueillies au Liban ». 

Après avoir indiqué que le Premier ministre désigné « a pris connaissance de son conseiller, Georges Chaabane, des propositions détaillées de Moscou pour un retour des réfugiés syriens se trouvant au Liban et en Jordanie, que Mikhaïl Bogdanov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, lui avait communiqué durant son entretien samedi, avec lui », le bureau de presse a souligné que Saad Hariri « insiste sur le fait que son rôle au niveau du dossier des réfugiés est commandé par ses responsabilités nationales et gouvernementales ». « Il refuse catégoriquement que ce rôle soit rattaché à certaines surenchères et ou à une course politique locale en vue d’acquis médiatiques et populistes inutiles ».


Mécontentement
M. Hariri qui a reçu hier la visite du chargé d’affaires russe, Viacheslav Maksudov, pour des discussions sur les propositions russes, a annoncé qu’il compte en discuter avec le président, d’autant qu’un émissaire russe est attendu jeudi à Beyrouth. Il en a été officiellement notifié par M. Maksudov. 

Rappelons que vendredi, soit quelques jours après le sommet d’Helsinki, entre Vladimir Poutine et Donald Trump, Moscou avait annoncé avoir proposé aux États-Unis l’élaboration d’un plan commun pour le retour des réfugiés syriens chez eux, notamment ceux qui se sont installés en Jordanie et au Liban, ainsi que la création de deux groupes de travail : un premier groupe composé de Russes, d’Américains et de Jordaniens, et un autre similaire au Liban.

L’entretien Michel Aoun-Saad Hariri devrait permettre aux deux hommes d’avoir une conversation de franche explication sur plusieurs dossiers qui fâchent, dont celui du gouvernement, ou encore celui d’une normalisation avec Damas, pour laquelle le courant politique fondé par le président, le CPL, est en train de plaider. 

Il y a quelques jours, des visiteurs de Baabda avaient relayé le mécontentement du chef de l’État qui aurait considéré que M. Hariri ne fournit pas les efforts qu’il faut pour défaire les nœuds chrétien et druze qui bloquent la formation du gouvernement. Il lui aurait notamment reproché d’avoir reçu Samir Geagea, et pas Gebran Bassil, Walid Joumblatt et pas Talal Arslan, pour discuter de la composition de sa nouvelle équipe ministérielle et de ne pas tenir compte des résultats des législatives pour doser la composition du gouvernement. Un gouvernement au sein duquel les ministres FL devraient être au nombre de trois et ceux du PSP au nombre de deux seulement, et qui compterait parmi ses membres des sunnites alliés du Hezbollah. C’est, du moins, la formule que défend notamment le chef du CPL, Gebran Bassil, et à laquelle Saad Hariri, les FL et le PSP s’opposent, dans la mesure où elle équivaut, entre autres, à donner aux partis gravitant dans l’orbite syro-iranienne la minorité de blocage et à ramener le Liban treize ans en arrière, c’est-à-dire à favoriser un retour en force de la Syrie sur la scène locale. 

Parallèlement, prétextant la nécessité d’une relance des exportations libanaises et le plan russe de retour des réfugiés, les composantes du 8 Mars ont intensifié depuis deux semaines leur campagne pour une normalisation à Damas, dont le feu vert avait été donné par M. Bassil, le 14 juillet, à la faveur d’une déclaration faite lors d’une tournée à Batroun. Saad Hariri avait immédiatement réagi en affirmant que cette question devrait être décidée par le gouvernement puisqu’elle détermine la politique étrangère du Liban. À supposer, bien entendu, que celui-ci voie le jour dans un proche avenir. Le bras de fer autour de questions aussi fondamentales que les rapports avec le régime de Bachar el-Assad est de nature à compliquer davantage la mission du Premier ministre désigné qui a répété hier qu’il n’est contraint par aucun délai pour la formation de son équipe.


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Les pressions exercées sur le Premier ministre désigné, Saad Hariri, s’accentuent au fur et à mesure que le temps passe alors que le dossier de la formation du gouvernement continue de faire du surplace. Si elles ont pris plusieurs formes au cours des derniers jours, voire des dernières semaines, elles ont culminé récemment avec le duel à fleurets mouchetés qui a subitement éclaté...

commentaires (3)

Nos super-Nos 1 et 2 ont trouvé un nouveau sujet pour se chamailler: qui a commencé de s'occuper des réfugiés syriens ? ...c'est moi...non !!! c'est pas toi...c'est moi !!! Sont-ils dans une cour d'école ou à la tête d'un pays ? Irène Saïd

Irene Said

13 h 20, le 25 juillet 2018

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Commentaires (3)

  • Nos super-Nos 1 et 2 ont trouvé un nouveau sujet pour se chamailler: qui a commencé de s'occuper des réfugiés syriens ? ...c'est moi...non !!! c'est pas toi...c'est moi !!! Sont-ils dans une cour d'école ou à la tête d'un pays ? Irène Saïd

    Irene Said

    13 h 20, le 25 juillet 2018

  • je dirais AUSSI : Guerre faisant suite aux compromissions , qui elles ont fait fi de la constitution.

    Gaby SIOUFI

    13 h 07, le 25 juillet 2018

  • EMPIETER SUR LES PREROGATIVES DES AUTRES EST DEVENU GENDRISSIMEMENT UN DEFAUT QUI DOIT ETRE ARRETE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 23, le 25 juillet 2018

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