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Liban - Drogue

Les habitants de Brital en colère contre l’armée, le Hezbollah, leurs députés et l’État...

« Qu’ils tuent donc Ali Zeid Ismaïl, mais pourquoi décimer sa famille et punir tout le quartier? » s’interroge le moukhtar de Hammoudiyé.

Une route à Brital dans la Békaa coupée à l’aide de pneus brûlés, le 24 juillet 2018. Photo ANI

La situation était calme dans l’après-midi d’hier dans la Békaa, après une matinée tendue au cours de laquelle les habitants de Hammoudiyé, un quartier de Brital qui avait été le théâtre lundi d’une opération de l’armée contre un baron de la drogue, ont protesté contre la façon de laquelle la perquisition a été menée. Des habitants qui ont exprimé leur colère en bloquant la route internationale par intermittence.  Pour eux, « l’armée aurait dû se contenter de tuer Ali Zeid Ismaïl et non décimer avec lui toute sa famille ». C’est ce qu’a déclaré au téléphone, à L’Orient-Le Jour, Hassan Ismaïl, moukhtar de Hammoudiyé. 

Lundi, huit personnes ont été tuées dans ce quartier, six autres blessées et 41 arrêtées lors de l’opération menée par un commando de l’armée contre l’un des plus importants trafiquants de stupéfiants au Liban, Ali Zeid Ismaïl, âgé de 30 ans et surnommé l’Escobar libanais. 

« Je veux bien qu’ils le tuent. C’est un hélicoptère qui a tiré en sa direction, le tuant sur-le-champ. Il a été le premier à être ciblé. Pourquoi l’hélicoptère a continué à tirer sur sa mère, son oncle et son cousin ? Ce même hélicoptère a tiré sur une voiture qui passait dans le village, tuant ses occupants », s’insurge Hassan Ismaïl. « L’épouse de Ali Zeid Ismaïl a été blessée alors que ses deux enfants âgés de 5 et 2 ans sont sains et saufs », rapporte-t-il. « J’étais au sérail de Baalbeck quand tout cela s’est passé. Ma femme et ma fille étaient à la maison. Elles sont restées bloquées durant des heures. Le quartier, qui compte environ 400 habitants, a vécu des heures bien noires lundi », poursuit-il. « Je veux bien qu’ils veuillent en finir avec Ali Zeid Ismaïl, mais pourquoi ont-ils puni tout le quartier ? Est-ce que les sept autres tués, les six blessés et les 41 personnes arrêtées sont tous des trafiquants de drogue ? » demande-t-il encore.


Drapeau du Hezbollah en flammes
 « Ali Zeid Ismaïl est trafiquant de drogue, mais est-ce qu’ils (l’État) nous ont laissé le choix ? Nous vivons dans l’indigence alors que nos leaders se remplissent les poches. Ils nous parlent de religion et de martyre et s’enrichissent à nos dépens. Maintenant ils veulent légaliser la drogue aussi pour se remplir les poches. Vous pensez que ce sont les agriculteurs ou les petits trafiquants qui en profiteront ? Ce sont nos dirigeants qui feront encore des millions sur notre dos », lance-t-il. Hassan Ismaïl faisait ainsi référence au projet, évoqué ces derniers jours notamment par le président du Parlement, Nabih Berry, de légaliser le cannabis à des fins thérapeutiques. Il s’agit d’une des propositions émises par le cabinet de conseil international McKinsey dans son plan pour diversifier l’économie libanaise.

Les habitants de Brital savent désormais qu’ils ont été lâchés par les autorités et les partis politiques qui les protégeaient. Un calicot a été accroché à l’entrée du quartier par le clan Ismaïl qui enterrera aujourd’hui à la prière du midi à Brital les personnes qui ont été tuées lors de l’opération de la troupe. Il annonce que le clan refusera de recevoir les députés et les responsables de partis de la Békaa qui se rendront au village pour présenter leurs condoléances car « ils sont les complices de ceux qui ont commis cet odieux crime ».  L’armée devait remettre dans l’après-midi d’hier les corps de Ali Zeid Ismaïl et ses proches à la famille. 

Dans un entretien téléphonique avec L’Orient-le Jour, le président du conseil municipal de Brital, Ali Mazloum, a appelé à ce qu’une « enquête soit menée pour tirer au clair ce qui s’est passé lundi et pour quelles raisons l’opération de l’armée a été menée de la sorte ». 

Tout au long de la journée d’hier, des routes ont été coupées par intermittence à l’aide de pneus en flammes en guise de protestation, notamment sur l’autoroute internationale au niveau de Brital et de Hay el-Charawné à Baalbeck, bloquant durant des heures la circulation et nécessitant l’intervention des militaires. Des jeunes de la localité ont également brûlé des drapeaux du Hezbollah. Certains d’entre eux se sont insurgés contre le député et ministre du Hezbollah Hussein Hajj Hassan. « Nous n’avons pas besoin d’être protégés. Nous sommes livrés à nous-mêmes, mais nous sommes capables d’assurer notre propre protection », a martelé l’un d’eux. 

Négociations depuis décembre 2017
Une source proche de l’armée libanaise a indiqué à l’agence al-Markaziya que « cinq des huit cadavres de l’opération de lundi ont été identifiés, ils sont tous recherchés par la justice ». Cette source a rappelé que « 2 941 mandats d’amener avaient été émis contre Ali Zeid Ismaïl au cours des années écoulées » et estimé que « cette opération devrait être prise en exemple car la troupe compte entreprendre des actions similaires contre d’autres trafiquants de drogue ». 

 « Cette opération n’aurait pas dû constituer une surprise pour les habitants de Baalbeck. Depuis décembre 2017, l’armée négocie avec les chefs de clan pour encourager la coopération avec les habitants et inciter les personnes recherchées par la justice à se présenter aux autorités afin de régulariser leur situation », a révélé la source de l’armée, estimant que « l’opération de lundi est propre. La troupe a encerclé la maison de Ali Zeid Ismaïl et s’est adressée à l’aide d’un haut-parleur à ceux qui l’habitent les appelant à se rendre. Mais ils n’ont pas respecté les ordres ». 

Par ailleurs, lors d’une visite au chef de l’État, Michel Aoun, Jamil Sayed, député de la Békaa, a rendu hommage à l’armée, soulignant que « la troupe a fait son devoir et respecte la vie des citoyens, même si certains hors-la-loi les utilisent comme boucliers humains ». « Je suis sûr que l’armée dissipera tout malentendu avec les habitants de Brital concernant l’opération de lundi », a-t-il souligné en conclusion.


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Antoine Sabbagha

17 h 34, le 25 juillet 2018

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Commentaires (2)

  • Y a-t-il une justice sur cette terre ? Question si souvent posée et jamais vraiment répondue !

    Antoine Sabbagha

    17 h 34, le 25 juillet 2018

  • Quand on vote avec les pieds ...

    Khalil S.

    08 h 42, le 25 juillet 2018

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