C’est une question qui se pose régulièrement et qui reste sans réponse pour différentes raisons. Mais ce qui nous pousse aujourd’hui à la reposer de façon publique, c’est la situation inadmissible dans laquelle nous nous trouvons. Le 6 juillet 2018, les journaux avaient consacré leurs unes à ce titre : « La corruption dans le secteur public à l’ordre du jour avec la découverte du paiement des salaires de milliers d’absents ».
L’information détaillée montre que des personnes décédées continuent de toucher leur pension de retraite, ainsi que de nombreux fonctionnaires qui ne mettent pas les pieds dans leurs bureaux et reçoivent pourtant leurs salaires, sans le moindre contrôle ou sans la moindre mise en cause. De même, les données personnelles et les secrets de plusieurs services de sécurité ont été piratés. Si c’est le cas du service public, que dire du secteur privé, où les injustices se multiplient, que ce soit au niveau des salaires ou des licenciements, au point que les gens ont à peine la possibilité de survivre, en parant au plus pressé ?
Si nous évoquons la corruption, il ne nous reste plus qu’à soupirer et à baisser les bras par impuissance. À mon avis, la loi a transformé cette cause au point qu’elle ressemble désormais à celle de l’âne qui transporte de l’or. Cet âne est comme un pont que la corruption traverse pour aller d’une rive à l’autre, sans que lui n’en prenne conscience ou alors avec sa complicité, ou encore parce qu’il est trop faible pour protester.
Cette situation me rappelle une histoire vraie. Le cousin du président Fouad Chéhab avait apporté une formalité à faire à Élias Sarkis qui était à l’époque le directeur de la Cour des comptes. Le cousin précité est venu la prendre, mais quelle n’a été sa surprise de voir que Sarkis ne l’avait pas signée, car elle était illégale. Il lui dit alors : « Je suis le cousin du président ! » Comme Sarkis refusait toujours, il a pris la formalité et s’est rendu directement chez le président Chéhab pour se plaindre : « Je lui ai dit que j’étais votre cousin, et malgré cela, il a refusé de signer la formalité », lui a-t-il lancé. Le président a répondu : « Retourne chez lui demain et tiens-moi au courant de la suite. » Le lendemain, le cousin se rend chez Sarkis qui reste sur sa position de refus. Le troisième jour, le téléphone sonne au bureau d’Élias Sarkis. C’était le président qui le convoquait chez lui. Sarkis se rend à la convocation, l’angoisse au ventre, convaincu qu’il allait être licencié. Une fois chez le chef de l’État, ce dernier lui remet une enveloppe. Élias Sarkis l’ouvre et en tire une lettre. Le président lui demande d’en lire le contenu à haute voix.
Dans la lettre, il est dit que le chef de la Cour des comptes Élias Sarkis est nommé par décret présidentiel gouverneur de la Banque centrale. C’est la fonction qu’il a d’ailleurs occupée jusqu’à son élection à la présidence de la République libanaise. Il faut préciser que tout au long de son mandat de six ans, aucun de ses proches n’a profité des avantages de sa fonction, ni matériellement ni moralement.
Dans le même sillage, 125 fonctionnaires ont été condamnés à mort en Chine pour corruption et la peine de mort par tirs directs a été exécutée. Certes, nous ne demandons pas des condamnations aussi lourdes. Mais au moins que les fonctionnaires qui refusent, après des avertissements, de cesser de pratiquer la corruption soient licenciés sans indemnités, avec même une peine de prison. On ne peut plus continuer à faire comme si de rien n’était, parce que la corruption grandit et c’est le désordre total qui en découle.
Cela pour l’administration. Sur le plan sécuritaire, il ne se passe pas un seul jour sans qu’il y ait un crime, pas seulement dans une région précise, mais un peu partout. Si l’on dit que la sécurité est bien tenue, comment expliquer alors ces résultats effrayants ? Les services de sécurité et les institutions judiciaires doivent aborder ce problème avec fermeté pour mettre un terme aux exactions qui portent atteinte à la sécurité des citoyens.
Un dernier mot sur le plan politique. N’est-il pas temps de choisir des ministres compétents pour leur confier les portefeuilles qui relèvent de leurs compétences, loin des émotions, des partis pris et des intérêts particuliers ? Si le choix se fait sur cette base, tous ceux qui affirment aimer le pays et vouloir son bien ainsi que celui des citoyens devraient l’approuver. C’est ainsi que seront préservées la dignité, la liberté et l’indépendance du pays.
* Président de l’ordre des journalistes
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commentaires (3)
Mon anecdote sur l'intégrité du Président Fouad Chéhab est tirée du An-Nahar du 17 novembre 2007. Dont acte.
Un Libanais
19 h 27, le 19 juillet 2018