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Liban - Reportage

Policières en short à Broummana : l’initiative qui divise

Depuis le 15 juin, des agentes en tenue courte ont fait leur apparition dans les rues de la localité sur une idée du président du conseil municipal, Pierre Achkar.

Sifflet aux lèvres, Samantha Saad participe à la régulation du trafic dans la rue principale de Broummana. Photo Marion Lefèvre

Dix-huit heures. Les policières de Broummana se déploient le long de la rue principale de la ville. Mini-short noir moulant et béret rouge orné d’un cèdre enfoncé sur la tête, les jeunes étudiantes recrutées pour l’été par la municipalité régulent la circulation des voitures, nombreuses à cette heure. Minces et jolies, elles ont toutes entre 18 et 25 ans. À leurs côtés, une vingtaine de leurs homologues masculins sont vêtus plus classiquement d’un gilet jaune et d’un pantalon noir. « C’est un travail pour l’été. Je m’amuse et je gagne de l’argent », explique Chloé Khalifé, l’une des policières. À 18 ans, elle est étudiante à Beyrouth. « Peu m’importe ce que les gens disent, je porte ce genre de choses tous les jours, affirme-t-elle. C’est normal. » Sifflet autour du cou, elle contrôle, avec son collègue, la circulation sur cet axe très fréquenté.

Depuis le 15 juin, ces jeunes femmes sont au cœur d’une polémique qui a enflé sur les réseaux sociaux et dans les médias du monde entier. En cause, la décision du président du conseil municipal, Pierre Achkar, de recruter des jeunes femmes et de leur demander de s’habiller légèrement de manière à « montrer que le Liban est un pays avant-gardiste, un pays moderne ». Pierre Achkar est également président du syndicat des hôteliers du Liban. Il souhaite par cette initiative montrer aux touristes occidentaux « qu’ils peuvent être reçus normalement ». Il explique ne pas avoir davantage de précisions concernant les critères physiques du recrutement des policières. Leurs collègues masculins, eux, ne portent pas de shorts, car selon lui, une femme en short serait « plus esthétique » qu’un homme dans la même tenue.


(Pour mémoire : A Mina, des femmes en uniforme règlent la circulation)


« Pas un problème » ou « pas acceptable » ?
Samantha Saad, 20 ans et étudiante en droit à l’Université de La Sagesse à Beyrouth, partage la vision de Pierre Achkar. Elle l’a déjà expliqué à nombre de médias depuis sa prise de fonctions, à la mi-juin. Parfaitement maquillée et le sourire aux lèvres, elle se dit fière d’être policière à Broummana. Porter des shorts « ne me pose pas de problème, parce qu’ils ne sont pas trop courts ». « Les gens qui passent m’ont dit que ces nouveaux vêtements étaient jolis et spéciaux », raconte l’étudiante. Pour elle, c’est une manière comme une autre d’encourager les femmes à investir les métiers encore majoritairement masculins.

« Pour moi, c’est une bonne chose. Elles sont toujours souriantes, contrairement aux hommes. Elles se disent qu’elles sont belles et elles sourient. C’est très bien », résume Johnny Melki, gérant d’un bar de la rue principale. Quelques rues plus loin, derrière sa caisse dans un supermarché, Georges Badran hausse les épaules avec indifférence. « Elles sont là surtout pour faire bonne presse pour Broummana, lâche-t-il, en encaissant de ses clients. Elles mettent leurs sifflets, leurs shorts, et elles se tiennent là. Elles ne font presque rien. »

D’un magasin à l’autre, pas de consensus entre les habitants de Broummana. Certains commerçants s’indignent face à ce qu’ils considèrent être un manque de décence, et quelques-uns accusent la municipalité d’instrumentaliser le corps des jeunes femmes. « Le Liban est un pays ouvert, mais ce n’est pas une bonne manière de le montrer aux touristes », s’emporte Yasmina Haddad, patronne d’une pâtisserie voisine. « Elles sont trop jeunes et ce n’est pas acceptable de représenter une municipalité ou un pays ainsi », renchérit Éliane Feghali, propriétaire d’un magasin de vêtements. « On ne peut pas arborer le cèdre de notre pays et porter un short, être la nuit dans la rue… Toute sorte de gens passent par ici. Elles vont entendre des choses déplaisantes. Ce n’est pas acceptable. »


(Pour mémoire : Misogynie, quand tu nous tiens !)


Quelle protection en cas de harcèlement ?
Broummana est l’un des centres de villégiature les plus fréquentés du pays. La nuit tombée, la ville s’anime : les terrasses des restaurants se remplissent d’une foule de touristes comme de locaux. Les bars font salle comble. De part et d’autre de la rue principale, Chloé Khalifé et Samantha Saad travaillent toute la soirée aux côtés de leurs collègues. Une routine nocturne que cette dernière a d’ailleurs appris à gérer au cours de trois jours de formation dispensés par la municipalité. « On nous a montré comment aider les gens à circuler, éviter les problèmes et contenir la situation si quelqu’un a bu », détaille-t-elle.

Un point important pour Zeinab Mortada, qui encadre les travailleurs sociaux d’Abaad Mena, une association qui lutte pour l’égalité hommes-femmes au Moyen-Orient. « Il faudrait savoir si la municipalité a mis en place un système qui protégerait ces jeunes femmes au cas où elles subissaient un quelconque harcèlement, souligne-t-elle. Dans notre société, le corps des femmes est sexualisé. Lorsqu’il est ainsi vu dans la rue, elles peuvent être harcelées. De plus, le harcèlement verbal n’est pas vraiment pris au sérieux et on a tendance à blâmer la femme qui en est victime. » Sans prendre de position, Zeinab Mortada note qu’il faut garder en tête que « voir des femmes dans la police est valorisant pour les femmes libanaises », mais que la sexualisation des femmes peut encourager les violences à leur encontre.

À ce jour, la ville de Broummana n’a pas mis en place un tel système de protection. Les policières ont toutefois expliqué à L’Orient-Le Jour qu’elles n’ont pas vécu un tel harcèlement parce qu’« il y a des hommes autour qui (les) protègent ». Samantha Saad et Chloé Khalifé se disent partantes pour revenir l’année suivante, ce qui sera probablement possible non seulement à Broummana, mais également dans certaines localités voisines. En fait, selon Pierre Achkar, d’autres municipalités du caza du Metn lui ont dit « vouloir suivre ».

Dix-huit heures. Les policières de Broummana se déploient le long de la rue principale de la ville. Mini-short noir moulant et béret rouge orné d’un cèdre enfoncé sur la tête, les jeunes étudiantes recrutées pour l’été par la municipalité régulent la circulation des voitures, nombreuses à cette heure. Minces et jolies, elles ont toutes entre 18 et 25 ans. À leurs côtés, une...

commentaires (12)

A ce que je sache il y a un uniforme à respecter dans la police, l'armée et ce genre d’institution. Si c’est bien le cas alors je doute que le short soit l’uniforme en vigueur. Dans le cas contraire, si c’est freestyle, alors moi je vote à 200% pour le short! Après faut y penser à long terme, cela peut causer des discriminations dans le sens ou la fille qui accepterait de porter le short aura plus de chance d’être embauchée que celle qui refuserait.

Chady

16 h 32, le 04 juillet 2018

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Commentaires (12)

  • A ce que je sache il y a un uniforme à respecter dans la police, l'armée et ce genre d’institution. Si c’est bien le cas alors je doute que le short soit l’uniforme en vigueur. Dans le cas contraire, si c’est freestyle, alors moi je vote à 200% pour le short! Après faut y penser à long terme, cela peut causer des discriminations dans le sens ou la fille qui accepterait de porter le short aura plus de chance d’être embauchée que celle qui refuserait.

    Chady

    16 h 32, le 04 juillet 2018

  • À Canne il y a des policières en short

    Eleni Caridopoulou

    22 h 13, le 02 juillet 2018

  • Oui que femmes de la police en short ! Oui aux hommes de le police en short!

    Dounia Mansour Abdelnour

    21 h 01, le 02 juillet 2018

  • quoi que vous fassiez il y aura toujours des critiques laissez donc les responsables agir au moins et voyons en fin de saison si ils avaient raison ou pas On se dit feministe et pour l'egalite des sexes au Liban et on critique une fille en short en 2018 Allez estiver ailleurs si vous etes deranges par ce short

    LA VERITE

    15 h 21, le 02 juillet 2018

  • Toutes ces interventions ont une part de vérité... Mais franchement ? Pourquoi pas ? Sur la base du volontariat ces filles souvent étudiantes y trouveront un travail saisonnier, après tout, on ne leur demande pas de franchir la ligne de l'indescence ! Nous sommes en orient, comment voulez vous encourager l'émancipation des femmes saoudiennes qui viennent juste d'être autorisées a conduire, si on ne tolère pas un short à Broumana ? L'ouverture d'esprit, ca ne vous dit rien ?

    Sarkis Serge Tateossian

    14 h 05, le 02 juillet 2018

  • Et que ceux qui sont terrifies par la vue de policieres en shorts moulants et plein sourire aillent se trouver un autre lieu de villegiatures. Tous des tartuffes frustres.

    Remy Martin

    13 h 55, le 02 juillet 2018

  • Broummana c'est très joli et cela me semblait surtout très exclusif et bien cher. Si l'écrivain romain Iuvenalis écrivait qu'il fallait avoir beaucoup d'argent pour pouvoir dormir à Rome, ca me semble aussi vrai pour Broummana, "magnis opibus dormitur in Urbe". Il faut beaoucoup d'argent pour aller en vacances là-bas je crains - peut-être je me trompes. En tous cas tout dépend de la classe / type de touristes occidentaux qu'on veut attirer. Comme touriste moi-même je regrette que je n'ai pas fait plus de vélo bicyclette au Liban. Il faudrait avoir plus de bicyclette et cela résoud aussi le problème du traffic/voitures ! Pourquoi pas de policiers vélo à Broummana ! En costume bicyclette et casque de vélo de police, ca serait idéal pour homme et femme policier / policière ...

    Stes David

    13 h 25, le 02 juillet 2018

  • Voilà comment institutionnaliser le sexisme tout en se disant moderne... Ces filles sont des entraîneuses, et non des policières ! La municipalité prétexte mettre des étudiantes à moitié nues sur le trottoir pour réguler le trafic, alors qu’il s’agit d’hôtesses - valets parkings sexy payées pour attirer les clients frustrés de ne voir que des femmes voilées. Libre à vous de choisir votre cible touristique, mais ce n’est pas ça un pays moderne !

    Georges Lebon

    12 h 56, le 02 juillet 2018

  • FAIRE UN PROBLEME DE CA C,EST VRAIMENT LE COMBLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 25, le 02 juillet 2018

  • il y a encore des gens qui pensent que la tenue d'une femme est responsable du harcèlement ! et pourquoi pas le comportement malsain de certains hommes Libanais ?

    yves kerlidou

    09 h 06, le 02 juillet 2018

  • Le but d'une police, municipale ou pas, est de faire respecter le règlement, pas d'attirer les touristes. on peut mettre en place des tas d'activités sympas dans ce but. Ces filles sont bien mignones, mais trop jeunes pour se rendre compte qu'on leur demande de s'exhiber ainsi pour se faire des sous sur leur dos... Une robe toute simple, droite, ou une jupe à la place du short eut été de bien meilleur goût. Et puis, on n'a pas attendu l'été 2018 et Broumana pour savoir que le Liban est un pays où les gens vivent et s'habillent librement!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 43, le 02 juillet 2018

  • Bravo a l initiative de la municipalité de Broummana. Joanna Rbeiz.

    Geha bel Day3a

    07 h 24, le 02 juillet 2018

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