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Liban - Liban-Paraguay-USA

« Foreign Policy » vs diplomatie libanaise : qui croire ?

Interrogée par L'Orient-Le Jour, l’ambassade du Liban à Asunción nie tant l’implication de l’homme soupçonné de trafic pour le compte du Hezbollah que l’ingérence du palais Bustros dans les affaires du pays hôte.

La « triple frontière », vue d’Iguazu, rivière Parana, entre l’Argentine et le Paraguay. Photo Bigstock

« Le Liban protège le trafic de cocaïne du Hezbollah en Amérique latine. » Tel est le titre de l’article de la revue Foreign Policy, publié le 15 juin et signé Emmanuele Ottolenghi, qui a suscité des remous sur la scène libanaise. Dans les faits, un Libanais résidant au Paraguay, Nader Farhat, a effectivement été arrêté dans la région de la « triple frontière », qui marque le point de rencontre entre les limites du Paraguay, du Brésil et de l’Argentine, accusé d’implication dans des affaires de blanchiment d’argent et de trafic de drogue. L’article assure que cet homme est relié à un réseau de trafic servant à financer le Hezbollah, « qui envoie ses grands cadres dans cette région de triple frontière en vue de coordonner ces activités ». Cet homme serait « supposément impliqué dans un blanchiment d’argent estimé à 1,3 million de dollars, provenant du trafic de drogue ». Toujours selon l’article, « les décideurs américains avaient négligé cette zone depuis des décennies, mais des investigateurs fédéraux y ont récemment déterré un réseau criminel de plusieurs milliards de dollars géré par le Hezbollah ». Le texte met en cause le chargé d’affaires de l’ambassade du Liban, Hassan Hijazi, que le Hezbollah aurait « instrumentalisé » pour « bloquer » l’extradition de Farhat, exigée par les États-Unis. L’article précise que « le 28 mai, M. Hijazi a envoyé une lettre au procureur général du Paraguay lui intimant de rejeter la demande d’extradition contre Farhat ».

Le texte se demande pourquoi M. Hijazi n’a pas cherché à « dissocier » son pays de cette affaire « relevant du crime financier ». « S’ingérer dans un processus légal entamé par son pays hôte est une violation du protocole diplomatique et un signe certain que le ministère des Affaires étrangères à Beyrouth donne la priorité aux intérêts du Hezbollah par rapport aux intérêts du Liban », poursuit l’article. L’auteur encourage même « les autorités à Asunción à faire de M. Hijazi persona non grata dans leur pays, ce qui enverrait un message très clair à son patron, Gebran Bassil : vous pouvez obtenir des aides américaines ou faire le jeu du Hezbollah, mais pas les deux en même temps impunément ».
C’est ce à quoi le ministère des AE a répondu hier dans un communiqué, affirmant que « l’article paru dans la revue Foreign Policy, qui accuse le chargé d’affaires par intérim à l’ambassade du Liban au Paraguay, Hassan Hijazi, de bloquer l’extradition aux États-Unis d’un citoyen accusé de trafic de drogue et de blanchiment d’argent pour le compte du Hezbollah, manque de précision ». Et de poursuivre : « Il est du devoir d’un diplomate de suivre les affaires consulaires des membres de la communauté. Mais le fait de lier l’intervention du chargé d’affaires par intérim dans cette affaire au ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil est totalement faux. »


(Pour mémoire : Nouvelles sanctions US contre des soutiens du Hezbollah)


« Il travaille dans le domaine des changes ! »
L’Orient-Le Jour a contacté l’ambassade au Paraguay pour vérifier les informations qui circulent. Selon les données obtenues, l’avocat de M. Nader Farhat, convaincu de son innocence, a contacté le chargé d’affaires Hassan Hijazi pour demander son concours. Toujours selon ces sources, le chargé d’affaires « a demandé au procureur général de patienter et de privilégier l’option de le juger sur place, mais n’a pas à proprement parler tenté d’empêcher l’extradition comme l’affirme l’article ».

« Le rôle de l’ambassade est de s’assurer que ses ressortissants ont droit à un procès équitable, sans que cela ne soit considéré comme une ingérence dans la justice du pays », nous a-t-on dit, considérant que l’article de Foreign Policy « est truffé de contrevérités puisque, malgré les accusations, M. Farhat n’est impliqué ni dans du blanchiment d’argent ni dans une affaire de trafic de drogue, d’autant plus qu’il n’est pas connecté au Hezbollah et que le parti n’est même pas cité dans le dossier juridique retenu contre lui ». Et d’ajouter : « Cet homme travaille dans le domaine des changes, si l’on trouve de l’argent chez lui ou s’il accepte de changer une certaine somme, il n’y a rien de plus normal ! »
Pourquoi les États-Unis s’acharnent-ils donc contre cet homme s’il n’existe pas de preuves contre lui ? « Ce n’est pas nouveau, c’est l’œuvre de services secrets américains et israéliens, et ce genre d’histoires est récurrent depuis dix ans », nous déclare-t-on. Sur l’accusation contre M. Bassil dans l’article, on nous fait savoir qu’il est vrai que le ministère des AE n’a rien à voir avec de telles mesures qualifiées d’« ordinaires » suivant la Convention diplomatique de Vienne, incluses dans les prérogatives de l’ambassadeur ou du chargé d’affaires qui suit le quotidien des ressortissants.

Quoi qu’il en soit, Nader Farhat est toujours arrêté et risque effectivement l’extradition. Selon les informations obtenues directement du Paraguay, il s’agit d’un homme d’une trentaine d’années, marié à une Chinoise, père de famille. La boutique de change appartiendrait à sa femme et à son beau-père. Il vit et travaille dans la région appelée « triple frontière », une zone où de nombreux Libanais ont apparemment élu domicile. C’est là qu’il a été arrêté et sa boutique fouillée par les autorités paraguayennes ou par les services secrets américains, selon les versions. Sa femme et sa famille n’ont pas été inquiétés, même si la boutique est en leur nom.


(Pour mémoire : Les Etats-Unis vont enquêter sur le "narcoterrorisme" du Hezbollah)


Une affaire « grave »
Quelle est la marge de manœuvre du Paraguay dans cette affaire et quelle est celle du Liban pour tenter de protéger ce ressortissant ? Interrogé par L’OLJ, William Habib, ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, même s’il ne suit pas personnellement ce cas, pense que tout dépend de l’existence – ou pas – d’un accord d’extradition entre le Paraguay et les États-Unis, et de la nationalité de l’accusé, en d’autres termes s’il a pu conserver sa nationalité libanaise, sachant que beaucoup de pays d’Amérique latine demandent aux naturalisés de renoncer à leur nationalité d’origine. Or il a été possible de vérifier que l’accord d’extradition existe bel et bien entre les deux pays (source : site de la Conférence des États parties à la Convention des Nations unies contre la corruption). Concernant le second point, selon le site internet nationalité.net « le Paraguay n’exige pas de renoncer à sa première nationalité, même s’il ne la reconnaît pas ». Cette information a pu être vérifiée sur d’autres sites, ainsi que le fait que la nationalité paraguayenne est relativement facile à obtenir. En d’autres termes, Nader Farhat peut avoir conservé sa nationalité libanaise mais il a probablement été naturalisé au Paraguay, ce qui explique la demande américaine d’extradition (s’il n’était qu’un étranger, son pays de résidence aurait pu simplement l’expulser).

Dans tous les cas, William Habib estime que les accusations lancées contre cet homme, ainsi qu’une demande d’extradition faite par une grande puissance, en font une affaire grave et non un simple suivi de routine. « Je comprends la volonté du diplomate de protéger un ressortissant, mais je pense que son intervention aurait dû être plus modérée et discrète, sans donner l’impression de dicter leur conduite aux autorités paraguayennes, estime-t-il. Il est vrai que le ministre des AE n’intervient pas dans les moindres détails de ce qui se passe dans les ambassades dans le monde. Mais étant donné la gravité du cas, je crois que le chargé d’affaires aurait dû en référer au ministère des AE et que l’affaire aurait même dû être discutée en Conseil des ministres. »

Quels que soient les tenants et aboutissants de cette affaire, le degré de crédibilité de l’article en question ou encore la marge de manœuvre du diplomate pour protéger les ressortissants, le Liban peut-il négliger de se prononcer sur des accusations aussi graves ?



Pour mémoire
Enquête sur la gestion par Obama de la lutte contre le trafic de drogue du Hezbollah

"Londres a un problème lié au Hezbollah", rapporte l'International Business Times

Billingslea : Le Hezbollah, « un cancer au cœur du Liban qu’il faut traiter sans tuer le patient »

Adel Jubeir : "Le Hezbollah blanchit de l'argent, extorque et mène des actes terroristes au Liban et dans le monde"

Salamé et Geagea à Jubeir : Pas de blanchiment d'argent du Hezbollah via les banques libanaises

« Le Liban protège le trafic de cocaïne du Hezbollah en Amérique latine. » Tel est le titre de l’article de la revue Foreign Policy, publié le 15 juin et signé Emmanuele Ottolenghi, qui a suscité des remous sur la scène libanaise. Dans les faits, un Libanais résidant au Paraguay, Nader Farhat, a effectivement été arrêté dans la région de la « triple...

commentaires (6)

clarte ou est tu ? pour bcp moins que ca les responsables tout stels qu'ils sont sont des champions de la langue de bois, (pour etre poli ) maires de discours qui ont l'effet contraire a celui espere par le " peuple " : en effet ils epaississent encore + le brouillard.

Gaby SIOUFI

10 h 46, le 18 juin 2018

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Commentaires (6)

  • clarte ou est tu ? pour bcp moins que ca les responsables tout stels qu'ils sont sont des champions de la langue de bois, (pour etre poli ) maires de discours qui ont l'effet contraire a celui espere par le " peuple " : en effet ils epaississent encore + le brouillard.

    Gaby SIOUFI

    10 h 46, le 18 juin 2018

  • Le LIBAN NOUVEAU, comme l'ancien d'ailleurs, fidèle abonné permanent à toutes les magouilles dans le monde entier. De quoi être fiers... ou alors accuser une fois de plus le complot des wahabites-israéliens-alliés des occidentaux, c'est plus simple et décharge la conscience ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 04, le 18 juin 2018

  • depuis quand les paroles des services secrets américains sont des paroles d'évangile? Quand certains libanais vont arrêter de se ranger avec les amerloques contre d'autres citoyens libanais, alors que même les paraguayens n'ont pas encore dit leur derniers mots? La haine du Hezbollah les rend manifestement aveugles.

    HIJAZI ABDULRAHIM

    10 h 03, le 18 juin 2018

  • Foutaises une fois de plus.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 37, le 18 juin 2018

  • ON SE MET SUR LE DOS L'ONU ET LES PUISSANCES MONDIALES A CAUSE DE L'HEBETUDE QUI REGNE CHEZ NOUS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 23, le 18 juin 2018

  • L"affaire n'est pas claire et on attend une position officielle du gouvernement libanais. Toutefois, au moins une affirmation de l’article de la revue Foreign Policy est exacte: "le ministère des Affaires étrangères à Beyrouth donne la priorité aux intérêts du Hezbollah par rapport aux intérêts du Liban", comme on a pu maintes fois le constater.

    Yves Prevost

    07 h 45, le 18 juin 2018

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