Le chef de l’État entouré des ambassadeurs des pays du GISL. Photo Dalati et Nohra
Pris en tenailles entre le souhait de « recouvrer sa souveraineté » en matière de réfugiés résidant sur son sol et les requis du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés qui affirme appliquer à la lettre les standards internationaux dans le cadre de son mandat, le Liban officiel semble enlisé dans un bras de fer sans précédent avec la communauté internationale, dont les séquelles pourraient être profondément ressenties par un pays dont la survie dépend, en large partie, du soutien de ses partenaires internationaux. La crise déclenchée au lendemain de la décision prise par le palais Bustros de bloquer les permis de séjour des employés du HCR ne semble pas près d’être résolue, d’autant que la confrontation devait aller crescendo avec les accusations d’insoumission adressée par M. Bassil au HCR. Le ministre des Affaires étrangères reproche à l’organisation onusienne d’aller à l’encontre de la volonté libanaise d’organiser le retour progressif des réfugiés dans les zones sûres en Syrie et de les en dissuader. M. Bassil a été même plus loin lorsqu’il a dénoncé certains agissements du HCR au Liban, notamment le « recel » d’information concernant les réfugiés.
Les développements survenus hier à ce sujet – notamment la réunion du ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil avec le haut-commissaire du HCR à Genève, Filippo Grandi, et la rencontre du chef de l’État, Michel Aoun, avec les ambassadeurs des pays du Groupe international de soutien au Liban (GISL, composé de sept pays, les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Italie et la (Grande-Bretagne) et de Union européenne) ont révélé la profondeur du fossé entre les deux parties, même si certains observateurs estiment que les propos exprimés laissent entrevoir un début de dégel.
Hier, le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, a jeté du lest à l’issue de sa rencontre avec le patron du HCR à Genève en se disant prêt à suspendre « sous condition » les mesures prises contre cette organisation, dans ce qui est apparu, a priori, comme une volonté de calmer le jeu, du moins provisoirement.
« Nous ne cherchons pas des ennuis avec le HCR et les Nations unies », a affirmé M. Bassil à l’issue de l’entretien. Le ministre sortant s’est dit prêt à revenir sur sa décision s’il « constate un changement dans la politique » de l’organisme, mais a fait savoir néanmoins qu’il était « prêt à prendre des mesures supplémentaires dans le cas contraire ». Il reste à voir ce que M. Bassil a réellement voulu dire par « un changement dans la politique » du HCR, qui, de son côté, s’évertue à dire qu’il ne fait à ce jour qu’appliquer les termes de son mandat, dans le respect le plus strict des standards internationaux.
À plusieurs reprises depuis le début de la crise, l’organisation onusienne a répété à l’envi qu’elle ne s’oppose à aucun retour volontaire et spontané des réfugiés, mais plutôt au retour forcé et insécurisé, et qu’elle ne fait que s’assurer de l’existence des conditions minimales qui attendent les réfugiés à leur retour. Bref, un dialogue de sourds semble désormais entamé entre les deux parties, entachant un peu plus la relation entre le Liban, d’une part, le HCR et la communauté internationale, de l’autre.
(Reportage : Rentrer en Syrie ou rester au Liban ? Des réfugiés syriens s’expriment)
Martin Huth virulent
Les ambassadeurs des pays du GISL et la coordinatrice spéciale pour les Nations unies, Pernille Dahler, se sont d’ailleurs entretenus avec le chef de l’État à Baabda, qui a avalisé la position de M. Bassil, appelant au retour des réfugiés syriens vers « des zones sûres dans leur pays ». M. Aoun a d’ailleurs rejeté le principe défendu par la communauté internationale du préalable de la solution politique en Syrie pour le retour des réfugiés. Il a souligné que le Liban ne peut plus attendre qu’un règlement se mette en place, alléguant une perte de 10 milliards de dollars attribuée à la présence des réfugiés. Selon lui, « les déplacés qui se trouvent pour le moment au Liban peuvent aller s’installer dans les régions considérées comme sécurisées ». Une déclaration qui laisse toutefois entière la problématique du « retour librement consenti », sachant que M. Aoun aussi bien que M. Bassil ont tous deux exprimé leur attachement au droit international. Devant les diplomates, le chef de l’État a assuré que le Liban « reste attaché à ses engagements auprès de la communauté internationale et pays amis, et déterminé à préserver les relations solides » du Liban avec eux. M. Aoun a également exprimé sa « reconnaissance » envers les pays qui aident le Liban, insistant sur le fait que ces États « ne suscitent pas de méfiance ou de suspicion ». Le président semblait ainsi répondre, vraisemblablement en vue de tempérer le climat, à des propos cinglants tenus par l’ambassadeur d’Allemagne, Martin Huth, lors de l’entretien à Baabda. Le diplomate a affirmé que la communauté internationale est « consternée par les fausses accusations répétées » selon lesquelles elle chercherait à implanter les réfugiés syriens au Liban, rapporte l’agence Reuters. Il a également indiqué que la communauté internationale réalisait « le lourd fardeau » que constitue pour le Liban l’accueil des réfugiés, rappelant que les aides internationales consenties visent à réduire ce fardeau.
Selon un observateur qui suit de près ce dossier, les propos de MM. Bassil et Aoun peuvent être interprétés sous l’angle d’une volonté mutuelle de ne pas envenimer la relation du Liban avec ses partenaires internationaux. C’est ce que pense également une source diplomatique qui considère que la crise serait « en voie d’être résolue », même si les solutions concrètes à apporter à la question épineuse du retour des réfugiés ne sont pas encore clairement définies. En qualifiant, il y a quelques jours, l’ONU et le HCR de « partenaires qui aident aujourd’hui à traiter la question des réfugiés », le Premier ministre sortant, Saad Hariri, qui s’est tenu à l’écart depuis le début de la crise dans un souci de ménager l’une et l’autre partie, « a voulu néanmoins envoyer un message de solidarité » avec les organisations onusiennes et, par ricochet, la communauté internationale, relève la source diplomatique.
Lire aussi
Depuis Ersal, Bassil persiste : Nous ne reviendrons pas sur le retour des réfugiés syriens
Pris en tenailles entre le souhait de « recouvrer sa souveraineté » en matière de réfugiés résidant sur son sol et les requis du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés qui affirme appliquer à la lettre les standards internationaux dans le cadre de son mandat, le Liban officiel semble enlisé dans un bras de fer sans précédent avec la communauté internationale, dont les...
commentaires (9)
hehe .. ils ont été obliger de temperer leur ardeurs .. c'est ce qui arrive quand on pense etre un lion en acier or qu'il s'avere etre en papier n'ont ils pas encore compris que quand on veut etre ferme il faut avoir une base solide et forte et surtout avec un super levier de pression !?!
Bery tus
14 h 58, le 15 juin 2018